Il y a Cent ans : La Voragine – Par Samir Belahsen

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La Voragine fête son 100e anniversaire cette année

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“Malédiction et bénédiction n’ont jamais hâté la mort ni prolongé la vie de quiconque.”

Proverbe indien 

“La vie est née dans la violence. Sur la tête de chacun de nous pèse la malédiction ancestrale de cinquante millions de meurtres.”

Herbert George Wells 

« La Vorágine » est la quintessence du roman colombien selon les termes de l'écrivain Antonio Caballero.

(Antonio Caballero est l’auteur d’ « Un mal sans remède » dont il sera question dans la prochaine chronique)

La Voragine fête son 100e anniversaire cette année. Selon des amis hispaniques, l’auteur José Eustasio Rivera (1888 -1928) est aussi, sinon plus, marquant de cette littérature que Gabriel Garcia Marquez qui a eu le succès et la reconnaissance universels.

En témoignent les magnifiques ouvrages d'Eduardo Neale-Silva, Montserrat Ordoñez Vila, Luis Carlos Herrera Molina et Vicente Pérez Silva.

L’histoire

On est à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle, la Colombie connaît une période d'exploitation capitaliste intensive du caoutchouc dans l'Amazonie. 

Des milliers de travailleurs, appelés "caucheros", sont recrutés de force pour travailler dans des conditions inhumaines dans les plantations. Cette exploitation brutale s'accompagne de violents conflits frontaliers entre la Colombie et le Pérou, qui se disputent le contrôle de ces régions riches en caoutchouc. Le roman décrit ces luttes et la violence qui en découle.

"La vorágine" s'inscrit dans le mouvement littéraire latino-américain des années 1920 appelé "Novelas de la selva" romans de la jungle, qui dénoncent aussi bien les conditions de vie des travailleurs et l'exploitation abusive et destructrice de l'environnement. 

Le roman est considéré comme un classique de la littérature colombienne et un témoignage important sur cette période sombre de l'histoire du pays.

Le  roman, publié en 1924, raconte l'histoire d'Arturo Cova, un homme qui fuit Bogotá avec sa maîtresse Alicia après avoir tué un homme. Ils se réfugient dans la jungle amazonienne, où ils sont entraînés dans un monde de violence et d'exploitation des travailleurs dans les plantations de caoutchouc. Le roman décrit de manière réaliste mais aussi poétique les paysages de la jungle et les conditions de vie des travailleurs, victimes des patrons sans scrupules. 

Arturo et Alicia sont séparés et subissent de nombreuses épreuves. Le roman qui se termine de façon tragique, avec la mort d'Arturo est considéré comme un classique de la littérature latino-américaine. Son style fort et riche en descriptions et son histoire réaliste et captivante en font un témoignage de choix d’une partie de l’histoire de la région. 

L’histoire repose sur des faits réels tels que les crimes commis dans la région du Putumayo par la firme Arana ou les massacres perpétrés par le « colonel » Funes. 

Certains personnages du roman portent leurs vrais noms. Le roman se présente comme une autobiographie retrouvée du jeune poète, Arturo Cova, qui disparaît à la fin de l’histoire. Pendant les sept mois de la narration, l’histoire sentimentale sert de prétexte  pour raconter et décrire la vie des llaneros, la misère des Indiens, l'exploitation des caucheros, la barbarie des trafiquants... 

La forte présence de la forêt est inspirée par la mythologie populaire. La foret est un personnage satanique envoûtant et destructeur, il plonge l’homme dans une désorientation spatiale et métaphorique. On est dans l’atmosphère tellurique latino-américaine qui oppose l’homme à l'immensité dévorante des éléments  fleuves, grandes plaines et forêts tropicales.

La malédiction des ressources

La malédiction des ressources fait référence au paradoxe, que nous révèle l’histoire économique, selon lequel les pays riches en ressources naturelles comme le pétrole, le gaz, le caoutchouc ou le cacao ont parfois des performances économiques inférieures à celles des pays moins pourvus en ressources. Les travailleurs des plantations de caoutchouc en Colombie, les "caucheros", ont souvent été exploités et ont souffert de conditions de travail difficiles. Il a fallu attendre la découverte de procédés pour fabrication de caoutchouc industriel pour cette souffrance cesse partiellement.

De même, les pays du Moyen-Orient riches en pétrole ont connu et connaitront encore des conflits et des instabilités politiques liés à la lutte pour le contrôle des ressources et des revenus pétroliers : Colonialisme, impérialismes…

En Amérique latine, outre les différentes formes de colonialismes et d’impérialisme que ces pays ont subies et qu’ils subissent, il y a aussi que la dépendance excessive aux revenus des ressources naturelles a souvent conduit à des inégalités économiques, à de la mauvaise gestion, à la corruption…

Cette malédiction des ressources souligne l'importance pour ces pays riches en ressources de diversifier leurs économies, d'investir dans l'éducation et le développement d'autres secteurs, de mettre en place une gouvernance transparente et efficace et surtout de s’unir pour éviter les convoitises étrangères.

C’est là ou réside,100 ans après le roman, le principal enjeu de la région.

Pour le Moyen Orient, l’histoire nous dira si l’homme saura trouver des énergies de substitution comme il a pu trouver le caoutchouc industriel.