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Déclaration annuelle de l’ANC, un test décisif de la pertinence du gouvernement de coalition
L'ANC, le parti historique est toujours hanté par son récent revers électoral. Ses récentes déclarations et ses intentions gouvernementales plus larges n’ont pas trouvé d’écho auprès de l’électorat
Par Hamid AQERROUT – Bureau de MAP à Johannesboug
Johannesburg - À l’aube de 2025, l’Afrique du Sud se trouve à un tournant critique de son paysage politique, social et économique. Le Congrès National Africain (ANC), au pouvoir depuis trois décennie, est confronté à une «crise existentielle» et n’a d’autres choix que de se renouveler pour pouvoir survivre.
Les élections générales du 29 mai dernier ont marqué le début d’une nouvelle ère caractérisée par une politique de coalition, des attentes accrues de la population et des défis importants que le gouvernement d’unité nationale doit urgemment relever.
Après cet épisode électoral houleux, les Sud-africains et les analystes politiques attendaient avec impatience la Déclaration annuelle qui articule la stratégie de gouvernance de l’ANC et qui constitue un test décisif pour la pertinence au sein d’un gouvernement crée dans des conditions circonstancielles très tendues.
Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la déclaration du 8 janvier 1972, prononcée par l’ancien président de l’ANC, Oliver Tambo, fut une initiative révolutionnaire. Elle a défini une orientation stratégique, rallié les membres de l’ANC et recueilli le soutien international au mouvement de libération.
La Déclaration de cette année, prononcée par le chef de l’Etat et président du parti, Cyril Ramaphosa, intervient à un moment critique. Ainsi, tout écart par rapport aux principes fondamentaux pour satisfaire la dynamique politique actuelle liée au gouvernement d’unité nationale pourrait entraîner davantage de pertes d’électeurs pour le parti de Nelson Mandela.
C’est que le parti historique est toujours hanté par son récent revers électoral. Ses récentes déclarations et ses intentions gouvernementales plus larges n’ont pas trouvé d’écho auprès de l’électorat. C’est ainsi que pour la première fois depuis 30 ans, les citoyens d’Afrique du Sud n’ont pas été convaincus par la vision annuelle du parti au pouvoir depuis la fin du régime ségrégationniste de l’apartheid. Le vote-sanction de mai dernier a ainsi fait perdre à l’ANC sa majorité au Parlement en n’obtenant que 40% des suffrages exprimés.
Affaibli lors de ce scrutin, le parti était contraint de nouer des alliances avec neuf autres partis politiques pour former un gouvernement de coalition.
Mais, six mois après le début de ce cadre de gouvernance coopérative, mis à l’épreuve par des politiques controversées telles que la loi Bella portant sur l’éducation de base et la politique étrangère de l’Afrique du Sud, la déclaration de cette année soulève la question suivante : l’ANC réaffirmera-t-il ses principes fondateurs ou adoptera-t-il une posture de gouvernance centriste pour apaiser ses partenaires au sein du nouvel exécutif.
Ramaphosa a répondu à cette interrogation de façon on ne peut plus claire : «l’ANC devra se renouveler et réorganiser sa direction, sous peine de risquer de périr». C’est que les complexités découlant des élections du 29 mai 2024, qui ont accouché d’un gouvernement de coalition entre des partis d’obédiences diamétralement opposées, montrent que l’ANC ne peut plus déterminer unilatéralement les politiques gouvernementales.
Déjà au cours des six derniers mois, le gouvernement a dû faire face à des difficultés marquées par des désaccords idéologiques et stratégiques sur plusieurs sujets. Ces différends créent un environnement tendu et menacent la cohésion et l’unité du nouveau gouvernement sur lequel les Sud-africains fondent d’ailleurs de grands espoirs.
Toutefois, les citoyens demeurent très vigilants compte tenu des différences idéologiques irréconciliables entre les différents partis au pouvoir. Ils restent soucieux face aux manœuvres politiques qui pourraient occulter les défauts du gouvernement d’unité nationale sous couvert d’un projet démocratique naissant.
D’où les pressions énormes auxquelles fait face actuellement l’exécutif pour obtenir rapidement des résultats tangibles. La confiance du public dans les institutions gouvernementales s’effrite et les citoyens exigent du gouvernement des actions concrètes et crédibles à même de relever les nombreux défis auxquels le pays est confronté : la crise économique, le taux de chômage record (33,5%), la criminalité rampante et la corruption endémique, entre autres.