Culture
Les artistes de la réalité virtuelle au cœur de l'humain
L'actrice américaine Sydney Sweeney assiste à la première du film "Immaculate" au Paramount Theatre le 12 mars 2024 à Austin, Texas, dans le cadre de la conférence et du festival SXSW 2024, immense festival annuel d'arts et de technologies à Austin. (Photo par SUZANNE CORDEIRO / AFP
"Quand je suis stressé, je grince des dents, alors je dessine des sortes de traits qui pulsent, rouge vif, sur ma mâchoire", raconte Niki Smit, un des inventeurs de Soul Paint, une application de réalité virtuelle pour dessiner ses émotions sur son corps.
Il est venu cette semaine présenter son prototype à SXSW, un immense festival annuel d'arts et de technologies à Austin au Texas, dans le sud des Etats-Unis.
Dans l'un des salons dédiés à la réalité virtuelle (VR), des dizaines de participants regardent des films, testent des jeux vidéo ou de nouvelles expériences, immergés dans un ailleurs invisible, les yeux et l'expression du visage masqués par le casque.
Mais pour Niki Smit comme de nombreux autres exposants, en dépit des apparences, la réalité virtuelle est un vecteur idéal pour se connecter aux autres et à soi-même.
Soul Paint "est une invitation à plonger en vous-même, à vous explorer", explique-t-il.
Les utilisateurs enfilent un casque et se retrouvent dans un univers cotonneux. Equipés d'un pinceau et d'une palette virtuels, ils ornent à leur guise un mannequin représentant leur corps.
Ils émergent des tentes blanches du stand l'air visiblement ému, après avoir barbouillé leurs estomacs virtuels en vert maladif ou leurs têtes en gris soucis, et avoir dansé pour se libérer symboliquement des émotions pesantes.
"La VR n'est pas une extension du cinéma ou des jeux vidéo, c'est un médium artistique en soi, qui ne s'adresse pas seulement à l'imagination du spectateur, mais aussi à son corps, car le corps est dans l'œuvre", insiste le co-réalisateur.
"Je ne me verrai pas travailler sur un autre support", abonde Victor Agulhon, cofondateur de Targo, un studio qui a produit plusieurs documentaires en VR, pour emmener le spectateur dans les cuisines de chefs étoilés ou lui faire vivre l'enquête sur l'assassinat du président Kennedy.
"Cette technologie permet des choses inédites en termes de compréhension et d’empathie, pour se connecter aux histoires", ajoute le producteur.
Immersion, interaction
"L'être humain a un désir insatiable de récits pour comprendre son expérience dans ce monde. Et il veut que ce soit toujours plus fidèle, plus immersif, plus interactif", a analysé Vince Kadlubek pendant une conférence sur l'avenir du divertissement.
Il fait partie des fondateurs de Meow Wolf, une entreprise spécialisée dans des installations d'art géantes.
Des jeux vidéo aux expositions immersives et à la réalité virtuelle, les formats culturels modernes conquièrent le public en suscitant des interactions et en leur donnant le contrôle, selon lui.
Voyelle Acker parie aussi sur l'immersion à plusieurs : Small Creative met au point des expériences de réalité virtuelle en petits groupes, notamment pour "ramener des publics, parfois éloignés en termes d'éducation ou de géographie, vers la culture".
Elle croit beaucoup dans les "expériences synesthésiques, qui mélangent la vue, l'odorat, le son, et peut-être le goût demain!"
"Aujourd’hui on peut programmer tout ce qu’on veut", note-t-elle, mais "il faut de l’intelligence humaine pour faire de l’artistique, pour trouver les bonnes correspondances".
Les créateurs sont en forte demande. Valeo est venu à SXSW notamment pour les inciter à inventer de nouvelles formes de divertissement en voiture.
L'équipementier automobile français a présenté un jeu vidéo pour les passagers qui se sert des capteurs (caméras, radars) pour restituer l'environnement du véhicule dans une course.
Et ce n'est que le début: "on peut imaginer interagir avec les autres voitures, les faire participer à une expérience, comme partager de la musique", avance Geoffrey Bouquot, directeur technologique de Valeo.
"Tortue cosmique"
"Quel est le pouvoir de la robe à plumes magique?" demande un ordinateur dans un mini cinéma où est projeté un film sans fin, "The Golden Key" ("La clef en or").
Dans cette œuvre, les ingénieurs ont combiné plusieurs modèles d'intelligence artificielle (IA) générative, nourris avec des dizaines de milliers de contes populaires, pour produire en continu les images, le récit et la voix. Les réponses des spectateurs influent le résultat en temps réel.
"La robe transcende le temps et l'espace - tissée à partir du plastique flottant dans l'océan, la tortue cosmique l'a réutilisée pour faire le bien dans le monde", a ainsi répondu un participant.
L'essor de l'IA génératrice de contenus inquiète de nombreux artistes, qui craignent d'être remplacés par des machines.
Mais Melissa Joyner, réalisatrice de "Reimagined Volume III: Young Thang", ne pense pas que l'IA aurait été capable de produire son film d'animation en réalité virtuelle, inspiré d'un conte nigérian.
"Ce n'est pas juste le résultat de mes décisions, c'est le fruit de plein de conversations en équipe", souligne-t-elle. L'IA "ne va pas vous dire +je ne suis pas d'accord+". (AFP)