Culture
Un Institut Royal pour la Recherche sur l’Histoire du Maroc, pourquoi faire ? – Par Abdejlil Lahjomri
La profondeur historique du Maroc exige aujourd’hui des recherches scientifiques rigoureuses qui dépassent le récit traditionnel des événements, en adoptant une lecture approfondie des contextes et des facteurs imbriqués qui ont façonné cette civilisation dans son unité et sa diversité
Jeudi 15 novembre 2024, l’Académie du Royaume du Maroc a abrité la cérémonie d’installation Rahal Boubrik récemment nommé par le Roi à la direction de l’Institut Royal pour la Recherche sur l’Histoire du Maroc, relevant de l’Académie du Royaume du Maroc. Présentant M. Boubrik, son parcours académique et ses études, le Secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume, Abdejlil Lahjomri, a souligné qu’ils ont marqués par leur profondeur et leur originalité (1). Il s’est ensuite employé à rappeler les missions et les nouvelles approches de l’Institut Royal, créé en vertu de la restructuration profonde des organes, des méthodes de travail et du cadre juridique de l’Académie du Royaume telles qu’élaborées par l’Académie et approuvées en Conseil des ministres et adopté par la Chambre des représentants en novembre 2020.
Les missions de l’Institut Royal pour la Recherche sur l’Histoire du Maroc
L’Institut Royal pour la Recherche sur l’Histoire du Maroc est une institution scientifique dédiée à l’étude de l’histoire du Maroc et à la promotion des connaissances sur son passé, tant proche que lointain. À cette fin, l’Institut s’efforce de remplir plusieurs missions principales, parmi lesquelles le développement et la diffusion des connaissances historiques liées à l’histoire du Royaume, le renforcement des études connexes, ainsi que l’enrichissement des archives et des ressources documentaires dans ce domaine. Il supervise également la préparation et la mise en œuvre de divers programmes, projets et activités scientifiques relatifs à l’histoire et au patrimoine culturel marocain. Par ailleurs, l’Institut publie des ouvrages destinés à la jeunesse et des publications multilingues pour les Marocains résidant à l’étranger.
L’Institut cherche ainsi à ancrer et documenter les bases de la mémoire collective marocaine, non pas en tant que simple registre d’événements passés, mais comme un miroir reflétant le parcours de la nation à travers les âges, de manière à honorer le statut civilisationnel et historique du Royaume du Maroc. Il ne fait aucun doute que cette vision exige d’aborder l’histoire du Maroc sous un angle multidimensionnel, englobant les contributions culturelles, intellectuelles, économiques et religieuses, qui sont devenues des marques distinctives dans l’histoire du monde islamique, de la Méditerranée et de l’Afrique.
Anticiper les changements et dépasser le concept traditionnel de l’histoire
Dans cette optique, l’Institut veille à restaurer la mémoire historique liée au pluralisme culturel, religieux et linguistique qui a caractérisé la société marocaine à travers les âges, tout en mettant en lumière les interactions entre les composantes amazighe, arabe, andalouse et africaine dans une mosaïque riche, témoin de la profondeur et de la diversité uniques de la civilisation marocaine.
L’importance de l’Institut dépasse l’étude traditionnelle de l’histoire pour devenir un centre de recherche voué à la préservation de l’identité culturelle des Marocains dans un contexte mondial en rapide évolution. L’histoire, dans ce sens, n’est pas seulement un outil pour comprendre le passé, mais également un moyen de consolider l’identité nationale et de renouveler le sentiment d’appartenance. L’Institut s’efforce d’atteindre cet objectif à travers des projets de recherche novateurs visant à diffuser les connaissances historiques et à approfondir l’intérêt académique à l’échelle nationale, arabe et internationale.
L'histoire du Maroc est marquée par des pages glorieuses qui ont contribué à forger une civilisation unique, riche de son patrimoine diversifié et de ses multiples affluents culturels. Le Maroc n’a jamais été une simple étendue géographique limitée par des frontières politiques. Il a été, à travers les âges, un carrefour des civilisations, un lieu de rencontre pour les interactions culturelles et les échanges intellectuels. Ce qu’il lui a permis de bâtir un héritage civilisationnel solide, tirant sa force de la pluralité de ses composantes et de la diversité de ses dimensions.
Pour des approches critiques modernes
Cette profondeur historique exige aujourd’hui des recherches scientifiques rigoureuses qui dépassent le récit traditionnel des événements, en adoptant une lecture approfondie des contextes et des facteurs imbriqués qui ont façonné cette civilisation dans son unité et sa diversité. Pour ce faire, il convient d’appliquer des approches critiques modernes qui prennent en compte les diverses interprétations des éléments de notre identité, tant dans le passé que dans le présent, permettant ainsi de consolider les valeurs du dialogue civilisationnel, renforçant la diversité et établissant les bases d'une coexistence durable.
Le rôle renouvelé de la recherche historique nécessite d’anticiper les changements et de dépasser le concept traditionnel de l’histoire, afin qu’elle devienne un outil prospectif pour orienter les politiques intellectuelles et culturelles. Elle peut ainsi bâtir une conscience collective intégrant passé et présent, et tirer des enseignements des expériences historiques pour relever les défis contemporains. L’histoire devient alors une source de valeurs et de principes fondateurs pour un projet civilisationnel intégrant tradition et modernité. D'où l'importance d'élargir le champ de la recherche historique au sein de l'Institut pour inclure de nouveaux domaines où les sciences historiques interagissent avec les études sociologiques, anthropologiques et géographiques. Cela permet d'acquérir une compréhension globale et précise des transformations qu'a connues la société marocaine à travers les âges. Ainsi, l'histoire devient un outil pour développer une conscience critique, remettre en question les idées reçues et poser de nouvelles questions qui approfondissent l'analyse des différents facteurs ayant influencé l'évolution et la dynamique de la société.
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(1) Rahal Boubrik a été professeur d’anthropologie à l’Université Mohammed V de Rabat, ainsi que celui de chercheur à l’Institut des Études Africaines de la même université. Titulaire d’un doctorat de l’Université d’Aix-Marseille en 1997 et d’un diplôme d’études approfondies de l’Université de la Sorbonne, il a également enseigné précédemment dans les facultés des lettres d’Agadir et de Kénitra, et dirigé le Centre des Études Sahariennes à l’Université Mohammed V. M. Boubrik est l’auteur de plusieurs études, parmi lesquelles : « Le Temps de la Tribu : Pouvoir et Gestion de la Violence dans la Société Saharienne » (en arabe), « Entre Dieu et la Tribu : Clergé et Pouvoir Politique en Mauritanie » (en français), « Les Saints et la Société dans l’Islam (en français) et « La Baraka des Femmes : Religion au Féminin ». Ainsi, M. Boubrik allie ainsi excellence académique et expertise scientifique, ce qui le place dans une position idéale pour mener l’Institut vers davantage de progrès dans l’étude de l’histoire du Maroc et pour renforcer son rôle dans la recherche scientifique.