économie
DOUANES - COMMERCE ELECTRONIQUE : UN PEU TARD... Par Mustapha SEHIMI
Fouzi Lekjâa, ministre du Budget- A ses yeux, il s'agit d'assurer et de mieux protéger les citoyens et plus globalement les recettes budgétaires
Dans quelques jours, sera publié un décret du Chef de gouvernement sur une nouvelle réglementation relative au commerce électronique. Il était temps ! Ce qui a en particulier décidé à se pencher sur la situation de ce secteur est lié à l'explosion des achats sur des plateformes électroniques : quelque 4 millions de colis en 2021 ! Autre fait aussi : plus que le doublement des colis, lesquels sont passés de 2,8 à 6 millions.
Le débat a eu lieu, en début de semaine, à la Chambre des conseillers, à l'occasion d'une question posée inscrite à l'ordre du jour de la séance hebdomadaire dédiée. Voici une quinzaine de jours, l'on se souvient que l'opinion publique, sur les réseaux sociaux, s'était émue de l'annonce de mesures jugées drastiques pour mettre fin pratiquement aux achats des consommateurs sur les supports numériques. Ministre du budget, Fouzi Lekjậa, a tenu à s'en expliquer devant les parlementaires. A ses yeux, il s'agit d'assurer et de mieux protéger les citoyens et plus globalement les recettes budgétaires ; d'apporter une réponse à une telle situation qui d'ailleurs préoccupe aussi l'Organisation mondiale des douanes ; et de mettre ainsi en place à terme un cadre juridique approprié devant encadrer la régulation de cette activité commerciale.
Concurrence déloyale
L’état des lieux pose problème ; il fallait y apporter au plus tôt une solution : celle d'une nouvelle réglementation. L'Administration des douanes a fait une enquête sourcilleuse à cet égard. Quelles en sont les conclusions ? Que l'on a affaire à une violation des textes en vigueur ; et que des pratiques illégales se sont installées, puis développées au grand dam des opérateurs économiques et commerciaux locaux. C'est que ceux-ci étaient soumis à des droits de douane de 68 % et qu'ils subissaient une forte concurrence déloyale ne pouvant les conduire qu’à la faillite...
Tout s'est passé comme si le chapitre des importations avait été investi ce secteur en dénaturant le régime des "envois exceptionnels" offert par la réglementation douanière. Ce qui devait être marginal était devenu structurel : "un phénomène encore limité au cours des dernières années mais qui a enregistré un "boom" surtout en 2020 et plus encore en 2021. Nul doute que le confinement durant ces deux années a "boosté" le commerce électronique, certaines catégories d'internautes disposant de plus de temps pour naviguer sur le réseau numérique. Mais il y a plus. C'est qu'en effet des intervenants se sont engouffrés dans ce marché potentiel du commerce électronique pour en faire une activité spéculative et illégale. Quel a été leur modus operandi ? Le ministre s'en est expliqué devant la Chambre : mise en cause d'opérations d'importation en grandes quantités" ; des envois de colis d'une valeur de 2 milliards de DH sans l'acquittement d'un droit de douane. Un "système" moribond, il faut bien le dire, qui ne pouvait que menacer de fait des pans entiers de l'économie nationale ; et qui aussi constitue une violation flagrante au principe fondamental de l’égalité devant l'impôt.
Un commerce informel
Ce commerce électronique a généré un marché informel en pleine expansion. Deux techniques ont été utilisées, parfois distinctement, d'ailleurs. La première est celle de la sous-facturation : falsification des données d'origine, de prix aussi. La seconde, elle, est plus élaborée. Comme l'a précisé le ministre, c'est "l'envoi des colis à différentes personnes alors que le bénéficiaire effectif n'est qu'une seule personne ". Le souci de ces opérateurs est de ne pas dépasser le plafond de 1.250 DH qui, lui, est exonéré des taxes douanières et d'autres procédures de contrôle du commerce extérieur.
En tout cas, le manque-à-gagner des recettes douanières en 2021 est de l'ordre de 1,4 milliard de DH; il faut y ajouter près d'un milliard de DH pour 2020 et quelques autres milliards pour les années précédentes. Comment expliquer un tel dysfonctionnement dans l'imposition et la collecte de droits de douanes dus mais qui n'ont pas été perçus ? Laisser-faire et laisser aller d'un département ministériel et d'un gouvernement passablement laxistes ? Electoralisme politicien ? Le réseau informel spécialisé dans le "sans facture", les acrobaties et turpitudes commerciales et l'usage du "cash" : un créneau où prédominent plutôt des commerçants proches de la mouvance PJD et de son maillage culturel et territorial.
La mise à niveau de l'économie nationale ne pouvait que commander les mesures devant entrer en vigueur prochainement. Un assainissement qui doit être élargi à d'autres secteurs : exploitation des carrières de sable, secteur informel dans le tourisme avec les séjours dans les riads réglés sur des comptes étrangers- un business florissant tout aussi illégal...