International
A Cuba, pendant le confinement, l'avenir se rêve depuis les toits
Il fait chaud et la pluie est rare en cette saison à La Havane. Lorsque le vent tombe, William sort son violon, Leydi son épée et Adrian son tapis d'exercices. Confinés par l'épidémie de coronavirus, ils poursuivent leurs rêves malgré les portes closes.
Dans le quartier Playa, désert, le doux bruit des vagues est perceptible depuis le toit du petit immeuble où habite William Roblejo, 35 ans.
Violoniste professionnel, il s'apprête à jouer un petit récital en plein air. Le visage masqué, il interprète des thèmes classiques, de la musique celtique, puis improvise un morceau de jazz.
"Je suis très heureux, j'ai été enfermé pendant 20 ou 25 jours", raconte le violoniste à l'AFP, qui forme normalement avec deux autres musiciens un trio à succès.
William Roblejo est également professeur de violon et chef du département des instruments à cordes au Conservatoire de La Havane. Son quotidien a changé du jour au lendemain.
"Nous, les musiciens (...), nous avons l'habitude jouer en direct (...) Parfois je m'ennuie, parfois je n'ai envie de rien faire", explique-t-il.
Alors, il poste sa musique sur les réseaux sociaux et approfondit l'étude de son art. "Je dois remercier un peu cette quarantaine", concède-t-il : "j'ai davantage étudié et je pense avoir progressé dans ma musique. Maintenant, je souhaite que cela s'arrête pour pouvoir le montrer", ajoute-t-il.
Cuba, qui compte plus de 1.400 cas de coronavirus, n'a placé en confinement obligatoire que certains quartiers de la capitale, mais les gens sont appelés à rester chez eux.
Avec des températures dépassant les 30 degrés, des pénuries d'eau dans certains quartiers de la capitale et de longues files d'attente pour remplir leurs garde-mangers, l'anxiété des Cubains n'a cessé de croître ces dernières semaines.
Pirouettes à l'air libre
Premier soliste du Ballet national cubain (BNC), Adrian Sanchez, 22 ans, craint surtout que son corps, habituellement soumis à neuf heures d'entraînement quotidien, ne souffre de ce confinement.
Quand tout cela prendra fin, nous retrouverons le ballet, et si nous y retournons sans avoir poursuivi l'entraînement, cela va être très dur", souligne le danseur du haut de son 1,80 m.
Il parvient à monter sur le toit de son immeuble à travers une lucarne. De là, surplombant l'emblématique Place de la Révolution, il consacre "deux ou trois heures" par jour à entretenir son outil de travail. Ainsi, "le temps passe plus vite", assure le jeune homme.
Parmi les sportifs de haut niveau que compte l'île de 11 millions d'habitants, la pentathlonienne Leydi Laura Moya, 28 ans, et le champion de lutte greco-romaine Daniel Gregorich, 23 ans, avaient tous deux obtenu leurs billets pour les Jeux olympiques de Tokyo, prévus en juillet-août et pour l'heure reportés à 2021.
Leydi Laura Moya, qui a remporté les Jeux olympiques de la jeunesse à Singapour en 2020 et triple médaillée aux Jeux panaméricains de Lima en 2019, s'entraînait au Mexique lorsque l'épidémie a commencé à toucher la région.
Elle est arrivée sur l'île mi-mars avec des symptômes de grippe et a été placée en quatorzaine. Elle a finalement été testée négative au coronavirus.
Dans un gymnase improvisé sur le toit de sa maison, la championne pratique l'escrime, le tir au pistolet laser et s'applique à faire des exercices de musculation.
Mais elle sait que cette routine est loin d'être celle qu'elle doit suivre pour être au meilleur niveau dans la perspective des JO, sa "plus importante compétition l'année prochaine".
"Les performances sportives vont baisser", reconnaît-elle, mais elle reste convaincue qu'il lui restera du temps pour renverser la situation.
Pour sa part, Daniel Gregorich (87 kg), champion panaméricain à Lima en 2019, a participé aux éliminatoires à Ottawa en mars, où son coéquipier, le champion olympique Ismael Borrero, a contracté le coronavirus.
Il va bien", assure le lutteur. Daniel Gregorich craint toutefois que l'éloignement des tapis n'affecte son "parcours vers les Jeux olympiques, qui est le rêve de tout athlète".
"Le sport, c'est la santé, le sport c'est la vie, et au moins je suis soulagé de l'anxiété" en le pratiquant, se réjouit-il.