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A Gaza, les raids israéliens s'intensifient, la peur des habitants aussi, 110 morts dont près de 40 enfants
Des Palestiniens fuient les bombardements israéliens à Beit Hanoun, dans le nord de la bande de Gaza, le 14 mai 2021
A 16 ans, Muhammad Najib est un adolescent comme d'autres, qui aime jouer aux jeux vidéos. Mais ce Palestinien de la bande de Gaza a l'impression depuis quelques jours de vivre lui-même dans un jeu de guerre face aux bâtiments pulvérisés par l'armée israélienne.
Un raid aérien israélien sur la ville de Gaza, le 14 mai 2021
Enormes gouffres dans la chaussée, habitations réduites en poussière, monceaux de terre retournée : les habitants de Gaza se sont réveillés vendredi dans une enclave dévastée par des bombardements israéliens nocturnes.
D'après plusieurs habitants, c'est comme si leur territoire subissait un "séisme continu", depuis qu'Israël a décidé d'intensifier son offensive contre des groupes armés de Gaza, en tête desquels le Hamas islamiste au pouvoir, qui a lancé des centaines de roquettes sur l'Etat hébreu faisant neuf morts.
Depuis le début d'une nouvelle escalade de violence lundi, plus de 110 Palestiniens sont morts dans les bombardements israéliens. Parmi ces victimes figurent près de 40 enfants, selon les autorités locales.
"Ces bombardements étaient complètement fous, comme dans les jeux vidéos", raconte Muhammad Najib, qui habite dans la ville de Gaza, tout près de la tour Al-Shorouk, réduite en poussière dans un énorme nuage noir mercredi.
"C'était terrifiant", se rappelle-t-il.
A Beit Hanoun, dans le nord de l'enclave de deux millions d'habitants, coincée entre Israël, l'Egypte et la mer Méditerranée, Jassar Fayyad n'a lui plus de maison.
Jeudi soir, "soudainement, nous avons entendu le bruit d'explosions (...) Ils ont frappé environ 10 fois sans avertissement", accuse-t-il.
"L'électricité a été coupée et nous ne pouvions plus nous voir, nous avons couru à l'hôpital. Mon père a perdu ses deux pieds, ma tante a perdu son oeil et deux de mes proches ont été gravement blessés", raconte à l'AFP ce jeune homme au T-shirt éclaboussé de sang.
"D'habitude j'aime rester éveillée tard, maintenant je déteste la nuit", confie Dima Talal, une lycéenne de 17 ans. "Ces quatre derniers jours, je n'ai dormi que quatre heures, saisie par la peur".
"Je suis plus effrayée aujourd'hui que pendant toutes les autres périodes d'escalade, le bruit des missiles israéliens est très fort, terrible, fou", renchérit cette jeune habitante de la ville de Gaza.
"Pourquoi ?"
Les échanges de tirs entre le Hamas et l'armée israélienne ne sont pas rares, et les deux ennemis se sont affrontés dans trois guerres dans l'enclave en moins de 15 ans (2008, 2012, 2014).
Pour Ahmed Fatoum, 16 ans, ce que les Gazaouis vivent actuellement n'a rien d'une "escalade". "C'est une vraie guerre", estime-t-il.
"Israël détruit tout: des maisons, des immeubles, même des terres agricoles en face de chez nous", affirme le jeune homme. Pourtant "nous ne sommes coupables de rien", ajoute-t-il.
A 73 ans, sa grand-mère, Oum Jallal Fattoum, n'en est pas à ses premières bombes. Mais elle dit ne "jamais avoir vu de bombardements aussi violents".
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu -- qui a prévenu vendredi que les raids sur la bande de Gaza n'étaient "pas encore fini"-- "est un criminel car il tue des enfants et détruit des maisons. Je ne sais pas pourquoi il fait ça...", soupire Oum Jallal Fattoum.
Un nouveau cycle de violence a été déclenché lundi à la suite de plusieurs jours de heurts entre Palestiniens et policiers israéliens à Jérusalem-Est, portion palestinienne de la Ville sainte occupée et annexée par Israël, ayant fait plusieurs centaines de blessés.
Les images de la police israélienne tirant des grenades assourdissantes ou des balles en caoutchouc sur l'esplanade des Mosquées pour disperser des Palestiniens, lançant des projectiles en leur direction, ont particulièrement choqué.
Le Hamas avait alors menacé de tirer des roquettes sur Israël si ses forces ne se retiraient pas de l'esplanade, troisième lieu saint de l'islam et site le plus sacré du judaïsme.
"Il (M. Netanyahu) a fait du mal à Jérusalem, c'est pour ça que les Palestiniens ont tiré des roquettes. Il doit partir", estime Oum Jallal Fattoum, estimant qu'il s'agit de la seule solution pour "la paix", qu'elle appelle de ses vœux.