À Gaza, un Aïd-el-Fitr brisé par la guerre : prières sous les bombes, deuils sous les tentes

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Au Milieu des décombres un enfant et des Palestiniennes assistent à la prière de l'Aïd al-Fitr dans le camp de réfugiés palestiniens de Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 30 mars 2025. (Photo Eyad BABA / AFP)

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Au lieu des chants de fête, c’est le fracas des frappes aériennes israéliennes qui a réveillé les Gazaouis pour l’Aïd-el-Fitr. Dans un territoire ravagé par la guerre, les prières se déroulent au milieu des décombres, les retrouvailles ont laissé place aux adieux, et les enfants ne reçoivent plus de cadeaux, mais fuient les bombes. Témoignages poignants d’un peuple pris au piège d’un conflit qui fait de la fête une journée de deuil collectif.  

Gaza - Aïd-el-Fitr, un jour de fête, "est devenu un jour d'adieux et de funérailles" sous les bombes israéliennes, déplore Nahla Abou Matar, une mère de famille, au premier jour de cette fête marquant la fin du mois de jeûne musulman du ramadan.

"Au lieu de nous réveiller au son des takbirs (formule prononcée avant les prières, NDLR), nous nous sommes réveillés au bruit des frappes aériennes et des explosions", décrit depuis Khan Younès (sud) cette femme de 28 ans, originaire du nord du territoire palestinien et déplacée par les combats, comme la plupart des Gazaouis.

A l'aube, des milliers de personnes se sont rassemblées pour prier à travers toute la bande de Gaza, ravagée par la guerre qualifiée de génocide par Amnesty International et de crimes de guerre par le TPI.

Certains ont déroulé leur tapis de prière dans les rues, au milieu des décombres, ou dans des mosquées, aux murs effondrés.

D'autres se prosternent en bordure des tentes qui parsèment le territoire pour abriter les déplacés, dans des conditions humanitaires rendues encore plus difficiles par le blocage israélien depuis le 2 mars de l'entrée de l'aide internationale.

"Guide-nous sur le droit chemin, le chemin de ceux qui ont reçu Ta grâce, non de ceux qui ont encouru Ta colère, ni des égarés": les voix qui s'unissent dans les prières sont couvertes par des tirs d'artillerie, ou l'incessant  bourdonnement des drones militaires israéliens.

"L'Aïd, qui était autrefois un jour de retrouvailles et de visites familiales, est devenu un jour d'adieux et de funérailles", regrette Mme Abou Matar.

"Les mosquées où nous priions ont été réduites à des piles de décombres par les bombardements, et les lieux où nous nous rassemblions sont jonchés de ruines et de cadavres".

Dans la morgue de l'hôpital Nasser de la ville, Mohamed al-Qadi pleure devant des sacs mortuaires de plastique blanc.

Selon les secours, huit habitants d'une maison et d'une tente, dont cinq enfants, ont été tués dans la nuit par une frappe israélienne. Mohamed al-Qadi dit avoir perdu sa soeur et son neveu dans ce bombardement.

"Le monde entier profite de l'Aïd pendant que nous envoyons nos fils et nos enfants à la morgue. Combien de temps cette situation va-t-elle durer?", interpelle-t-il les journalistes.

"Plus de joie" 

A Nuseirat (centre), des familles se fraient un chemin entre les tombes et les herbes hautes d'un cimetière pour venir prier sur les sépultures de leurs proches.

Ce dimanche, des regards fatigués se posent sur des stèles parfois couvertes de plusieurs noms récemment écrits à la hâte, au marqueur.

La guerre d'Israël contre les Palestiniens a tué au moins 50.277 personnes à Gaza, en écrasante majorité des civils, dont les deux tiers sont des enfants et des femmes.

Au nord du territoire, dans le quartier d'al-Rimal, à l'ouest de la ville de Gaza, Samir Dibb, 10 ans, respire la tristesse, assis devant la tente de sa famille, déplacée une fois de plus depuis la rupture par Israël, le 18 mars, de la fragile trêve entrée en vigueur deux mois auparavant.

"La guerre m'a volé ce que j'avais de plus précieux, elle m'a volé ma mère", qui a été tuée le 2 janvier 2024, dit-il, "depuis cette date, je n'éprouve plus de joie".

"Ma mère m'achetait de nouveaux vêtements et des bonbons pour l'Aïd, et j'allais avec elle à la prière", se souvient-il.

Plusieurs parents ont affirmé aux correspondants de l'AFP ne pas pouvoir, cette année, offrir ces cadeaux traditionnels à leurs enfants.

"Les gens ont peur de se rendre visite, car un missile peut tomber à tout moment et tous nous tuer", constate un autre habitant de la ville, Ezzedine Moussa, 29 ans.

Sabah al-Namnam, mère de famille de 46 ans originaire de Gaza, décrit "une joie incomplète en raison de la dure réalité de la guerre et la destruction, la faim et l'oppression, des frontières fermées et d'un blocus étouffant."

"Nous nous réveillons chaque jour au son des bombardements, avec la mort qui nous entoure", dit-elle. "Mais malgré toute cette souffrance, les enfants tiennent à vivre l'Aïd, ne serait-ce qu'un instant, comme pour tenter d'échapper, un court moment, à cette sombre réalité." (Quid avec AFP)

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