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Algérie: cinq ans de prison ferme pour l'écrivain Sansal, victime collatérale de la crise avec Paris

L'écrivain franco-algérien Boualem Sansal pose à Paris le 4 septembre 2015. L'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, empêtré dans une crise diplomatique sans précédent entre Alger et Paris, a été condamné le 27 mars 2025 à cinq ans de prison pour atteinte à l'intégrité territoriale de l'Algérie. (Photo Joël SAGET / AFP)
La condamnation à cinq ans de prison du romancier franco-algérien Boualem Sansal ravive les tensions entre Alger et Paris. Incarcéré pour ses propos sur les frontières du Maroc, l’auteur emblématique de la liberté d’expression devient malgré lui le symbole d’une crise diplomatique majeure, où littérature, politique et mémoire coloniale s’entrelacent. Tandis que Paris appelle à un geste d’humanité, Alger reste silencieuse, laissant planer l’ombre d’une affaire hautement politique qui ne fait certainement pas l’unanimité au sein du pouvoir algérien.
Alger- Un tribunal algérien a condamné jeudi à cinq ans de prison ferme l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné en Algérie depuis novembre et au cœur de la plus grave crise diplomatique entre Paris et Alger depuis des décennies.
Le tribunal correctionnel de Dar El Beida, près d'Alger, a décidé "en présence de l'accusé, une peine de cinq ans de réclusion ferme", soit la moitié de la peine requise par le Parquet, le condamnant aussi à une amende de 3.500 euros, selon un correspondant de l'AFP présent dans la salle.
L'écrivain, reconnaissable jusqu'alors à son catogan, est apparu à la barre, le crane rasés lui qui arborait une longue chevelure comme signe distinctif.
M. Sansal, 80 ans selon éditeur Gallimard, était accusé notamment d'atteinte à l'intégrité du territoire pour avoir exprimé, dans le média français, une vérité historique sur les fontières du Maroc dont le Royaume été amputés aux profits de l'Algérie, sous la colonisation française.
Son arrestation, le 16 novembre à Alger, avait aggravé de fortes tensions bilatérales, provoquées l'été dernier par un revirement français en faveur de la position marocaine concernant l'épineux dossier du Sahara occidental.
Faire preuve "d'humanité"
Avant son incarcération, M. Sansal, un ancien haut fonctionnaire algérien, voix critique du pouvoir, faisait des allers-retours fréquents en Algérie, où ses livres sont vendus librement.
En France, M. Sansal y bénéficie d'un vaste élan de soutien.
Après sa condamnation, son avocat français François Zimeray a appelé le président algérien Abdelmadjid Tebboune à faire preuve "d'humanité" en le graciant, estimant que "son âge et son état de santé rendent chaque jour d'incarcération plus inhumain". Le ministère des Affaires étrangères français a exhorté de son côté les autorités algériennes à une issue "rapide, humanitaire et digne".
Il y a une semaine, le président français Emmanuel Macron avait réitéré une demande de libération de l'écrivain, disant avoir confiance dans "la clairvoyance" de son homologue qui sait "que tout ça (les accusations) n'est pas sérieux".
Lors de son procès où il a voulu se défendre seul, M. Sansal a nié toute intention de porter atteinte à son pays, expliquant avoir exercé sa "liberté d'expression".
-"Point de repère"
Samedi dernier, M. Tebboune avait lancé des signaux d'apaisement en direction de Paris, estimant que le contentieux était "entre de bonnes mains", avec comme "unique point de repère" Emmanuel Macron ou toute personne déléguée sur l'affaire, tel que son chef de la diplomatie Jean-Noël Barrot.
Selon le site d'information TSA, citant "deux sources", une visite de M. Barrot à Alger est "en préparation" en vue d'un "apaisement" de la crise.
L'Algérie a retiré son ambassadeur à Paris depuis fin juillet quand Paris a apporté son soutien au plan d'autonomie sous souveraineté marocaine pour ce territoire.
M. Tebboune souhaite une "issue rapide et honorable" à la crise avec Paris, selon l'expert Hasni Abidi, citant l'hypothèse d'une grâce présidentielle. Selon lui, une fois le cas Sansal réglé, M. Macron pourra reprendre la main le dossier. (Quid avec AFP)