A Portland, lutte contre le racisme et la répression fédérale ne faiblissent pas, Amnesty International regarde ailleurs

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A Portland le 23 juillet 2020

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Des ballons de baudruche lors d'une manifestation, ce n'est pas très courant. Mais les deux que tient Devon Fredericksen dans les rues de Portland, dans l'Etat américain de l'Oregon, sont le signe d'une exaspération : ensemble, ils forment le nombre 57, comme 57 jours de revendications.

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Très déterminés, des manifestants tentent de faire tomber une clôture devant le tribunal fédéral de Portland, au milieu des gaz lacrymogènes tirés par des troupes fédérales. Les manifestants protestent contre les violences policières et le déploiement de troupes fédérales dans les villes américaines ordonné par le président Donald Trump

"Je pense qu'il est fou que ça fasse déjà 57 jours et que nous soyons toujours en train de pousser pour davantage de changement", dit-elle. "Combien de jours encore" va-t-il falloir ? lance-t-elle.

La plus grande ville de l'Oregon, dans le nord-ouest du pays, est le théâtre de manifestations contre le racisme institutionnalisé et les violences policières depuis près de deux mois, soit depuis la mort du quadragénaire noir George Floyd sous le genou d'un policier blanc à Minneapolis.

Aujourd'hui, y sont déployés des agents fédéraux chargés par le président Donald Trump de rétablir "l'ordre", une mesure controversée qui a attisé la colère des manifestants et est décriée par les responsables locaux.

La manifestation de jeudi, généralement pacifique, s'est terminée, comme beaucoup avant elle, par des affrontements entre manifestants et policiers dans un nuage de gaz lacrymogène.

Les heurts ont commencé vers minuit, même si les deux parties étaient séparées par une grille renforcée par des barricades.

Les manifestants ont visé la cour fédérale, devenue une cible pendant les rassemblements, lançant des déchets et des feux d'artifice par-dessus la grille, provoquant de petits feux.

Les agents fédéraux en treillis ont eux lancé du gaz lacrymogène et des grenades assourdissantes, après avoir déclaré le rassemblement illégal.

Vers 01H30, ils ont quitté la zone derrière la grille, avançant vers les manifestants dans la rue.

Situation "atroce" 

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A Portland le 23 juillet 2020, les fédéraux ne lésinent pas sur les moyens

La majorité des manifestants a commencé à battre le pavé fin mai après la mort de George Floyd pour exiger des réformes et que la police rende des comptes. Aujourd'hui, si beaucoup scandent toujours "Black Lives Matter" (La vie des Noirs compte), ils crient aussi "Feds go home" - "Agents fédéraux, rentrez chez vous". Ils sont violemment réprimés, Amnesty Internationaal, Human Rights, prêtes à dégainer quand il s’agit de Hong Kong ou de l’Afrique regardent ailleurs

"Je n'aurais jamais pensé que je me verrais obligé d'être dans les rues de ma ville pour faire ça", dit l'un d'eux, Steve.

"J'ai l'impression qu'on est à ça de l'occupation militaire à part entière d'une ville libre", ajoute-t-il.

Steve explique être sorti jeudi à la fois pour protester contre les agents fédéraux et parce que la mort de George Floyd, dit-il, devrait faire peur à tout le monde.

"Les Noirs luttent pour l'égalité depuis toujours (...). Mais le fait que ce soit enregistré et diffusé, ça commence vraiment à parvenir à plus de gens maintenant, (le fait que) la situation est atroce", affirme-t-il.

"Je pense que c'est super que le message soit en train de passer, mais ça a dû arriver de la manière la plus tragique et la plus terrifiante qui soit. Tout le monde devrait être terrifié".

Début juillet, les manifestations à Portland, comme dans le reste des Etats-Unis, avaient commencé à s'essouffler.

Mais c'est alors qu'ont émergé des informations sur des agents fédéraux en tenue de camouflage, accusés d'avoir sommairement interpellé des manifestants dans la ville avant de les emmener à bord de véhicules banalisés.

Le maire démocrate de Portland, Ted Wheeler, a lui-même été aspergé de gaz lacrymogène mercredi soir alors qu'il était allé à la rencontre de manifestants.

Il a parlé d'une "réaction disproportionnée des agents fédéraux", et même d'une "guerre urbaine".

Le président républicain Donald Trump, en campagne pour sa réélection, a de son côté annoncé que des forces fédérales seraient déployées dans d'autres villes du pays comme Chicago pour répondre à une flambée de la criminalité, suscitant un tollé notamment chez des responsables démocrates.

Jeudi, une enquête officielle a été ouverte par le ministère de la Justice sur l'action très controversée des policiers fédéraux à Portland.

Teal Lindseth, l'une des oratrices pendant les manifestations, se réjouit de voir le mouvement durer.

"La première nuit, je me souviens de m'être dit: « ça ne va pas continuer, impossible qu'on soit aussi gros que Martin Luther King »", explique-t-elle.

Mais "nous sommes en train de devenir gros. Portland est en train d'être reconnue".

Enquête officielle sur l'action de policiers fédéraux 

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Une enquête officielle a été ouverte jeudi par le ministère de la Justice américain sur l'action très controversée de policiers fédéraux à Portland (nord-ouest), où des heurts opposent presque toutes les nuits les forces de l'ordre à des manifestants anti-racistes.

Le maire de Portland lui-même, Ted Wheeler, a été aspergé de gaz lacrymogène mercredi soir alors qu'il allait à la rencontre des milliers de personnes protestant notamment contre le racisme institutionnel et les violences policières."Je n'ai rien vu qui justifie" cette utilisation de gaz lacrymogène, a-t-il lancé, en parlant d'une "réaction disproportionnée" des agents fédéraux, dont le déploiement a été ordonné dans certaines villes du pays par le président Donald Trump pour, selon ce dernier, rétablir "la loi et l'ordre".

Bien plus grave selon de nombreux citoyens ou élus américains, de nombreuses vidéos publiées sur les réseaux sociaux depuis une semaine montrent ces agents fédéraux en uniformes, bardés d'équipement militaire, surgir de véhicules banalisés pour interpeller des manifestants.

A la demande de parlementaires du Congrès, une enquête distincte est parallèlement ouverte sur l'intervention des forces de l'ordre le 1er juin dernier à Washington pour disperser une manifestation qui se tenait aux abords de la Maison Blanche, opération pour laquelle le président Trump avait déjà essuyé une pluie de critiques.

Ces investigations vont "examiner le rôle et les responsabilités du ministère de la Justice et de ses agents chargés du maintien de l'ordre dans leur réaction aux manifestations et aux troubles publics à Washington D.C. et à Portland, Oregon, au cours des deux derniers mois", précise Michael Horowitz.

Plusieurs procédures en justice ont été lancées par des plaignants qui contestent la mobilisation des forces fédérales à Portland, accusées par certains de se comporter comme des commandos paramilitaires en procédant à des arrestations sommaires.

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