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Afrique du Sud : Le gouvernement d’unité nationale face à ses dissensions – Par Hamid Aqerrout

Le leader de l'Alliance démocratique (DA), John Steenhuisen, vote pour le président du parlement le 14 juin 2024 et s’oppose aujourd’hui avec véhémence à la proposition de la hausse de la TVA, arguant que le budget perpétue un cycle d’échec, avec une augmentation inquiétante de la pauvreté, de la dette, de la corruption et du chômage.
Les tensions montent au sein du gouvernement d’unité nationale sud-africain, alors que l’adoption controversée du budget 2025/2026 met à nu les divisions profondes entre l’ANC et son partenaire de coalition, la DA, plongeant le pays dans l’incertitude politique et économique. Hamid Aqerrout, correspondant de MAP à Johannesburg, revient sur ce les vives tensions qui fragilisent la coalition gouvernementale, la première depuis le démantèlement de l’apartheid.
Par Hamid Aqerrout
Johannesburg - La fragilité du gouvernement d’unité nationale, formé en Afrique du Sud après les élections générales décisives de mai dernier, a été encore une fois mise à nu, la semaine dernière, lorsque les députés ont adopté le budget 2025/2026 avec une légère marge lors d’un vote très controversé.
Contre toute attente, les deux plus grands partis de la coalition au pouvoir, à savoir le Congrès National Africain (ANC) et l’Alliance démocratique (DA), étaient à couteaux tirés sur une proposition du ministre des Finances, Enoch Godongwana, d’augmenter la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour combler un énorme déficit de 3 milliards de dollars. Les négociations entamées depuis plusieurs semaines pour débloquer la situation et parvenir ainsi à un accord sur le budget contesté avaient échoué.
Lors d’une sortie médiatique, le chef du DA, John Steenhuisen, a déclaré que son parti s’était opposé avec véhémence à la proposition de la hausse de la TVA, arguant que le budget perpétue un cycle d’échec, avec une augmentation inquiétante de la pauvreté, de la dette, de la corruption et du chômage.
Sauf que le projet a été finalement adopté de justesse suite aux pressions exercées par l’ANC sur des formations ne faisant pas partie du gouvernement pour l’aider à sauver la mise.
Dans un revirement de situation spectaculaire, l’Alliance démocratique a eu recours à son plan B, en introduisant un recours devant la Haute Cour du Cap occidental pour contester l’adoption du cadre budgétaire 2025/26, arguant que la manière dont le Parlement a traité le budget était à la fois «illégale et inconstitutionnelle».
Même si beaucoup pensent que le budget a été finalement approuvé et adopté, le processus n’est toujours pas terminé et les députés ont encore 30 jours pour débattre davantage des questions en suspens concernant l’augmentation de la TVA d’un point de pourcentage, avec une forte pression pour sa suppression totale.
Vives tensions au sein du gouvernement de coalition
Ce nouveau bras de fer entre l’ANC et la DA continue de susciter de vives inquiétudes quant à l’avenir du gouvernement d’unité nationale formé dans la précipitation, après le scrutin du 29 mai dernier. Après l’adoption du projet de budget, le Congrès National Africain a laissé entendre une possible reconfiguration de l’exécutif. Le Président Cyril Ramaphosa aurait même déclaré lors d’une réunion de l’ANC qu’en ne soutenant pas le budget, l’Alliance démocratique risquait de s’isoler du gouvernement.
Un point de vue que partagent de nombreux analystes politiques, qui soutiennent que l’exécutif dans sa forme actuelle ne devrait pas durer, comme le disent les commentaires acerbes de la Présidence. «Vous ne pouvez pas faire partie d’un gouvernement dont vous vous êtes opposé au budget», a déclaré le porte-parole de la Présidence, Vincent Magwenya, à l’adresse des détracteurs.
Reste à savoir maintenant si la DA, qui a incarné l’opposition en Afrique du Sud pendant plusieurs années, quittera ou restera au pouvoir. Certains membres du parti bleu estiment qu’il est temps de quitter le gouvernement d’unité nationale, arguant que l’ANC les a affaiblis. D’autres encore estiment que l’action en justice de l’Action démocratique symbolisait la consommation du divorce entre ce parti et le gouvernement.
Inquiétudes sur la stabilité politique et économique
Une chose est pourtant sûre. Quelque que soit sa décision, l’Alliance démocratique est désormais confrontée à un choix difficile : se retirer volontairement de la coalition gouvernementale ou attendre d’en être contrainte de le faire.
Commentant ces derniers développements politiques, l’analyste Vasti Roodt a déclaré que les tensions entre les deux grands partis de l’exécutif sont une source d’inquiétudes quant à la stabilité politique et économique en Afrique du Sud. «L’instabilité pourrait être problématique pour l’économie du pays compte tenu de la dette élevée à laquelle il est actuellement confronté», a-t-il averti.
En effet, les difficultés entourant l’adoption du budget ont ébranlé la stabilité budgétaire de l’Afrique du Sud et la confiance des investisseurs et mis le gouvernement d’unité nationale sur la sellette. Dans ce climat délétère, le sentiment des investisseurs était évident, la monnaie nationale, le rand, s’étant encore dépréciée de plus de 1,6% pour atteindre 18,78 rands pour un dollar américain.
Idem pour Jervin Naidoo, analyste politique chez Oxford Economics Africa, qui a fait constater que les fissures au sein de la coalition gouvernementale se creusent de plus en plus.
Quant au budget lui-même, il ne modifie guère les mauvaises perspectives macroéconomiques générales pour le pays.
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