Chine : l’''usine du monde'' à l’épreuve des défis géostratégiques - Par Abdelghani AOUIFIA.

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Xi Jinping, président de la république et secrétaire général du comité central du parti communiste - La lancée de la Chine risque de se heurter à la guerre commerciale qui bat son plein entre la Chine et les Etats-Unis et dépendra des compromis auxquels les deux rivaux pourraient parvenir

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Par Abdelghani AOUIFIA (Correspondant permanent de la MAP à Pékin)

Beijing - Nombreuses sont les questions qui sont à l’examen par les députés chinois, réunis actuellement à Beijing. De la réforme politique et économique à l’adoption du budget de l’État, en passant par la nomination de nouveaux responsables dans les postes clés, l’agenda législatif est bien étoffé.

Dans l’enceinte du Grand palais du peuple où se tiennent les travaux de la 14e Assemblée populaire nationale (APN/organe législatif suprême du pays), les échanges entre analystes et journalistes convergent souvent vers un seul sujet : la situation géopolitique internationale actuelle et son impact sur la Chine.

Ils soulignent que le pays de Mao, qui vient de sortir d’une longue bataille contre la pandémie du Covid-19, tente de mettre en place les réformes nécessaires dans le but de conserver sa place sur l’échiquier économique et géopolitique mondial, en particulier son rang d’« usine du monde », en référence à son rôle majeur dans la production industrielle.

Les dirigeants au plus haut niveau de cette deuxième puissance économique mondiale affirment cette volonté. Xi Jinping, président de la république et secrétaire général du comité central du parti communiste, l’a articulé clairement mercredi.

Le renforcement des stratégies nationales intégrées et des capacités stratégiques de la Chine est d’une importance vitale dans le processus visant à construire une nation socialiste moderne à tous égards, a-t-il dit lors d’une session de la délégation de l’Armée nationale de libération à l’APN.

L’ambition est grandiose. Elle se décline par des actions englobant divers domaines notamment militaire et diplomatique. Mais l’aspect économique demeure la clé de voute d’une stratégie visant la consolidation de la base économique du géant asiatique de façon à lui permettre de continuer à jouer son rôle clé dans les chaines d’approvisionnement mondiales.

Le PIB étant le socle sur lequel cette stratégie repose, le gouvernement chinois s’est assigné l’objectif de réaliser une croissance de 5% en 2023. Aux yeux des analystes, l’objectif peut paraitre « trop ambitieux » au milieu d’une situation internationale hautement volatile du fait de la guerre en Ukraine et des tensions géostratégiques notamment entre la Chine et les Etats-Unis.

Les autorités chinoises affirment que le pays est bien outillé pour atteindre cet objectif. Elles ne perdent pour autant pas de vue les tensions avec un Occident qui semble enclin, d’après les analystes de la place, à mettre fin à l’emprise chinoise sur les chaines d’approvisionnement mondiale.

C’est ainsi qu’une importance capitale est accordée à maintenir l’élan de croissance des hubs industriels du pays, moteur de la projection chinoise à l’international. Ces derniers affichent déjà des projections de croissance très élevées.

Shenzhen, principal hub technologique du pays, prévoit une croissance de 6% de son PIB, alors que le hub financier de Shanghai table sur une croissance de 5,5%.
Après avoir tourné la page du pénible chapitre de la crise sanitaire, avec à la clé une ouverture plus prononcée sur le monde, l’Empire du milieu se prépare à renforcer sa force de frappe commerciale, pour se maintenir au cœur des chaines d’approvisionnement.

« La résilience du commerce extérieur de la Chine n’a pas faibli au cours de ces dernières années, mais elle s’est renforcée », explique Gu Xueming, membre du 14e Comité national de la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC), dont les travaux se tiennent en parallèle à ceux de l’APN.

Cette résilience est illustrée par la capacité du commerce extérieur de la Chine à s’adapter rapidement aux changements dans les situations externes et internes, et à maintenir une forte stabilité et durabilité, indique le responsable, également président de l’Académie chinoise du commerce international et de la coopération économique.

« Au cours de ces dernières années, l’ampleur des industries de la Chine s’est accrue. La structure industrielle continue d’être optimisée et son architecture d’être perfectionnée, ce qui engendre une forte résilience et rend les industries et les chaînes d’approvisionnement du commerce extérieur de la Chine irremplaçables », soutient-il.

« Cette année, nous allons stabiliser les marchés traditionnels, comme les Etats-Unis, l’Europe, le Japon et la Corée du Sud, tout en tirant parti des marchés émergents, incluant la région Amérique latine et les pays impliqués dans l’initiative des nouvelles Routes de la soie », a-t-il dit.

La lancée de la Chine risque de se heurter à la guerre commerciale qui bat son plein entre ce pays et les Etats-Unis et dépendra, d’après les analystes, des compromis auxquels les deux rivaux pourraient parvenir selon l’évolution de la situation géostratégique mondiale.

Beijing mise sur sa disposition affichée à s’ouvrir pour éviter la confrontation avec les Etats-Unis. Une visite en Chine de la Secrétaire américaine au Commerce, Gina Raimondo, serait en cours de préparation, selon les médias.

Commentant les informations au sujet de cette visite, le ministère chinois du Commerce a indiqué, dans un communiqué publié mercredi, que la Chine est prête à engager un dialogue sur les questions commerciales avec les Etats-Unis.

« Nous estimons qu’il est très important pour les départements de commerce des deux parties de maintenir le dialogue et la communication », a dit le ministère.

L’enjeu est de taille. Il est question de mettre fin à une guerre commerciale qui dure depuis 2018 et qui a eu pour effet de réduire à 18% la part de la Chine dans les importations américaines de marchandises contre 22% au début de la guerre, selon le Peterson Institute for international economics, basé à Washington.