Coronavirus: la Pâque orthodoxe bouleversée malgré des réticences

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Plus de 260 millions de chrétiens orthodoxes ont célébré dimanche Pâques dans des conditions exceptionnelles, les autorités les ayant globalement invités à rester chez eux pour limiter la propagation du nouveau coronavirus, même si des rassemblements ont été maintenus.

Les orthodoxes ont fêté cette année la résurrection du Christ une semaine après les catholiques et les protestants, qui observent un autre calendrier. Le 12 avril, les célébrations de Pâques avaient donné lieu à des scènes ahurissantes de lieux de culte désertés.

Dans l'ensemble, les orthodoxes -- qui vivent principalement en Europe orientale et en ex-URSS -- ont donc vécu une Pâque confinée, même si dans certains pays les traditions sont passées avant les règles de distanciation, à l'heure où le coronavirus a fait plus de 160.000 morts dans le monde et provoqué le confinement de la moitié de l'humanité.

Le président bélarusse Alexandre Loukachenko, qui conteste la gravité de l'épidémie, s'est rendu dans l'église d'un monastère près de Minsk. "Je n'approuve pas ceux qui ont fermé aux gens la voie vers l'église", a-t-il déclaré, cité par l'agence étatique Belta.

En Géorgie, plusieurs centaines de personnes se sont retrouvées lors d'une messe de minuit dans une cathédrale de Tbilissi. "J'aurais pu rester à la maison et regarder la messe à la télé mais dans cette église je trouve une vraie sérénité", a confié à l'AFP Lamara Jvania, une fidèle de 58 ans.

En Ukraine, l'Eglise orthodoxe rattachée au Patriarcat de Moscou avait encouragé les fidèles à se réunir publiquement même si très peu d'entre eux l'ont fait à Kiev, a constaté un journaliste de l'AFP. Cette Eglise est pleinement touchée par l'épidémie, l'un de ses monastères dans la capitale étant devenu un foyer de la maladie avec près de 140 contaminations et la mort de trois moines.

Eglises fermées 

En Russie, Kirill, le chef du Patriarcat de Moscou, qui revendique 150 millions de fidèles, a assuré une messe à huis clos dans la principale cathédrale de la capitale. "Cette terrible maladie a touché nos gens", a-t-il affirmé lors d'un prêche télévisé, mais "nous sommes ensemble: une grande famille de fidèles orthodoxes".

Pour l'exemple, le président Vladimir Poutine a fêté Pâques dans une petite chapelle de sa résidence officielle. "Cette année les célébrations ont lieu avec des restrictions forcées", a-t-il regretté dans une vidéo, assis à une table décorée de gâteaux de Pâques. Des lieux de culte sont toutefois restés ouverts dans des dizaines de régions de Russie, qui compte 42.853 cas de coronavirus, dont 361 mortels. 

Le Patriarcat œcuménique de Constantinople, en Turquie, avait ordonné que les offices soient fermés au public et retransmis sur internet. Même situation à Chypre et en Grèce, en Serbie, en Macédoine du Nord, en Syrie, ou encore en Egypte pour les plus de 10 millions de Coptes orthodoxes.

La Vieille Ville de Jérusalem, généralement bondée pour les célébrations de Pâques, était quasiment déserte, en raison des mesures de confinement.

Lors de la messe dominicale, le pape François a adressé ses vœux aux communautés orientales catholiques, qui célébraiennt aussi la Pâque avec les orthodoxes.

"Première fois de ma vie" 

"C'est la première fois de ma vie que je vis un dimanche pascal pareil", a déploré Afaf, un orthodoxe libanais de 76 ans vivant au nord de Beyrouth.

Pour certains, ces célébrations ont rappelé des heures sombres. "Ces Pâques ressemblent à celles de la dictature quand on s'enfermait chez nous. On fermait les portes et fenêtres pour allumer une cierge de peur de finir en prison", a expliqué Tatjana Jani, une femme de 72 ans vivant en Albanie, où la religion avait été interdite pendant la période communiste.

A Belgrade, Simonida Stankovic, rencontrée alors qu'elle promenait son chien dans une capitale serbe en plein couvre-feu, a affirmé apprécier cette Pâque "dans un esprit de silence".

En Roumanie, des volontaires et des prêtres ont distribué à domicile du pain bénit et le feu sacré, symboles de la Pâque orthodoxe.

En Bulgarie, les lieux de culte étaient quasiment vides, les fidèles s'y hasardant devaient porter un masque. Comme Dimitri Goldman, 46 ans, rencontré lors de la messe de minuit à la cathédrale Alexandre Nevski de Sofia. Lui priait "pour que l'on surmonte cette crise".