Du soutien des Etats-Unis a Israël

5437685854_d630fceaff_b-

« Quittant, pour ainsi dire, leur Égypte chargée d’idoles, ils affrontent courageusement la traversée du désert atlantique pour conquérir leur nouvelle terre de Canaan afin d’y vivre en conformité avec la Loi », écrit Loinel Ifrah dans son ouvrage « Moïse à Washington. Les racines bibliques des États-Unis » (Ed. Albin Michel)

1
Partager :

En tant que géopoliticien, je me suis toujours posé la question : quelles sont les réelles motivations qui font que les Etats-Unis soutiennent inlassablement Israël. Les amitiés entre Etats ne perdurent que si des intérêts croisés les soutiennent. J’avais pour un temps, expliqué ce soutien par l’intérêt de Washington d’avoir un gendarme du Golfe crédible et bien équipé militairement. 

La politique étrangère des Etats-Unis était limpide, défendre les sources d’approvisionnement en pétrole. Patatras, voilà que l’Amérique du Nord devient le premier producteur de pétrole du monde. Elle bascule immédiatement, sa stratégie géopolitique du Moyen-Orient, vers le Pacifique où elle doit faire face à un outsider de taille, la Chine. Mais le soutien perdure et s’amplifie 

Aux Etats-Unis, alors appelé encore le « nouveau monde, la « Nouvelle Jérusalem » définie par ses bâtisseurs puritains, comme un royaume de sainteté parfaite, voulait être la réplique de l’œuvre des Hébreux en terre sainte.

La fondation du « Massachussetts Bay Colony » est une épopée fêtée chaque année avec le Thanksgiving, la deuxième fête après Noël. 

Les pasteurs Mather et John Davenport furent les promoteurs de cette doctrine millénariste qui considérait le retour des juifs en terre de Sion, comme une partie de la même volonté divine pour leur colonisation de l’Amérique. Pour eux cette colonisation est la jumelle narrative et eschatologique du récit biblique.

C’est dans ce contexte que Hooke, confesseur de Cromwell en Angleterre et Samuel Willard, président de Harvard de 1701 à 1707 confortèrent les pasteurs Mather et son fils Cotton Mather dans leurs thèses théologiques sur la nécessité du retour des juifs en Palestine, pour le salut de leur propre communauté chrétienne. On se doit de constater que ce véritable sionisme « chrétien » date des années 1700, bien avant l’ouvrage de Theodor Herzl, « l’Etat juif », édité en 1896 et qui en a fait le père du sionisme juif, politique et actif.

Le principe de sola scriptura (seule l’écriture compte/la Bible) constitua la rupture fondamentale qui rendit possible ces lectures littéralistes et sionisantes. Toutes les universités américaines d’élite ont été, sans exception, fondées à cette même époque, par ces idéologues puritains, dans le but de fournir au nouveau peuple à la fois les connaissances nécessaires aux élites dirigeantes de la société, et les outils d’interprétation biblique qui leur permettraient d’en tirer le sens littéral. Ils se libèrent ainsi des entraves de l’Eglise, et vont pouvoir vivre dans la perfection chrétienne. A Harvard et à Yale, à Princeton, Dartmouth et Columbia, l’hébreu remplaça le latin, jouant le rôle de langue docte qu’avait ce dernier dans les séminaires d’Europe. 

L’Américain d’aujourd’hui est habitué à ce vieux parallélisme entre son pays et l’ancienne Terre promise. Le discours des Pères fondateurs américains de la génération révolutionnaire de la fin du XVIIIe siècle était imprégné de la rhétorique de la « Nouvelle Jérusalem » à un tel point que ces tropismes sont réactivés à chaque nouvelle génération et jouissent d’un statut quasiment de droit commun, au même titre que le préambule de la Déclaration de l’Indépendance. 

Mais il faut attendre le XIXe siècle pour voir se concrétiser cet imaginaire identificateur des Américains avec l’apparition de la première religion « autochtone » américaine, le Mormonisme. Cette secte, la seule religion fondée aux Etats-Unis, qui compte aujourd’hui une dizaine de million d’adhérents, a ajouté une sorte de « troisième testament » qui raconte, entre autres, que la tribu d’Israël descendue de Joseph a migré en Amérique au VIe siècle av. J-C, que Jésus lui-même est venu après son ascension prêcher à ces Américains qui sont la tribu perdue d’Israël et donc que l’Amérique est bien la Terre promise, mais que la consécration de cette Nouvelle Jérusalem ne fut pas au prix de celle de l’Ancienne, mais que les deux Israël sont complémentaires et concomitants. 

C’est aujourd’hui la croyance de plus de cent  millions d’Américains qui s’identifient comme les « born-again » Christians ;  elle est issue des prédictions eschatologiques de John Darby, un prêcheur anglais qui, au milieu du XIXe siècle, systématisa en quelque sorte les doctrines messianiques de la nécessité de la restauration des Juifs en Palestine comme préalable au retour du Christ. Par conséquence, les Chrétiens ne seront sauvés que dans la mesure où ils soutiennent cette nation dans toute sa singularité. 

Le « miracle » de la Guerre des Six jours a renouvelé et donné une intensité exceptionnelle au soutien américain conservateur en faveur d’une vision maximaliste et sans compromis de l’Etat juif.

Les évangéliques qui regroupent toutes ces églises protestantes, sont aujourd’hui plus de cent millions d’inconditionnels dont 44 millions de votants qui votent comme un seul homme, suivant les directives de leur pasteur. Ils représentent une force politique qu’aucun président américain, républicain ou démocrate ne peut ignorer. Ceci explique le soutien quasi inconditionnel et constant des Etats-Unis à l’Etat d’Israël.