Élections pour un second mandat aux États Unis, un bis repetita? - Par Mohammed Germouni

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Les résultats sont attendus patiemment à l’intérieur, vu que le vote est lié surtout aux problèmes internes d’inflation, d’immigration et d’avortement. Il semble régner par contre une certaine fébrilité dans quelques régions du monde en cas d’alternance, anticipant d’ores et déjà quelques modifications tant en Europe qu’en Extrême Orient. 

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La particularité de l’élection présidentielle américaine de cette année est qu’elle va opposer deux présidents, un phénomène politique jusqu’ici peu courant et constitue un moment singulier. Depuis leur dernier affrontement en l’année 2020, le président sortant, Joseph Biden, et son prédécesseur, Donald Trump, sont de nouveau en lice pour se faire élire l’un ou l’autre à la présidence des États Unis d’Amérique, en vue d’un second mandat de quatre ans. Si le premier a succédé au second au terme d’un scrutin dont les résultats ont été confirmés par un Congrès même assiégé par des contestataires, l’ancien n’a cessé depuis à sa façon d’estimer que ce devait être lui l’élu.  Trois ans plus tard, bis repetita, le processus électoral américain habituel a démarré en janvier 2024, et sauf évènement imprévu, les deux présidents sont presque donnés déjà assurés d’être encore les candidats officiels de leurs camps respectifs lors de leurs conventions politiques. Celles-ci se déroulent en été, à l’issue des batailles « primaires » en cours, avant de solliciter cette fois-ci les suffrages de l’ensemble des électeurs inscrits avant la fin de l’année. Sera-ce une élection rappelant la précédente? Quelques menus détails paraissent infirmer un scénario à l’identique. 

Des primaires peu animées

Les électeurs seront appelés à s’exprimer le deuxième mardi de novembre prochain, jour au cours duquel auraient lieu en parallèle également d’autres scrutins comme le renouvellement de la chambre des députés et de celui du tiers du Sénat ainsi que diverses élections locales éventuelles, comme le veut et le permet le calendrier électoral de chacun des cinquante États constitutifs de cette grande fédération. Se déroulant sur le territoire de la première puissance mondiale, et intéressant une vieille démocratie longtemps donnée en exemple, celle-ci vit cependant, à son tour, depuis quelque temps déjà, une sorte de fracture de plus en plus radicale entre deux camps opposés, aussi une telle campagne électorale ne peut laisser indifférent. Un éventuel consensus par exemple sur quelques-unes des questions socio-politiques majeures agitant actuellement cette grande nation, comme l’immigration ou l’avortement notamment, parait difficilement concevable voire improbable, au vu des perceptions respectives éloignées des camps concernés.

Rappelons que le mode de scrutin pour élire un président américain est de type indirect, fondé sur un corps électoral associant les États au niveau fédéral et les populations au niveau national, un compromis et un produit de délicates concertations lors de débats jalonnant l’historique des amendements apportés à la Constitution. En effet, et ce n’est pas le Congrès, composé des députés et des sénateurs, qui élit le président et le vice-président, mais plutôt et en dernière instance c’est la majorité d’un collège électoral (electoral college) spécialement conçu qui déclare le candidat gagnant et dont le nombre est identique à celui des membres du Congrès. Leur nombre actuel est de 534, appelés « grands électeurs », des citoyens américains désignés également lors du scrutin par les électeurs de chaque État selon leur sensibilité politique. Ces grands électeurs sont habituellement pressentis par les partis politiques en compétition au niveau des différents États dès la phase des primaires.

Il faudra attendre les éventuels « face à face » qui seront organisés en automne, et surtout les images qui en seront projetées par les « media », entre les deux candidats officiels déclarés comme tels à l’issue des primaires, qui feront l’élection à proprement parler, s’il n’y a pas de surprises en cours de chemin. En effet, on ne peut les exclure, comme par exemple les effets de la candidature de l’indépendant Robert Kennedy Jr, surtout au vu de son programme électoral éclectique de nature à créer la surprise dans le « coude à coude » actuel des candidats officiels. 

Des sondages encore incertains 

 Les résultats sont attendus patiemment à l’intérieur, vu que le vote est lié surtout aux problèmes internes d’inflation, d’immigration et d’avortement, et on note ainsi de faibles marges d’opinions favorables aux deux candidats dans les principaux États, selon les instituts de sondage.  Il semble régner par contre une certaine fébrilité dans quelques régions du monde en cas d’alternance, anticipant d’ores et déjà quelques modifications tant en Europe qu’en Extrême Orient. Comme à l’accoutumée prévaudra en principe une sorte d’attitude impériale fondée sur les intérêts d’une grande puissance davantage soucieuse de la sauvegarde de ses acquis concrets, quel que soit le gagnant. 

A la réflexion, on ne peut manquer de relever la relative longueur d’un tel processus électoral, même pour un pays aussi vaste, surtout qu’il ne mobiliserait en moyenne qu’à peine un électeur sur dix dans cette phase primaire, ne donnant lieu en fait qu’à des débats indirects entre candidats, à travers des messages télévisés et ceux des réseaux sociaux de plus en plus. Aussi, il est pratiquement intéressant de noter que les principales chaines en continu, la grande presse, les instituts de sondage, les réseaux sociaux de plus en plus et surtout l’argent déversé désormais sans limite, surtout depuis l’autorisation de la Cour Suprême déplafonnant les dépenses électorales, sont devenus les vrais moteurs de ce genre d’exercice à grande échelle.

Deux présidents en compétition  

  Les profils des deux candidats ont désormais peu de secret dans l’ensemble pour l’électeur ordinaire américain. Ainsi, l’ancien président, Donald Trump, est un personnage presque façonné par les media depuis le temps qu’il occupe les écrans et les pages de ces derniers, donc bien connu au cours des quatre dernières décennies. Il est capable de fasciner ou d’effrayer selon le contexte, aujourd’hui comme hier, et désormais fort présent sur les réseaux sociaux.  Il se démarque en outre nettement par des propos singuliers, parfois haineux, voire racistes comme à l’égard des Mexicains ou des Sud-Américains, tout en vouant une aversion constante pour les personnes de confession musulmane.

D’ailleurs, par un passé pas si lointain, certains de ses propos par exemple avaient même fait l’objet d’un débat houleux au parlement britannique, en janvier 2016, suite à une pétition populaire demandant de lui interdire tout simplement le séjour en Angleterre.  Naguère Grand promoteur immobilier, il devint ensuite fort actif dans le secteur hôtelier ainsi que dans celui du divertissement et des casinos. Élu Président en 2016 contre Hillary Clinton, l’épouse de l’ancien président du même nom, il eut à affronter durant son mandat les lancinantes questions de l’immigration et des échanges avec la Chine notamment, non sans difficultés, puis celle non moins complexe d’une pandémie du Covid 19 qui a pris au dépourvu même la première puissance mondiale dont il avait alors la charge. Il faut lui reconnaitre cependant que contrairement à certains de ses prédécesseurs républicains, tels Bush père et fils en particulier et même au démocrate Obama, le président Trump n’a engagé sa nation dans aucun nouveau conflit militaire durant son mandat Actuellement, il semble mener une campagne même depuis les prétoires où il se trouve fréquemment, contraint qu’il est d’être présent en personne, tout ancien président qu’il fut, pour répondre devant les tribunaux de certains États de la fédération aux divers délits qui lui sont reprochés tant au civil qu’au pénal. Ce niveau judiciaire et ses retombées sont autant d’aspects complexes de la compétition électorale en cours.  

L’actuel président, Joe Biden, quant à lui, fut plusieurs fois sénateur, avant d’occuper la vice-présidence d du temps de Barack Obama et dirigeant ainsi le Sénat durant les deux mandats de ce dernier. Devenu président à son tour, il a essayé tant bien que mal de faire sortir le pays d’une grave pandémie que son prédécesseur n’a pu juguler et à prendre la décision courageuse d’effectuer un retrait total de l’armée américaine d’Afghanistan, mais qui sera jugée pour le moins mal préparée voire précipitée, les images de l’aéroport de Kaboul sont restées dans toutes les mémoires. Depuis, il est demeuré fidèle à certains de ses engagements d’ancien sénateur, fréquemment en charge de dossiers internationaux sensibles, réactivant depuis deux ans les forces du pacte de l’Atlantique Nord (OTAN), pour aider militairement et financièrement la cause de l’Ukraine en guerre avec la Russie. Et à l’instar de  ses prédécesseurs, il poursuit par ailleurs le même soutien inconditionnel et continu à Israël, même lorsque ce dernier  mène cette fois-ci depuis près de huit mois une guerre multiforme et presque mondialement décriée aux populations civiles palestiniennes de la petite enclave de Gaza, au motif d’éradiquer le mouvement islamiste Hamas.

La vice-présidence

Pour conclure, il y a lieu de ne pas faire l’impasse sur une autre particularité essentielle des institutions américaines concernées par cette élection encore en préparation, à savoir la désignation et la confirmation du vice-président qui interviennent d’habitude lors des conventions des partis politiques concernés se tenant en été, sachant que l’actuel président a déjà une vice-présidente, en la personne Kamala Harris, jusqu’ici faiblement présente dans le processus en cours. D’aucuns estiment cette fois-ci que les candidats à la vice-présidence, à l’occasion de cette élection en particulier, seront moins que par le passé considéré comme une simple formalité constitutionnelle à remplir, au regard en particulier de l’âge relativement avancé des candidats briguant la présidence, les media ne ratant aucun détail dans leurs comportements. Naguère jugée comme accessoire et réduite souvent au simple remplacement en cas de besoin, dans l’architecture du pouvoir politique américain, elle tendrait peut-être à démontrer une relative pertinence du modèle institutionnel dans le contexte sensible actuel. À cet égard, l’ancien président et à nouveau candidat, Donald Trump, n’aurait parait-il que l’embarras en apparence du choix d’un vice-président, au vu de la longue liste de politiciens et de conseillers l’entourant. Tout porte à croire qu’il fera durer le suspense aussi longtemps qu’il pourra. Son actuelle méfiance à se décider en la matière s’expliquerait surtout, selon des observateurs avertis, par le net désaveu qu’il a subi de son ancien suppléant et homme de confiance, Mike Pence, à propos de l’assaut mené contre le Congrès, en janvier 2020, et dont la responsabilité lui a été directement imputée par une commission parlementaire et donc pouvant le mener devant une cour fédérale. Cela éclaire en tout cas sur certaines limites et difficultés de pareille équipe au sommet du pouvoir. /