France/Afrique: L’instruction des visas pointée du doigt par deux députés afro-français

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Visas, une attente qui n’en finit pas avec souvent un refus à l’arrivée

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Paris - Un rapport d’information sur la politique française des visas présenté, mardi, devant la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, pointe du doigt le "poids déterminant" des considérations sécuritaires dans l’octroi des visas aux ressortissants des pays africains.

Sur les 3,5 millions de visas délivrés par la France en 2019, seuls 10 % ont été octroyés aux ressortissants d’Afrique subsaharienne, malgré le poids démographique grandissant de cette région du monde et l’histoire commune qui l’unit à la France, souligne le rapport intitulé "Pour une nouvelle politique des visas : ouvrir la France à ceux qui la font rayonner".

"Des délais de délivrance trop longs, des refus injustifiés, des services consulaires sous tension... La question des visas est devenue un enjeu de politique étrangère pour la France. C'est l'un des principaux irritants entre la France et l'Afrique", ont affirmé Mjid El Guerrab, député des Français à l’étranger (Maghreb/Afrique de l’Ouest), et la députée et avocate Sira Sylla, co-rapporteurs de la mission "flash"sur la politique des visas.

Les deux députés se sont rendus sur le terrain pour constater le travail des services consulaires français avant de rédiger un rapport parlementaire qu'ils ont présenté mardi devant la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale.

Il y a trois ans, à Ouagadougou, le Président français Emmanuel Macron promettait à la jeunesse africaine une « révolution de mobilité ». Malgré une volonté présidentielle clairement affichée, les rapporteurs estiment que la France n'est pas "à la hauteur des résultats attendus".

Selon les rapporteurs, l’"équilibre actuel de la politique des visas nuit au renforcement de l’attractivité du territoire, à l’égard des touristes, des étudiants ou encore des talents internationaux. En cause, le poids déterminant acquis par les considérations liées à la prévention du risque sécuritaire et à la lutte contre l’immigration irrégulière".

"Bien que ces préoccupations soient entièrement légitimes, de nombreux demandeurs, dont l’activité est de nature à faire rayonner la France, se voient opposés des refus de visas, ce qui nourrit l’amertume vis-à-vis de notre pays", observent les deux rapporteurs qui ont formulé plusieurs propositions destinées à mieux traduire l’objectif d’attractivité de la France dans la politique des visas.

Au niveau global, les rapporteurs, qui considèrent que "le ministère de l’Intérieur a pris un poids déséquilibré dans la politique des visas", appellent à "rééquilibrer le pilotage de la politique des visas en faveur du Quai d’Orsay".

Le rapport contient plusieurs propositions concrètes, dont l’idée de créer un système de garant pour les demandeurs de visas qui ne peuvent attester de ressources suffisantes, l’augmentation du nombre de « passeports-talents » délivrés en Afrique, ou encore le déploiement complet d’ici fin 2021 du projet « France-Visas » qui vise à dématérialiser l’ensemble du processus de délivrance des visas.

Alors que la pandémie mondiale a pour effet de paralyser, temporairement, les mobilités internationales, les rapporteurs appellent par ailleurs à mettre fin à la discrimination entre les conjoints étrangers de Français, qui peuvent bénéficier d’un laissez-passer exceptionnel pour venir en France, et les bénéficiaires du regroupement familial, dont l’instruction des demandes de visas est suspendue.




Cette mission "flash" s’inscrit dans le sillage du discours en 2017 du président Emmanuel Macron à Ouagadougou dans lequel il avait promis à la jeunesse africaine une "révolution de mobilité" avec la France, a indiqué Mme Sylla lors d’une conférence de presse en ligne mercredi.

M. Macron souhaite un "changement de paradigme" par rapport au continent africain, a-t-elle dit, faisant observer qu’une "relation renouvelée avec l’Afrique passe par cette mobilité".

Le rapport a constaté que le ministère de l’Intérieur, qui pilote la politique des visas avec le Quai d’Orsay, "prend trop de poids" par rapport au ministère des affaires étrangères, a-t-elle dit, notant que si l’aspect sécuritaire et la lutte contre l’immigration irrégulière demeurent "très importants", "cela ne doit pas se faire au détriment de l’attractivité de la France", en matière notamment d’entrepreneuriat et de mobilité étudiante. 

Afin de dépasser cette problématique, la rapport formule trois blocs de propositions destinées à mieux traduire l’objectif d’attractivité de la France dans la politique des visas, a souligné de son côté le député M'Jid El Guerrab.

Regroupement de l’instruction des visas au Maroc

Il appelle à rééquilibrer le pilotage de la politique des visas en faveur du Quai d’Orsay et renforcer le poids de l’attractivité de la France, notamment dans les critères d’attribution des visas "sans remettre en cause l’immigration et sans entrer dans ce débat partisan", à travers la délivrance de davantage de visas aux Africains, a expliqué le député franco-marocain.

Le troisième bloc de propositions concerne l’amélioration de l’expérience vécue sur le terrain pour les demandeurs de visas, a souligné M. El Guerrab, qui a appelé au déploiement complet d’ici fin 2021 du projet "France-Visas" qui tend à dématérialiser l’ensemble du processus de délivrance des visas.

Par ailleurs, les deux députés évoquent dans leur rapport les effets du regroupement de l’instruction des visas au Maroc sur les agents consulaires locaux marocains, relevant que l’activité "visa" des six consulats généraux de France dans le Royaume sera recentrée sur deux pôles consulaires uniquement.

Cette nouvelle structuration "n’aura aucun impact" sur les demandeurs qui déposeront toujours leur demande de visa auprès des mêmes prestataires extérieurs, précisent-ils, en notant que les passeports seront envoyés par les opérateurs vers Rabat ou Casablanca avant d’être ré-adressés, accompagnés le cas échéant du visa, aux opérateurs pour remise aux demandeurs.

Ils affirment s'être "entretenus à de multiples reprises avec les personnels –surtout des agents de droit local – qui sont concernés par la fermeture des services de visa et qui vivent cette expérience comme un "traumatisme", faisant observer que ces réorganisations donnent "une impression plus générale d’un rétrécissement progressif des services consulaires".

Le rapport note que la "justification de ces regroupements est de mutualiser les moyens pour répondre plus efficacement à la demande", estimant qu'"il conviendra d’évaluer l’impact de ces décisions de regroupement sur la fluidité du service et sur la durée de délivrance des visas qui reste, au Maroc, en moyenne encore trop longue - jusqu’à plusieurs semaines-, eu égard à l’inflation des demandes".

 

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