Guinée: Un collectif appuyé sur un cabinet français d'avocats provoque des poursuites pour ''assassinats'' contre l'ex-président Condé

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Le procureur général de Conakry a précisé que les poursuites étaient lancées à la suite d'une plainte du Front national de défense de la Constitution (FNDC). La plainte déposée en janvier en son nom par un cabinet français d'avocats désignait Alpha Condé comme ‘’principal responsable des violences’’.

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Le procureur général de Conakry, nommé par la junte au pouvoir en Guinée depuis 2021, a annoncé mercredi des poursuites contre l'ex-président Alpha Condé et une trentaine d'anciens hauts responsables sous sa présidence, notamment pour assassinats, actes de torture et enlèvements.

Parmi les personnalités visées par les poursuites et figurant sur une liste communiquée à des journalistes par le procureur Alphonse Charles Wright se trouvent, outre M. Condé renversé par les militaires en septembre 2021, un ancien président de la Cour constitutionnelle, d'anciens présidents de l'Assemblée, un ancien Premier ministre et une foule d'anciens ministres, députés et responsables des services de sécurité.

Selon ce document de réquisitions, le magistrat a donné "instructions aux fins de poursuite judiciaire par voie de dénonciation" contre M. Condé et 26 autres personnalités pour "meurtre, assassinat et complicité", disparitions forcées, détentions, enlèvements, acte de torture, coups et blessures volontaires, viols et agressions sexuelles ou encore actes de pillage.

Au vu des réquisitions du procureur général, les investigations paraissent viser essentiellement les deux dernières années de la présidence Condé.

Le magistrat a précisé que les poursuites étaient lancées à la suite d'une plainte du Front national de défense de la Constitution (FNDC), un collectif qui a mené pendant des mois à partir d'octobre 2019 la contestation contre un troisième mandat d'Alpha Condé.

La répression de ces protestations, souvent brutale dans ce pays coutumier des violences politiques, a fait des dizaines de morts, quasiment tous civils.

Cette mobilisation n'avait pas empêché M. Condé, devenu en 2010 le premier président démocratiquement élu après des décennies de régimes autoritaires ou dictatoriaux, d'être réélu en octobre 2020 après avoir fait modifier la Constitution en début d'année.

Les défenseurs des droits humains dénonçaient la dérive autoritaire de la présidence Condé dans ses dernières années.

M. Condé, 84 ans aujourd'hui, a été renversé le 5 septembre lors d'un putsch conduit par le colonel Mamady Doumbouya à la tête de ses forces spéciales.

Des personnalités déjà écrouées

Le FNDC n'a cessé depuis de réclamer justice. La plainte déposée en janvier en son nom par un cabinet français d'avocats désignait M. Condé comme principal responsable des violences.

Dans ses réquisitions transmises à des journalistes, le procureur général donne pour instruction au procureur de Dixinn (dans la banlieue de Conakry) sous son autorité d'engager les poursuites "sans délai".

Il lui demande de faire interdire aux personnes visées par les investigations de sortir du territoire, et de faire saisir tous leurs biens à titre conservatoire.

Il lui donne aussi pour instruction de faire délivrer les mandats d'arrêt internationaux nécessaires contre les personnes qui se trouveraient en dehors du pays.

M. Condé, gardé prisonnier par les militaires après le putsch, avait finalement été autorisé en janvier à se rendre mi-janvier aux Emirats arabes unis pour être soigné. Il est rentré en Guinée mi-avril. La junte assure qu'il est libre de ses mouvements.

Depuis le coup d'Etat de septembre 2021, le colonel Doumbouya s'est fait introniser président. Il s'est engagé à remettre le pouvoir à des civils élus.

Après avoir entretenu le flou sur son calendrier, il vient d'annoncer que la période dite de transition qui précéderait le retour des civils au pouvoir et au cours de laquelle il dit vouloir une "refondation" du pays durerait 39 mois.

Cette annonce expose le pays à un durcissement des sanctions de l'organisation sous-régionale Cédéao qui réclame une transition bien plus courte.

Le colonel Doumbouya a assuré en prenant le pouvoir qu'il n'y aurait pas de "chasse aux sorcières" mais que la justice serait la "boussole" du pays.

Les militaires proclament la lutte contre la corruption réputée endémique comme un de leurs grands combats. Certains responsables visés par les réquisitions du procureur général, à commencer par l'ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana, sont déjà écroués pour des malversations financières présumées.