Il y a 40 ans, le Chah d'Iran, piteusement lâché par l’Occident, décédait au Caire

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Hasan II et l’ex Chah d’Iran au Palais royal de Rabat

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Quid avec agences

Le 27 juillet 1980, le Chah d'Iran s'éteint au Caire, terrassé par un cancer du système lymphatique. Le président égyptien Sadate, son dernier allié, offre des obsèques majestueuses à l'ancien monarque chassé par la Révolution islamique. Homme des Américains, il a été lâché et condamné à l’errance en 1979 par le président Jimmy Carter qui lui refusé jusqu’à l’exile sans autre forme de considération pour ses « services rendus ». S’il est admis que les Etas n’ont pas d’amis, mais que des intérêts, la déchéance du Shah, au-delà de ce qu’il fut, de ce qu’il a fait ou n’a pas fait, est la démonstration historique pour tout chef d’Etat, qui pourrait avoir tendance à l’oublier, de ne se fier à aucune puissance prétendument alliée.

 

Vénéré puis maudit par les siens, instrumentalisé puis lâché par les Américains, Mohammad Reza Pahlavi avait dû s'enfuir de Téhéran dix-sept mois plus tôt, après 37 ans d'un règne au cours duquel il avait rêvé de faire de son pays la cinquième puissance de l'an 2000.

En 1979, tandis que la France faisait la part belle à l’ayatollah Khomeiny à Neauphle-le- Château près de Paris, la révolution fait tomber Mohammad Reza Pahlavi qui voit l’instauration de la République islamique d’Iran. Hassan II, Roi du Maroc, en dépit de la sympathie de son opinion publique, qui se révèlera déplacée, pour les Ayatollahs, soutient publiquement le Chah et propose de l’accueillir. Après un bref séjour dans le royaume, Mohammad Reza Pahlavi quitte finalement le Maroc pour les Bahamas. Les relations entre le Maroc et la nouvelle République islamique sont rompues dès 1980, après que l’Iran ait reconnu la République arabe sahraouie démocratique (RASD), proclamée par les séparatistes du Polisario alors sous tutelle algéro-kaddafienne.

Après avoir erré entre le Maroc, les Bahamas, le Mexique, les Etats-Unis et le Panama, l'ancien autocrate, désormais apatride, était venu se réfugier le 24 mars en Egypte, auprès de son "seul ami", le président Anouar el-Sadate.

Déjà gravement malade, il avait été transporté en hélicoptère à l'hôpital de Meadi et subi une ablation de la rate, entamant ensuite une longue convalescence au palais de Koubbeh, au Caire, entouré de la Chahbanou et de leurs quatre enfants. Mais son état s'était détérioré.

Quelques heures après sa mort, dans un message à la nation, Sadate annonce "avec une profonde douleur" le décès "d'un ami et d'un frère".

"Laissons à l'histoire la tâche de juger Mohammad Reza Pahlavi en tant que gouvernant mais nous, en Egypte musulmane, nous lui témoignerons reconnaissance et respect en tant qu'homme et en tant que musulman", déclare-t-il, rappelant que l'ancien dirigeant s'était "mis au côté de l'Egypte dans ses moments difficiles".

"Jusqu'au dernier moment, se moquant des critiques qu'il suscitait, aussi bien dans le monde musulman que dans son propre pays, le chef de l'Etat égyptien est resté fidèle à celui qu'il n'a cessé d'appeler « le Chah »", écrit alors l'AFP.

Leur amitié remontait au début des années 1970. Le Chah s'était rangé du côté de l'Egypte lors de la guerre israélo-arabe d'octobre 1973, envoyant aide médicale et médecins, mais surtout en autorisant —-bien qu'allié de Washington-— des avions soviétiques à survoler l'Iran pour réapprovisionner Le Caire en matériel militaire.

"Petit problème sans importance" 

A Téhéran, la mort de l'ancien souverain est annoncée laconiquement par la radio nationale. "Dans la rue, quelques brefs et timides concerts d'avertissements ont salué l'événement", écrit le correspondant de l'AFP en Iran.

Le lendemain, elle fait la Une de la presse iranienne: "Le pharaon est mort" titre Azabegan, "Le vampire du siècle est mort", affiche Tehran Times, tandis que République Islamique, l'organe du parti, accuse les Etats-Unis d'avoir tué le souverain en exil.

"Pour nous, la mort du Chah est un petit problème sans importance", déclare le président du Parlement, l'ayatollah Hachemi Rafsanjani, seul haut responsable à commenter le décès.

Les "étudiants islamiques", qui ont pris d'assaut neuf mois plus tôt l'ambassade des Etats-Unis à Téhéran et exigeaient jusque-là l'extradition de l'ex-Chah font savoir qu'ils "ne veulent pas de son cadavre" et que les 52 otages qu'ils détiennent ne seront libérés que "contre la restitution des biens qu'il a usurpés".

21 coups de canon 

Le 29 juillet, après l'exécution de l'hymne impérial, le chef de l'Etat égyptien prend la tête du cortège funéraire conduisant le cercueil, recouvert du drapeau iranien et placé sur un affût de canon tiré par six chevaux, du palais présidentiel à la mosquée Al Rifai. 

Derrière lui, l'ex-famille impériale, des représentants de familles royales déchues (l'ex-roi Constantin de Grèce, le prince Victor-Emmanuel de Savoie) et plusieurs milliers de soldats égyptiens.

Aucun chef d'Etat n'a fait le déplacement. Les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, le Japon, l'Australie et Israël ont dépêché leurs ambassadeurs.

Parmi les invités, l'ancien président américain Richard Nixon juge "honteuse" la politique hésitante de l'administration américaine à l'égard de l'ex-Chah, "un allié et un ami loyal des Etats-Unis pendant plus de trente ans".

Sous un soleil de plomb, le cortège traverse sur deux kilomètres des quartiers populaires habituellement grouillant de monde. Avec un service d'ordre impressionnant, 100.000 personnes se massent le long du parcours.

A la mosquée, le président Sadate et les deux fils de l'ancien Chah, Reza Cyrus et Ali Reza, accompagnent la dépouille à l'intérieur jusqu'à la salle funéraire et 21 coups de canon sont tirés sur la place publique.

Il est inhumé à l'endroit même où son père, Reza Chah, fondateur de la dynastie Pahlavi, avait été enterré pendant quelques années, jusqu'au début des années 1950, après sa mort en exil en Afrique du Sud.

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