Jordanie: fracture dans la famille royale, le prince Hamza refuse d'obéir au roi

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Le roi Abdallah II de Jordanie, le 23 mars 2021 à Amman

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Par Mussa HATTAR (AFP)

Accusé d'implication dans un complot "maléfique" contre son pays, le prince Hamza de Jordanie, demi-frère du roi Abdallah II, a affiché sa défiance en refusant d'obéir aux injonctions de cesser ses "activités" et de restreindre ses mouvements.

Le prince Hamza, 41 ans, a nié dès samedi les allégations à son encontre et a accusé en retour le pouvoir de "corruption" et d'"incompétence", scellant ainsi la fracture au sein de la famille royale. 

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Le prince jordanien Hamza, dans le désert de Wadi Rum en Jordanie le 17 avril 2012

Mais le palais royal a annoncé lundi soir que le roi avait pris l'initiative d'engager une médiation avec son demi-frère : "Sa Majesté le roi Abdallah II a décidé de traiter la question du prince Hamza dans le cadre de la famille hachémite", a tweeté le palais.

Selon cette source, le souverain a ainsi confié une mission de médiation à son oncle "le prince Hassan qui, à son tour, a communiqué avec le prince Hamza et ce dernier a dit qu'il adhérait à l'approche de la famille".

Agé de 74 ans, le prince Hassan ben Talal a été prince héritier de Jordanie de 1965 à 1999.

Dans une conversation enregistrée et diffusée dimanche soir sur Twitter, le prince Hamza affirmait à un interlocuteur non identifié : "C'est sûr que je n'obéirai pas (aux ordres du chef d'état-major, le général Youssef Huneiti) quand il me dit que je ne suis pas autorisé à sortir, à tweeter, à communiquer avec les gens et que je suis seulement autorisé à voir ma famille".

Le complot, le premier du genre depuis la création du royaume hachémite il y a 100 ans, a éclaté au grand jour samedi avec la mise en cause d'Hamza dans des "activités" pouvant nuire au royaume puis l'annonce de l'arrestation pour "raisons de sécurité" de plusieurs personnes dont d'anciens responsables.

Le même jour, le fils aîné du roi Hussein décédé en 1999 et de la reine Noor, une Américaine, a affirmé être assigné à résidence dans son palais à Amman. Les autorités n'ont pas confirmé cette mesure.

Le vice-Premier ministre Aymane Safadi a déclaré dimanche que la "sédition" avait été "tuée dans l'œuf", après avoir accusé le prince Hamza d'avoir collaboré avec une "puissance étrangère", non identifiée, pour tenter de déstabiliser le royaume. Il a fait état de l'arrestation d'une quinzaine de personnes dont Bassem Awadallah, un ex-conseiller du roi.

Internet coupé 

A la demande du roi, le chef d'état-major s'était rendu samedi au domicile du prince pour lui demander de cesser "tous les mouvements et activités visant la sécurité et la stabilité de la Jordanie", mais la réunion s'est mal passée, a ajouté M. Safadi. 

"J'ai enregistré toute la conversation et je l'ai distribuée (...) Maintenant j'attends de voir ce qui va arriver et ce qu'ils vont faire. Je ne veux pas bouger (pour l'instant) car je ne veux pas aggraver la situation", a dit le prince dans son dernier enregistrement, en dénonçant une situation "inacceptable".

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Le prince Hamza ben Hussein

Lors d'un exercice militaire lundi dans l'est du pays, M. Huneiti a affirmé que les forces armées et les agences de sécurité avaient "la capacité, la compétence et le professionnalisme nécessaires pour faire face à toutes les situations locales et régionales et à toutes les formes de menaces sur les frontières, et à toute tentative visant à saper la sécurité de la patrie, à terroriser ses citoyens et à déstabiliser la sécurité et la stabilité du royaume".

"C'est notre engagement envers la patrie et ses dirigeants hachémites", a-t-il ajouté.

Selon des habitants lundi, l'accès à internet est interrompu depuis deux jours dans le quartier huppé de Dabouq, dans l'ouest de la capitale Amman, où vivent le prince Hamza ainsi que d'autres princes et princesses.

Conformément au souhait de son père, Hamza avait été nommé prince héritier lorsque Abdallah II était devenu roi. Mais le souverain lui a retiré ce titre en 2004 pour le donner à son propre fils aîné, Hussein.

Pour Ahmad Awad, qui dirige à Amman l'institut Phenix Center for Economics and Informatics Studies, "ce qui est arrivé est une première par son intensité dans l'histoire de la Jordanie".

"C'est le début d'une crise et pas la fin. Cela montre qu'il faut des réformes tant politiques, qu'économiques et démocratiques", a-t-il dit à l'AFP.

Soutiens étrangers 

Selon M. Safadi, "les enquêtes (sur ce complot) ont révélé des liens entre Bassem Awadallah et des parties extérieures (...) pour mettre en œuvre des plans maléfiques visant à ébranler la stabilité de la Jordanie".

"Une personne ayant des liens avec des services de sécurité étrangers a été en contact avec la femme du prince Hamza et lui a proposé de mettre à sa disposition un avion pour quitter la Jordanie", a-t-il ajouté sans préciser l'identité de cette "personne".

L'Israélien Roy Shaposhnik, se présentant comme "un ami du prince Hamza", a indiqué avoir fait un "geste humanitaire modeste" en "invitant la femme et les enfants du prince à venir chez lui en Europe". Il a cependant souligné n'avoir "jamais été un agent du renseignement d'Israël ou d'un aucun autre pays".

Les messages de soutien au roi Abdallah II ont continué d'affluer lundi de l'étranger.

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