Kissinger appliqué par El Joulani - Par Samir Belahsen

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Mohamed El Joulani, redevenu Ahmed Charaa, blanchi rhabillé et dernièrement cravaté, acteur clé sur le théâtre syrien, a réussi à formuler des messages qui laissent place à plusieurs interprétations possibles. Jusqu’à quand ?

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“On ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment.”

Cardinal de Retz / Mémoires

“Tout gain pour un camp est une perte pour l'autre.”

 Henry Kissinger

Selon l'ancien secrétaire d'Etat des Etats-Unis, Henry Kissinger (1923-2023), l'ambiguïté constructive peut être définie comme l'usage intentionnel d'un langage délibérément ambigu sur des questions sensibles pour avancer des objectifs politiques.

 Cette stratégie développée et déployée par Kissinger dans des contextes variés est censée permettre aux parties de masquer leurs désaccords tout en revendiquant des concessions, facilitant ainsi les négociations.

Kissinger était le principal défenseur de cette approche. Il l’a utilisée pour gérer des conflits et maximiser les intérêts américains. 

Largement critiquée pour son opacité, l'ambiguïté constructive reste une tactique influente dans les relations internationales.

La théorie veut que l'ambiguïté puisse être utilisée de manière proactive pour permettre une plus grande flexibilité dans la résolution de problèmes ou la réduction de leurs intensités.

Dans le contexte de la Syrie, complexe et évolutif, cette approche présentait des perspectives nouvelles pour aborder les défis, les clivages et les désaccords profonds.

Mohamed El Joulani / Ahmed Charaa

Mohamed El Joulani, redevenu Ahmed Charaa, blanchi rhabillé et dernièrement cravaté, est un acteur clé sur le théâtre syrien. Quand on se rappelle ses antécédents, son engagement et son rôle dans le conflit syrien, on comprend l'impact de son application de la théorie de l'ambiguïté constructive. 

Déployée par Mohamed El Joulani, l’ambigüité constructive s’est révélée dans sa stratégie de communication. Il a réussi à formuler des messages qui laissent place à plusieurs interprétations possibles. Les seuls sujets où il a été clair ne sont pas des sujets de désaccord. C'est ce qui permet à tout le monde d'entrevoir des échanges constructifs. 

La clarté excessive peut engendrer des blocages rapides dans la communication, tandis que l'ambiguïté peut stimuler la réflexion et encourager des interprétations favorables. 

A ses débuts dans le pouvoir, Mohamed El Joulani, cherchait à favoriser des interactions dynamiques et à promouvoir une plus grande ouverture. Tout en jouant au Président, il s'est bien gardé de s'approprier le titre qui aurait pu provoquer un blocage. 

Cette ambigüité lui a permis d'atténuer les tensions et de favoriser un dialogue avec les autres parties sans susciter les blocages.

Les enjeux géopolitiques, militaires et humanitaires en Syrie sont intensément entrelacés. Les différents intérêts en présence, qu'ils soient internes ou externes, ainsi que les alliances changeantes, créent un paysage politique volatile, sinon explosif.  

L'implication de puissances étrangères en conflit sur d'autres terrains ajoute une autre dimension à la situation, rendant la politique syrienne encore plus dense. 

Les défis sont énormes et nombreux. La sécurité, les alliances, la constitution, les élections, la gouvernance, la reconstruction et la question des réfugiés sont au cœur des débats politiques et des négociations.

En gérant les zones grises de l'information et en jouant sur les perceptions, le nouveau pouvoir a cherché à provoquer des changements subtils mais significatifs au sein des différents acteurs en présence. Avoir l'adhésion, ou au moins réduire l'inquiétude et susciter l'espoir...par l'ambiguïté.

 On doit reconnaitre aux équipes de communication du « Zaim » qu'ils ont réussi à développer un discours maitrisé qui sème la confusion positive et qui suscite des remises en question.

Les stratégies mises en place par le nouveau pouvoir ont impliqué l'utilisation sélective de l'information pour créer des récits ambigus et susceptibles d'être interprétés de différentes manières par les différentes parties prenantes. Chacune pouvant l'interpréter positivement. 

L'homme fort de la Syrie a dû travailler avec les acteurs clés pour diffuser ces récits, tout en maintenant une certaine distance afin de maintenir l'ambiguïté.

Les résultats de l'application de la théorie de l'ambiguïté constructive dans le contexte syrien sont mitigés. 

Le dialogue et la médiation ont permis de créer des espaces plus larges de compréhension et de collaboration entre des groupes qui étaient antagonistes. 

En revanche, l'utilisation de récits ambigus a parfois alimenté la confusion et la méfiance. Le cas des Kurdes est éloquent, dans l’ambiguïté, ils ne veulent pas rendre les armes. 

Les impacts de ces stratégies restent donc sujets à débat.

Certains critiques pointent la difficulté de comprendre et d'interpréter les actions basées sur cette ambiguïté intentionnelle. 

L'absence de clarté, quand elle est perçue comme manœuvre, peut créer des suspicions, des tensions et des difficultés dans un environnement déjà complexe et instable. 

Les prémisses des conséquences de l'ambiguïté constructive dans le contexte délicat de la crise syrienne commencent déjà à surgir.

La situation politique Syrienne rend difficile l'utilisation efficace de l'ambiguïté constructive, après un certain délai de grâce, elle peut être source de malentendus.

Les défis associés à la mise en œuvre de stratégies ambigües dans un conflit armé sont considérables, ce qui soulève des questions sur la viabilité et l'efficacité dans le temps de cette approche dans de telles circonstances.

En tout cas l'adoption de stratégies ambivalentes n’était pas un choix, c’était une obligation. Elle a offert une marge de manœuvre diplomatique et politique, et permis à des acteurs de contourner des obstacles et de créer des alliances improbables. Le problème dans le contexte Syrien c’est qu’à un moment les différents acteurs locaux et internationaux demanderont, sinon exigeront, de la clarté.

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