L’internationale réactionnaire - Par Samir Belahsen

5437685854_d630fceaff_b-

Le président américain Donald Trump (G) dans ce qui a été retenu comme un bras de fer avec le président français Emmanuel Macron, le 25 mai 2017. Avec Elon Musk à ses cotés supporter et gourou, l’imprévisible Trump, de retour ce lundi, risque d’en faire voir à l’Europe et le reste du monde (Photo AFP)

1
Partager :

« Voilà dix ans, si on nous avait dit que le propriétaire d’un des plus grands réseaux sociaux du monde soutiendrait une nouvelle internationale réactionnaire et interviendrait directement dans les élections, y compris en Allemagne, qui l’aurait imaginé ? »

Emmanuel Macron

« Il faut se méfier des réactionnaires parce qu'ils ont réponse à tout »

 Mark Lilla

Alors que les nouvelles de la suspension du génocide de Gaza captivent l’attention chez nous, Elon Musk soutient Viktor Orban, Giorgia Meloni et l'AFD de Alice Weidel.         Le président Macron, lui, exprime sa vive inquiétude devant « L’internationale réactionnaire en Europe » qui renforcerait les liens entre l'extrême droite européenne et Donald Trump. 

Des liaisons dangereuses ?

Le 6 janvier, dans son discours devant la Conférences des ambassadrices et ambassadeurs à Paris, le président Emmanuel Macron s’est inquiété des ingérences dans le monde politique. Il a cité celles d’Elon Musk. Le milliardaire n’y va pas par quatre chemins, il demande la démission d'Olaf Scholz, accuse sur son X contre le premier ministre britannique, soutient Giorgia Meloni et le parti « für Deutschland » Alternative d’extrême droite (AfD) en Allemagne lors d'un échange médiatisé avec la cheffe du parti. 

Le président Macron dénonce l’entreprise de déstabilisation d’Elon Musk et de l’internationale réactionnaire en Europe entre Trump et les extrêmes-droites radicales européennes.

Pedro Sanchez, le premier ministre espagnol avait repris les mêmes termes d «'internationale réactionnaire » pour qualifier les soutiens suspects d'Elon Musk.

Contexte Historique 

Historiquement, l'Internationale Réactionnaire remonterait au XIXe siècle avec l’émergence des mouvements conservateurs, populistes et nationalistes face aux idées libérales et socialistes. 

Ces mouvements conservateurs tendent à préserver les valeurs sociétales traditionnelles et les hiérarchies sociales établies. 

Au XXe siècle, des tentatives d’alliance internationale entre ces mouvements ont commencé à prendre forme. L’objectif commun qui s’imposait était de contrer les avancées « progressistes ». 

On a vu cette tendance au XXIe siècle avec la Manif pour Tous en France pour contrer les mouvement LGBT et le Tea Party aux États-Unis qui est apparu avec l’avènement du premier président américain noir Barak Obama . 

Les acteurs de l'internationale réactionnaire

Selon cette démarche explicative, l'Internationale Réactionnaire aurait Vladimir Poutine pour principal acteur. L’autre acteur majeur serait le régime chinois. Le mouvement nationaliste aux États-Unis, dirigé par Donald Trump aurait, lui aussi, un rôle clé dans cette dynamique. Certains incluent l’expansion de l'évangélisme dans la dynamique de cette internationale réactionnaire.

Il faut y ajouter les partis d'extrême droite en Europe, tels que le R N en France et l'AfD en Allemagne…Ils sont unis derrière des slogans comme la préservation de la souveraineté nationale, la promotion de politiques anti-immigration, et la défense des valeurs religieuses et la promotion des politiques économiques néolibérales. Ils visent à réduire l'influence progressiste et à maintenir un statu quo social et politique.

Dans un article publié dans l’édition du 9 octobre 2009 dans le journal Libération, Éric Aeschimann considérait comme acteurs de cette internationale réactionnaire les néoconservateurs américains et italiens, les ex-maoïstes français, les penseurs nationalistes chinois et même le pape Benoît XVI. Pour lui, le ressort profond de cette internationale serait la haine des Lumières. On peut y déceler une certaine mythologie, l’idolâtrie du passé et une volonté de contrôler l’Histoire. 

On retrouvait ces idées chez le président du Brésil Jair Bolsonaro, en Italie, en Hongrie, en Pologne. Pratiquement tous ont  fleuri durant le premier mandat de Donald Trump.

Ludovic Lamant (Mediapart le 16 décembre 2016) prévoyait cette poussée des forces « préfascistes » et anticipait que les élections qui allaient venir en Allemagne et en France, allaient consacrer cette internationale réactionnaire, qui monopolisait déjà le rôle d'opposition à « l’establishment ».

Nouvel ordre mondial ?

Elon Musk et Donald Trump sont-ils en train de changer l’ordre mondial ? 

Les démocraties sont- elles menacées ?

Les déclarations expansionnistes menaçantes et l'imprévisibilité du Président de la première puissance mondiale couplées à la puissance médiatique, financière et technologique d'Elon Musk qui a grandi d-en Afrique du Sud dans les milieux Afrikaners et dans l’esprit de l’apartheid, font que la menace est plus que jamais sérieuse et en marche. Avant même l’intronisation officielle de Donald Trump, Musk dirige une stratégie d’influence globalisée comprenant la désinformation, l’ingérence électorale affichée et par algorithmes, une réelle manipulation de la démocratie.

Une ploutocratie réactionnaire

Dans un précédent article sur ces colonnes j’avais écrit : « La ploutocratie Américaine du XXI -ème siècle présente, à mon sens, deux dangers additionnels. Elle risque, par l’hégémonie Américaine, de devenir une ploutocratie planétaire. Le deuxième danger serait la banalisation du modèle. »

Lire : Ploutocratie : Le gouvernement des milliardaires ! -  Par Samir Belahsen

Cette internationale réactionnaire qui défie le XXIème siècle parait, aujourd’hui, guidée par cette ploutocratie hégémoniste aux ambitions planétaires.

La mise en garde du Président Biden dans son discours d’adieu, contre la dangereuse concentration de pouvoir aux mains de très peu de personnes ultra-riches, paraissait aussi sombre qu’inutile, adressé à une Amérique qui l’a déjà archivé. 

Lire : Biden alerte contre une ''oligarchie'' qui s'empare de l'Amérique

Et on se rappellera également du discours du Président Macron comme d’une alerte d’un naufragé, certes, utile et lucide, mais tardive et destinée à une Europe déchirée.

lire aussi