Le 49.3 sur les retraites, un désaveu pour Borne, et un aveu d’échec pour Macron

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Après le refus par l'Elysée de recevoir les syndicats, Elisabeth Borne n'a fait que suivre le son président en ouvrant pas non plus ouvert sa porte

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Le recours d'Elisabeth Borne au 49.3 sur sa réforme des retraites sonne comme un désaveu de sa stratégie fondée sur la concertation et pose la question de son avenir alors qu'elle s'est personnellement engagée sur ce projet très contesté d'Emmanuel Macron auquel elle ne fait que lui servir de fusible 

"Nous nous sommes donnés les moyens de la discussion", s'est défendu jeudi la Première ministre sous les huées des oppositions à l'Assemblée nationale, en dégainant l'arme 48.3. 

Or le 49.3, qui permet l'adoption d'un texte sans vote mais expose à la censure, dans l'image des Français, c'est "synonyme de brutalité, le sentiment que le gouvernement n'écoute pas, et en plus en ayant une attitude brutale à l'Assemblée", note Antoine Bristielle, chargé de l'opinion à la Fondation Jean-Jaurès.

Le recours à cet outil symbolise "l'échec de la concertation" menée par Elisabeth Borne, estime auprès de l'AFP l'historien Jean Garrigues. Il n'y a pas eu de "véritable négociation", les syndicats ont été "court-circuités" pendant que "le temps parlementaire a été accéléré" avec diverses procédures, ce qui "n’était pas la meilleure façon d'avoir un débat serein et apaisé".

Après le refus par l'Elysée de recevoir les syndicats, Elisabeth Borne n'a fait que suivre son président en ouvrant pas non plus sa porte, ce qui a été vécu par ces derniers comme "un mépris".

Le fait que cette haute fonctionnaire, ancienne ministre du Travail et de l'Ecologie, vienne de l'aile gauche de la majorité, devait pourtant être un atout à l'heure de la "mère des batailles".

- "Principale perdante" -

Avec Les Républicains, il y a eu "un effort de compromis" et "des concessions mais qui se sont cantonnées à la sphère parlementaire et qui n’apparaissent pas comme des concessions au reste de l’opinion", analyse M. Garrigues auteur de "Elysée contre Matignon" (éditions Tallandier, octobre 2022).

La Première ministre, réputée sérieuse et techno (c'est une ingénieure de la prestigieuse Ecole polytechnique), n'a pas ménagé sa peine pour que la concertation aboutisse et surtout conduise à un vote favorable.

Elle a d'abord fait partie de ceux qui ont demandé à Emmanuel Macron de ne pas passer par un amendement mais par un texte ad hoc.

Elle a ensuite porté les rencontres avec les syndicats et les groupes politiques, demandé à les prolonger, et négocié tout du long avec les Républicains pour arracher un accord à la droite.

Dans la dernière ligne droite, elle a plaidé avec force en faveur d'un vote, sonnant dimanche depuis Matignon la mobilisation de son gouvernement pour aller chercher les voix manquantes. "Une majorité existe", a-t-elle martelé.

Mais "dans la mesure où elle a porté cette idée de consensus et d’un vote qui pourrait sanctionner la réforme, c’est elle qui apparait comme la principale perdante", relançant les spéculations sur son maintien ou non à Matignon, relève M. Garrigues.

"Intérêt du pays"

Face à la menace d'un vote négatif, la Première ministre s'est ralliée, au terme de quatre réunions à l'Elysée, à la solution du 49.3 dans "une posture de grand désintéressement", selon une figure de la macronie.

"Elle a dit au président que cette réforme était +utile, nécessaire. C’est moi le fusible, à moi d’assumer+. Et Emmanuel Macron lui a dit +si tu vois les choses ainsi, vas-y+", raconte cette source. Cette confidence ressemble à un détournement d’attention vers la première ministre dans une tentative qui peut s’avérer boomerang  de couvrir Macron..

Emmanuel Macron porte aussi une responsabilité, selon M. Garrigues, car il est "l'incarnation de cette réforme", même s'il a cherché à rester en retrait. Et se séparer d'Elisabeth Borne "peut s'avérer préjudiciable pour lui, donnant le sentiment qu’il se défausse de ses responsabilités".

En attendant l'heure de vérité des motions de censure, il s'agira pour Elisabeth Borne de rester "droite dans ses bottes", selon M. Bristielle.

Comme elle l'a fait jeudi entre les chants de la Marseillaise à l'Assemblée, en fustigeant les "échappées personnelles" chez LR, ceux qui à gauche "ont tout fait pour bloquer le débat" et le "mutisme" de l'extrême droite. (Quid avec AFP)