LE CREPUSCULE DE L’OCCIDENT- Par Mustapha SEHIMI

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Le monde occidental a un rapport particulier avec les principes de la Charte des Nations -Unies qu'il applique de manière bien sélective - les occupations de l'Irak, de Afghanistan et de la Libye - et leur désastre- sans un véritable mandat du Conseil de sécurité attestent bien de ces transgressions dont le solde est des pays démembrés jusqu'à ce jour, et des millions de femmes, d’enfant et d’hommes affamés et jetés en proie aux maladies.

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Dans le fracas et le tumulte des tensions internationales avec leur lot de conflits (Ukraine-Russie etc.) et de tensions dans de nombreuses latitudes régionales (Afrique, Asie centrale, etc.), il vaut de prendre un certain recul sur les rapports créés par toutes les menaces pesant sur la paix et la sécurité internationales. 

L'ouverture de la session annuelle de l'Assemblée générale des Nations -Unies, le mardi 20 septembre courant, va sans doute donner de l'écho et du relief à ces risques et à ces dangers.

Multilatéralisme

Qu'en est-il en particulier de l'Occident ? Ce premier constat : il n'a plus la même capacité d'initiative historique comme par le passé. Son poids économique reste de premier plan avec les Etats-Unis (25,3 milliards MMM de dollars), l'Union européenne (14,5 MMM), l'Allemagne (4,3), le Royaume-Uni (3,4), la France (3). Le changement intervenu dans ce classement mondial depuis des années à trait à la Chine, désormais deuxième puissance économique avec ses 20 MMM$ qui entend bien surclasser les USA dans un avenir prévisible. Il s'ensuit que le pivot géostratégique s'est déplacé de l'Europe et de l'Occident vers l'Asie - un recadrage et un redéploiement engagés par l'ancien président américain Obama. Il est accompagné par le dynamisme de l'économie du savoir et de l'innovation. Et puis cet autre corollaire d'ordre géostratégique : un multilatéralisme qui avance et qui capitalise des acquis faisant pièce à un unilatéralisme américain. Dans ces changements, l'Europe n'a pas réussi à définir et à mettre en œuvre une politique unitaire de défense pas plus qu'elle n'a pu se hisser au rang d'une puissance. Ce monde occidental a, par ailleurs, un rapport particulier avec les principes de la Charte des Nations -Unies qu'il applique de manière bien sélective - les occupations de l'Irak, de Afghanistan et de la Libye - et leur désastre- sans un véritable mandat du Conseil de sécurité attestent bien de ces transgressions dont le solde est des pays démembrés jusqu'à ce jour, et des millions de femmes, d’enfant et d’hommes affamés et jetés en proies aux maladies.

 Enfin, d'un point de vue historique, les puissances occidentales se sont installées dans un paradigme atypique: celui du "mort" zéro. Ni aux Etats-Unis, ni en Europe, les opinions publiques n'acceptent des victimes dans leurs forces armées- la France en fait l'expérience et en paye le tribut avec les 58 soldats morts dans l'opération Barkhane au Mali. Or qu'est-ce qu'une politique étrangère dans un monde aussi crisogène sans un tel paramètre de son coût humain ? En Asie, il faut bien noter – de la Russie au Pacifique- qu’une autre approche prévaut. En termes philosophiques, l’on ne peut que le déplorer. Mais la "réalpolitik " est là : elle qui donne un avantage comparatif par rapport à l’Occident de plus en plus isolationniste d’ailleurs.

Ethno-occidentalisme

La France et l'Occident, c'est aussi des valeurs universelles mises on avant et servant de critères dans leurs politiques étrangères. De fait qu'en est-il? L'imposition de ces principes n'a-t-elle pas conduit à des compromissions voire à des reniements ? La démocratie, les droits de l'Homme ? Oui, bien sûr. Mais ce même Occident a un passé et un passif : n'est-ce pas au nom de ces mêmes valeurs d'affichage que l'histoire contemporaine a enregistré des spasmes, des violations aussi dans les terres non occidentales ? Le dogmatisme a aussi joué à cet égard jusqu'à vouloir imposer la démocratie par la politique guerrière. L'ethno-occidentalisme est comptable de ce dévoiement. Et de cet échec historique. Il n'a pas empêché en tout cas le soutien de dictatures, de pouvoirs autoritaires aux antipodes des principes proclamés.

Mais il y a plus. Référence est faite au "Choc des civilisations" avancé par l'américain Samuel Huntington dans son livre publié en 1996. Une thèse controversée mais qui, aujourd'hui a été supplantée plutôt par le choc des religions, l'Islam pour tout dire. Une altérité nouvelle qui a succédé à celle opposant naguère l'Occident et le communisme. Alors ? Les deux tiers de l'humanité considèrent que la démocratie libérale n’est pas le dernier mot de l'histoire contrairement aux thèses de l'Américain Francis Fukuyama sur " La fin de l'histoire". Il y a 1’Islam : la seule religion - ou construction idéologique ? – qui se distingue par l'initiative historique et la mobilisation sociale. Il faut également mentionner ce que l'on pourrait appeler les "Valeurs asistiques" faisant l'objet d'un débat depuis trois décennies. Que les droits de l'individu soient imprescriptibles et les droits de l'homme universels n'est pas à minorer ni à évacuer. Mais il faut également ne pas écarter sur cette seule base-là d'autres valeurs, asiatiques, telles l'harmonie et la cohésion. L'Amérique et l'Europe sont en proie au pessimisme alors que l'Asie embrasse la mondialisation avec une confiance et un optimisme croissants. Leur capacité d'adaptation est plus forte, et ce sur la base d'un capitalisme mixte, d'une gouvernance technocratique et d'un conservatisme social. Une tendance lourde. Elle va sans doute s'accentuer mettant en équation la démocratie libérale d'Occident.

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