International
LE ''GRAND ISRAËL'', DISENT-ILS… Par Mustapha Sehimi

La Terre d'Israël, telle qu'elle est promises au peuple juif dans différentes parties de la Torah, s'étend du "fleuve d'Égypte" (interprété comme le Nil) à la "rivière Perat" (Euphrate, Israël d'aujourd'hui, la Cisjordanie, Gaza, le Liban, la Syrie, la Jordanie, l'Irak, et une partie de l’Arabie Saoudite
Que faut-il attendre de l'administration Trump et du cabinet Netanyahou dans la recherche d'uns solution à la question palestinienne ? Ce qui paraît prévaloir ? C'est l'expulsion des Palestiniens de Gaza et l'érection de la "terre d'Israël" biblique...
****
Ministre, dirigeant du parti Mafdal-Sionisme religieux, avait déclaré peu de temps avant le 7 octobre 2023 que " Le Hamas est notre chance". Il considérait qu'un renforcement de ce mouvement islamiste radical mettrait à mal tout processus de paix; il empêcherait donc l'entente et l'organisation des Palestiniens en vue de la formation d'un État. Itamar Ben-Gvir, autre membre du gouvernement Netanyahu, jusqu'au 19 janvier dernier, dirigeant du parti Force juive (extrême droite suprémaciste) est une autre figure du sionisme religieux dont se réclament ces deux personnages. Une idéologie ancienne.
Historiquement le sionisme prône l'instauration d'un foyer national juif en Israël. Son fondateur et théoricien est Théodore Herzl (1860- 1904). Ce mouvement n'était pas nécessairement religieux et avait des liens avec le socialisme et le travaillisme. Mais un penseur majeur a contribué à faire changer de perspective de nombreux religieux, le rabbin Itzak Ha Cohen Cook (1865- 1935), dit le " Rav Kook". Il a lui aussi développé dans son école talmudique l'idée sioniste de la reconstruction de la terre d'Israël, de la Méditerranée au Jourdain, ce qui accélérera la grande rédemption. Dans cette ligne, toute avancée pour le sort des juifs est comme un signe divin: la Déclaration Balfour de 1917, la Conférence de San remo en 2020, la création de l'État d'Israël en 1948 ou des victoires militaires de juin 1967 et d'octobre 1973. Le sionisme religieux poursuivra son chemin; il servira progressivement d'idéologie d'appui aux tenants de la colonisation des territoires occupés.
La venue du... Messie
De quoi faciliter la venue et la venue du Messie et la fin des temps. A noter en passant qu'une grande partie des chrétiens évangéliques américains soutiennent Israël pour des raisons religieuses - un sionisme chrétien. De ce point de vue l'existence d'Israël est une condition de la fin des temps qui se terminera par le second avènement de Jérusalem. Depuis un demi-siècle, les pasteurs évangéliques, se sont rapprochés de rabbins et d’hommes politiques israéliens ; ils ont œuvré pour les convaincre de leurs intérêts communs. Et du retour de Jésus-Christ qui dépend de la restauration du temple de Jérusalem, désormais occupé par l’esplanade des Mosquées…
A la fin 2022 en Israël, plusieurs ministères sont aux mains de figures de l’extrême droite. Le cabinet actuel est le plus à droite de toute l'histoire du pays. Benjamin Netanyahu qui appartient au Likoud (droite) a en effet pu revenir au pouvoir à la faveur d'une coalition avec plusieurs partis qui sont, eux, d'extrême droite. Empêtré dans différentes affaires de corruption, il doit en quelque sorte sa survie politique à ces partis avec lesquels il a accepté de gouverner. Parmi eux, deux figures particulièrement sulfureuses ont obtenu des portefeuilles clés, Bezalel Smotrich (Finances) et Itamar Ben-Gvir (Sécurité intérieure), qualifié par la philosophe et sociologue franco-israélienne, Eva Illouz, de figure paradigmatique du "fascisme juif". Dans cette coalition, ils sont tous deux des représentants de ce que l'on appelle le sionisme religieux. Homophobes, sexistes et racistes, ils sont favorables à l'intégralité de l'annexion de la Palestine, de Gaza à la Jordanie en passant par Jérusalem Est et même le nord-ouset de l’Arabie Saoudite ! Un grand Israël fondé l'instauration d'un État théocratique soumis à la loi juive. Autre composante de cette coalition : des ultra-orthodoxes des partis Shas et Judaïsme unifié de la Torah.
Visées messianiques
Des visées messianiques: tel est bien le crédo du cabinet Netanyahu. Pour ce qui est de la "justification" de la conquête du Liban, se pose de nouveau l'éternelle question des frontières septentrionales de l'Eretz Ysrael (Terre d'Israël) biblique: où exactement Hachem ( Dieu) a-t-il défini ces frontières ? Sommes-nous tenus de conquérir ces régions ? Le mitzot (commandements) de terumah (donation d'une partie des récoltes) et de ma'aser (dîme) s'appliquent-elles à ces terres comme faisant partie d'Israël? Ou sont-elles considérées comme en dehors des frontières ? La Torah est donnée comme une référence par les religieux ; elle fournit des directives claires relatives aux régions à conquérir et où il faut prendre possession de la terre. C'est ainsi qu'au cours de la dernière génération, l'expression " Grand Israël" est devenue prévalente. Certains l'interprètent comme un appel - voire un ordre au rétablissement des frontières bibliques d'Israël. A noter cependant que ce concept a des acceptions variables; elles vont ainsi d'interprétations symboliques ou spirituelles à des revendications géographiques littérales. En tout état de cause, il fait référence aux frontières bibliques de la Terre d'Israël, telles qu'elles sont promises au peuple juif dans différentes parties de la Torah. Elle est souvent associée à la terre décrite dans l'alliance avec Avraham qui s'étend du "fleuve d'Égypte" (interprété comme le Nil) à la "rivière Perat" (Euphrate). Une vaste région qui comprend des parties de l'Israël d'aujourd'hui, la Cisjordanie, Gaza, le Liban, la Syrie, la Jordanie, l'Irak, et une partie de l’Arabie Saoudite.
Autre interrogation : Gaza est-elle "la Terre d'Israël" ? Après la guerre terrestre d'Israël contre le Hamas - avec son solde d'exactions, de répression et de dévastation s'apparentant à des crimes de guerre et même de crime contre l'humanité - comment se fera la planification de ce que l'on appelle le "jour d'après"? Trump a fait part de son projet: le déplacement des quelque deux millions de Palestiniens ailleurs...Mais qui gouvernera alors Gaza ? Qui assurera la sécurité à l’intérieur cette bande? Qui reconstruira la ville à l’intérieur à l'extérieur mais sans les Palestiniens ? L'option d'un peuplement israélien et de leur retour après leur départ en 2005 donc doit-elle être envisagée ? Deux facteurs peuvent peser cumulativement dans ce sens : le premier est stratégique en ce qu'il serait nécessaire d'assurer la défense de l'État d'Israël; le second, lui, est que Gaza se trouverait en Eretz Israel ("Terre d'Israël"). Une construction, rappelons-le, religieuse et historique centrale au sionisme et ancrée dans la Bible hébraïque. Dans les temps anciens, Gaza était habitée par des Philistins originaires de Turquie- le nom Philistin est la source historique du nom romain et moderne de Palestine. L'opposition laïque (et parfois religieuse) à l'installation de Juifs à Gaza, pour inaudible qu'elle soit dans une large mesure aujourd'hui, serait fondée sur des raisons de sécurité - comment protéger cette communauté ? - de démographie et de croyance éventuelle dans la solution à deux États.
En attendant, force est de faire ce constat : l'on est bien loin des questions de l'après-guerre...