Législatives algériennes : Chassez Le FLN, il revient au galop… !

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« Ils dirent : « Musa (Moïse) ! Nous n'y entrerons jamais, aussi longtemps qu'ils y seront. Va donc, toi et ton Seigneur, et combattez tous deux. Nous restons là où nous sommes [inna houna laka3idoune. » (Coran, Alma’ida signe 24)

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Un taux de participation de 23,03%, évalué en réalité par Noureddine Boukrouh, pourtant une figure du pouvoir, ancien ministre du Commerce et candidat contre Abdelmadjid Tebboune à la présidence à 15%.  Un record, le dernier étant de 23,72% au référendum sur la réforme de la constitution. Il a fallu attendre trois jours pour connaitre les résultats. Les lectures les plus optimistes ou les plus conciliantes à l’égard du pouvoir expliquent que les trois formations arrivés en tête, FLN, MSP (islamiste ‘’modérés’’) et RND de l’ancien premier ministre, en prison pour corruption, Ahmed Ouyahya ont profité de la très forte abstention. Ce qui les créditerait de l’existence d’une certaine base « disciplinée ». Ces partis, il faut le rappeler ont en commun d’avoir été des apôtres du clan Bouteflika et de son système. Se vérifie ainsi, à contre sens, l’aphorisme de « tout changer pour que ne rien change », extrait de l'un des chefs d’œuvre de la littérature mondiale, ayant donné lieu, en 1963, à une célèbre adaptation cinématographique du réalisateur Luchino Visconti, "Le Guépard". En Algérie, il devient « ne rien changer pour que rien ne change ».

Finalement, les dernières élections législatives anticipées, diligentées par le système algérien pour asseoir une pseudo légitimité perdue, n'auraient pas été qu’une simple mascarade, leurs résultats ont marqué un rendez-vous encore raté pour le changement et la démocratie dans ce pays plus que jamais fermé sur lui-même.

Annoncées dès le départ comme des élections sans partis et massivement boudées par les électeurs, elles ont débouché sur un scénario catastrophe, celui que les Algériens redoutaient le plus.

Elles ont marqué surtout le retour providentiel du parti au pouvoir (Front de Libération National/FLN) que tout le monde reconnaît qu’il est agonisant, en perte de vitesse et décrié pour sa gestion calamiteuse des affaires du pays et sa responsabilité dans les malheurs qu’endurent les Algériens.

Les observateurs s’attendaient dans le meilleur des cas à une possible victoire des listes indépendantes, majoritaires, ou tout du moins des listes islamistes, rien n’eut fut.

Curieusement, les résultats provisoires annoncés mardi donnent la victoire au FLN. Une victoire à la Pyrrhus, puisqu’elle perdure le statu quo et plonge le pays dans l’incertitude.

Même si depuis longtemps, l’écrasante majorité des Algériens considère le système en place depuis 1962, dont la nature, les pratiques et les politiques ont engendré la ruine du pays, le retour, quoi que timoré, de ce parti aux premières loges, a de quoi surprendre et d’hypothéquer toute velléité de changement qu’espèrent les forces progressistes.

Il renseigne néanmoins sur l’obstination des dirigeants algériens à s’agripper au pouvoir, quoi qu’il en coûte.

A contre sens de l’histoire

Manifestement, la victoire du FLN, pourtant fortement critiqué pour sa compromission avec le président déchu Abdelaziz Bouteflika, poussé à la démission en 2019 par un mouvement de contestation inédit, ôte toute légitimité à la nouvelle Assemblée.

Le FLN, qui a obtenu 105 sièges sur les 407, perd plus de 50 sièges et contrôle à peine le quart des élus de la nouvelle assemblée populaire nationale.

Il se trouvera contraint à sceller une alliance avec les partis traditionnels, notamment le Rassemblement national démocratique (RND), les indépendants et les islamistes légalistes.

Cela fait que ces élections qu’Abdelmadjid Tebboune a cherché à organiser pour passer en force sa feuille de route, n’auraient servi à rien.

Au moment où le mouvement de contestation a focalisé son action sur l’impératif de précipiter le départ de la nomenklatura du pouvoir, la fin de la corruption et le retrait de l'armée de la scène politique comme préalable pour le renouveau national, le pouvoir a agi à contre-courant, cherchant à perpétuer un système à bout de souffle tout en multipliant la répression, les arrestations arbitraires et en brimant les libertés.

En plus de la faible participation, ces résultats aggravent le déficit de légitimité de cette future Assemblée qui risque d'avoir presque la même configuration partisane que la précédente.

Une assemblée qui sera presque uniquement masculine puisque 34 femmes seulement ont été élues sur 8.000 candidates, contre 146 précédemment. En cause, la suppression d'un système de quotas instauré en 2012.

Outre le taux d’abstention historique, ces élections replongent le pays dans l'impasse politique sur fond de répression généralisée. D’ailleurs les réactions des forces de l’opposition ont été unanimes estimant que ces résultats, sans surprise, sont l’aboutissement normal d’une élection fermée qui s’est déroulée dans un climat de terreur.

Le taux de participation extrêmement bas montre à quel point cette élection, comme celles qui l'ont précédée, ne constitue pas la solution à la crise, mais plutôt un prétexte choisi par le pouvoir pour maintenir le statu quo et tourner le dos aux revendications populaires.

Un rejet massif

D’ailleurs, les chiffres annoncés mardi corroborent la myopie des autorités, puisque sur 24 millions d'électeurs inscrits, on a recensé 5,6 millions de votants, dont plus d'un million de bulletins nuls.

Ces chiffres donnent la preuve tangible sur la réaction de rejet massif des Algériens qui refusent le fait accompli que cherche à imposer le président Tebboune.

Alors que le scrutin était considéré par le pouvoir comme un moyen de sortir de la crise politique et d'en finir avec les vastes manifestations secouant le pays depuis deux ans, il s’est transformé en un mouvement de défiance qu’éprouve la majorité des Algériens vis-à-vis d’un "système corrompu".

Cette abstention massive, jugent Louisa Hanoune et les militants du Parti des Travailleurs, est symptomatique de la colère des travailleurs, des couches moyennes laminées, des étudiants confrontés au démantèlement de l’université ainsi que des couches sociales, victimes d’une véritable descente aux enfers depuis le confinement sanitaire.

Ce rejet massif exprime l’indignation de la majorité devant la régression sans précédent des libertés démocratiques et traduit le rejet de l’institutionnalisation de l’arbitraire via des réformes à la sauvette qui visent à bâillonner la société algérienne.

Pour le vice-président de la Ligue Algérienne de défense des Droits de l’Homme (LADDH), Said Salhi, "encore une fois, un rendez-vous a été raté pour le changement et la démocratie".

Il s’agit de résultats, sans surprise, issus d'une élection fermée qui s'est déroulée dans un climat de répression, a-t-il dénoncé dans un tweet.

Selon lui, ces résultats, ont mis à nu le système et sa promesse de l'Algérie nouvelle n'est qu'un leurre pour les Algériens.