International
Législatives algériennes : Radioscopie d’un fiasco annoncé
La mascarade a tourné dans plusieurs régions au vinaigre
Par Map
Dans un pays où le chaos a gagné tous les secteurs, l’organisation d’élections législatives anticipées imposées par le pouvoir pour le pouvoir pour se donner une légitimité est une gageure, un pari risqué au regard de l’accentuation de la lassitude, de la désillusion et de la contestation.
Samedi, jour désigné par les autorités algériennes pour organiser des élections contestées, la sanction des urnes ne s’est pas fait attendre. Outre le fiasco retentissant qu’a subi le pouvoir à travers un taux d’abstention record, avec un boycott de ce rendez-vous par plus de 70 % du corps électoral, ces élections se sont transformées en mascarade.
Une débâcle pour un système gangrené et qui a toujours préféré ne pas regarder la réalité en face.
Résultat : On a eu droit à une élection sans électeurs ni partis politiques, et un taux de participation d’à peine 15% à 16H00. Pari perdu par le régime, légitimité battue en brèche et feuille de route rejetée par des Algériens excédés.
Ne prenant pas acte de la détermination du mouvement Hirak et de la résolution des partis de l’opposition, le pouvoir en place a pris une véritable raclée.
Samedi, le spectacle dominant devant les bureaux de vote était de désolation. Il n'y a pas foule devant les bureaux de vote, pour ces élections législatives anticipées boudées et massivement rejetées.
Le scénario du pire que le régime redoutait le plus a fini par se produire et la mascarade a tourné dans plusieurs régions au vinaigre. S’il n’y a pas eu de vote dans plusieurs communes de la wilaya de Bouira, ailleurs plusieurs centres de vote ont été saccagés.
"A Béjaïa, 17 centres de vote ont ouvert le matin sur les 500 dans les 52 communes. A 11h00, il ne restait que deux bureaux ouverts. A 14h00 l'ensemble des bureaux étaient fermés", selon les ONGs sur place.
Des échauffourées ont même opposé des manifestants aux forces de l’ordre dans les villes de Haizer et El Esnam, et autour des bureaux de vote en Kabylie.
Dans cette région frondeuse, de nombreux bureaux de vote ont été fermés et des images de bulletins de vote jetés en pleine rue ont largement circulé sur les réseaux sociaux.
Fidèle à son approche répressive, le régime vert kaki a procédé à plusieurs interpellations qui ont eu lieu à Alger, Boumerdès, Béjaïa et Tizi Ouzou, selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD).
Un pari perdu
Ce grave virage ne saurait surprendre. Les autorités se sont efforcées ces derniers mois d'étouffer la contestation, interdisant les manifestations et multipliant les interpellations et les poursuites judiciaires visant opposants, militants, journalistes et avocats. D’ailleurs, quelque 222 personnes sont actuellement incarcérées pour des faits en lien avec le Hirak et/ou les libertés individuelles.
Deux jours avant le scrutin, trois opposants ont été arrêtés : la figure du Hirak, Karim Tabbou, le directeur d'une station de radio proche de ce mouvement prodémocratie, Ihsane El Kadi, et un journaliste indépendant, Khaled Drareni.
La réponse de M. Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (LADDH) est, on ne peut plus claire, soutenant que "le pouvoir veut aujourd'hui en finir définitivement avec le Hirak".
Manifestement, le taux de participation, enjeu majeur du pouvoir algérien à la recherche d’une légitimité, s'est transformé en un pari perdu. Les Algériens ont répondu presque partout absents refusant de cautionner un système qu’ils jugent source de tous leurs malheurs.
Comme pour l’élection présidentielle de décembre 2019 et le référendum constitutionnel de novembre 2020, le taux d’abstention est la seule certitude.
La confirmation a été donnée samedi. Le boycott massif a été une réaction logique de la rupture qui ne cesse de se creuser entre le système et la population et ses prémices furent visibles lors d’une campagne électorale plutôt apathique. Faut-il s’étonner au regard d’une campagne électorale qui fut apathique ?
Dans tous les cas de figure, plusieurs partis de l’opposition, les démocrates notamment, qui se sont regroupés au sein des forces du Pacte de l’alternative démocratique, ont boycotté ces élections. Même si de nombreux observateurs se sont interrogés sur la légitimité qu’aura un scrutin sans les partis de l’opposition, le pouvoir en place ne semble pas s’offusquer outre mesure de la sanction des urnes.
Le comble est de constater l’optimisme béat du président Abdelmadjid Tebboune. Avalant mal ce rejet massif, il a tenu quand même à affirmer : "Pour moi, le taux de participation n'a pas d'importance. Ce qui m'importe, c'est que ceux pour lesquels le peuple votent aient une légitimité suffisante" !
De quelle légitimité pourraient se prévaloir des futurs élus qui au meilleur des cas ont été rejetés massivement ? Quel rôle pourrait jouer une nouvelle assemblée, si ce n’est d’une simple boîte d’enregistrement ?
Un désintérêt et un boycott qui expliquent les soucis des Algériens qui se sentent abandonnés dans la lutte contre le COVID-19, éprouvés par les difficultés de la vie quotidienne et constatant amèrement le délabrement des secteurs publics qui tombent en ruine.
Qu’importent ces problèmes au regard d’un régime déterminé à imposer sa "feuille de route" électoraliste, en ignorant les revendications pour un Etat de droit, une réelle transition démocratique et en optant résolument pour une répression accrue contre toute contestation du régime !