L’ANC, un parti historique et une crédibilité en chute - Par Ilias Khalafi

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Pendant que les dirigeants du parti de Nelson Mandela poursuivent leurs batailles acharnées, les Sud-africains doivent encore prendre leur mal en patience et à faire face à tous les problèmes socio-économiques

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Par Ilias Khalafi  (MAP)

Johannesburg - Le Congrès National Africain (ANC), parti au pouvoir en Afrique du Sud depuis la fin de l’apartheid en 1994, souffle ce dimanche sa 111ème bougie sur fonds de divisions internes et d’accusations criminelles contre son président Cyril Ramaphosa, réélu il y a quelques semaines à la tête du parti.

Dans une atmosphère morose marquée par une succession d’évènements qui l’ont profondément ébranlé, le parti de Nelson Mandela embrasse une autre année plongé dans l’incertitude et la tourmente.

Les maux qui accablent le parti historique de l’Afrique du Sud s’accumulent au fils des ans. Mis à part sa réputation en chute libre, les guerres intestines et la corruption endémique, la crédibilité de l’ANC a été profondément bafouée suite aux accusations criminelles qui ont été portées l’année dernière contre son président.

Selon une plainte déposée par l'ancien chef du renseignement, Arthur Fraser, M. Ramaphosa a dissimulé un cambriolage survenu dans l’une de ses fermes privées dans la province du Limpopo, où d’importantes sommes en dollars ont été volées. Il est également accusé d'avoir organisé l'enlèvement et l'interrogatoire des voleurs, puis de les avoir soudoyés pour qu'ils gardent le silence.

Faisant de la lutte contre la corruption son cheval de bataille, Ramaphosa est tombé dans la disgrâce après qu’une Commission parlementaire indépendante a publié un rapport confirmant les accusations criminelles portées contre lui et ouvrant la voie au Parlement pour lancer une procédure de destitution.

Cette affaire a failli couter au chef de l’Etat sa place à la tête du pays, échappant de justesse à la destitution grâce à la mobilisation des députés de son parti, majoritaires au Parlement, qui ont fait bloc derrière lui en rejetant le rapport lors d’un vote à l’Assemblée nationale.

Le scandale a également sapé le vaste soutien dont il jouissait auparavant parmi les membres du parti, donnant l’occasion à ses détracteurs de lancer des attaques virulentes à son égard et de multiplier les appels à sa démission.

Durant les derniers mois, plusieurs gros calibres du parti ont affuté leurs armes pour en découdre avec le Président. Il s’agit notamment de la ministre de la Gouvernance coopérative et des Affaires traditionnelles, Nkosazana Dlamini-Zuma, la ministre du Tourisme, Lindiwe Sisulu, et les anciens présidents Thabo Mbeki et Jacob Zuma.

Ramphosa tenté par la purge

La tension entre les deux camps a atteint son paroxysme en décembre dernier lors de la 55ème conférence élective de L'ANC. L’ancien ministre de la Santé, Zweli Mkhize, également poursuivi dans une affaire de corruption, a créé la surprise en frôlant la victoire avec un léger écart face à Ramaphosa, après avoir convaincu un grand nombre de branches régionales à voter pour lui.

Des observateurs estiment que le Président pourrait se diriger vers une "purge nécessaire" vis-à-vis de ses nombreux opposants. Selon eux, il serait prudent de sa part de ne pas réaffecter les "ministres rebelles" lors du prochain remaniement ministériel afin de les éloigner des structures du pouvoir, aussi bien au sein du parti qu’en tant que responsables au sein du gouvernement.

Hélas, alors que les dirigeants de l'ANC poursuivent leurs batailles acharnées, les Sud-africains doivent encore prendre leur mal en patience et à faire face à tous les problèmes socio-économiques auxquels leur pays continue d’être confronté depuis des décennies déjà.

L’impact de la crise économie profonde qui déchire le pays est palpable pour le citoyen lambda. Le chômage ne cesse de grimper, résultat d’une économie moribonde et incapable de générer des emplois pour les millions de Sud-Africains, qui rêvaient de jouir des vastes ressources de leur pays une fois émancipés du joug de l’apartheid.

En plus d'une situation économique pour le moins décevante, s’ajoute une crise de l’électricité qui plonge le pays dans les ténèbres, en raison des coupures du courant opérées par la compagnie publique Eskom, en proie à une grave crise financière et de gouvernance.

Le parti a été également sous le feu des critiques après la publication du rapport tant attendu de la Commission judiciaire d’enquête sur la corruption. Ce document a révélé que la corruption était devenue systémique dans toutes les administrations sud-africaines et impliquait de hauts responsables de l’ANC.

Le rapport qui a été élaboré pendant quatre ans, jette la lumière sur la "capture de l’État", un phénomène qui réfère aux vastes détournements de fonds par des hommes d’affaires et des politiciens durant les deux mandats de l’ex-président Zuma.

En raison de ces nombreuses afflictions, l’ANC est désormais un parti dont la réputation est irrémédiablement entachée au sein de la société sud-africaine.

Les résultats des dernières élections locales, tenues en novembre 2021, témoignent de cette inexorable décadence. Dans ce scrutin, l’ANC a subi un revers sans précédent en ne franchissant pas la barre des 50 % des votes exprimés, et ce pour la première fois depuis les premières élections libres de 1994.

Alors que l’image de l’ANC au sein de la société sud-africaine s’est sérieusement obscurcie, la célébration de son 111ème anniversaire intervient sur fond d’interrogations accrues sur la capacité de cet ancien mouvement de libération à renaitre de ses cendres et à épargner au pays davantage de dégâts.