Malgré la pandémie, New York garde la fièvre (virtuelle) du samedi soir

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Fêtards qui se trémoussent aux sons de DJ en ligne, portant cache-tétons ou masques en tissu façon boule disco: avec la fermeture des lieux de sortie nocturnes, les soirées dansantes virtuelles font rage à New York.

La ville qui se targue de ne jamais dormir compte désormais plus de 90.000 personnes infectées du nouveau coronavirus, et les autorités ont prolongé au moins jusqu'à fin avril la fermeture de toutes les activités non essentielles. Mais les oiseaux de nuit ont trouvé d'autres façons de faire la fête.  

 

La queue est longue pour entrer, moyennant 10 dollars minimum -- 80 dollars pour un espace privé --, au Club Quarantine, l'un des lieux les plus en vogue, où des célébrités comme la chanteuse britannique Charli XCX ont fait des apparitions.

Le DJ D-Nice, chouchou des stars, attire aussi les foules pour ses sets "live" marathon -- jusqu'à 10 heures de suite -- sur Instagram. Parmi ses adeptes: des vedettes comme Rihanna et John Legend, voire des personnalités politiques comme Bernie Sanders et Joe Biden.

Le club "House of Yes", connu pour ses spectacles de drag-queens, son burlesque, ses acrobates et ses costumes très sophistiqués, a aussi basculé en ligne, organisant des soirées sur des plateformes comme Zoom, Twitch et Instagram.

Pour l'une des fondatrices du club, Kae Burke, voir s'éteindre la vie nocturne new-yorkaise aura été "comme assister à un gigantesque carambolage au ralenti". "On n'a pas vu l'imminence du désastre", témoigne-t-elle. 

Pourtant, dès la première session virtuelle, le succès était au rendez-vous. "Je ne m'attendais pas à m'amuser autant. J'ai dansé, déguisée, trois heures de suite", raconte-t-elle. "Ca m'a complètement sidérée... C'était comme si j'étais avec mes amis".

Nouvelles possibilités 

Au début, "House of Yes" a maintenu sa sélection à l'entrée, exigeants des fêtards qu'ils soient costumés, avec une prime aux costumes les plus élaborés.

Mais à l'heure de la pandémie, ils ont fini par assouplir les règles, afin d'accueillir le plus grand nombre et de permettre aux habitués coincés chez leurs parents de participer, même privés de leur garde-robe festive.

Jacqui Rabkin, cerveau des soirées numériques du club, souligne néanmoins que les participants continuent à se mettre sur leur 31.

"On a eu des gens déguisés en licornes géantes, d'autres avec leur équipement pour faire du pole-dancing ou des acrobaties aériennes", dit-elle. Un groupe a même apporté sa machine à faire de la fumée, avec jeux de lumière et marionnettes.

Ces soirées virtuelles permettent au club d'attirer des fans jusqu'en Europe et en Asie, relève-t-elle. "Je vois beaucoup de côtés positifs, ça étend le champ des possibles".

Le club à la réputation sulfureuse a même vu son compte Twitch suspendu pour 24 heures, "car certains dansaient en sous-vêtements", dit Jacqui Rabkin.

Le virage numérique a donné une certaine normalité à ce lieu, dont les messages sur les réseaux sociaux étaient souvent censurés pour ses contenus jugés limite pornographiques.

Antidote au stress 

Le DJ new-yorkais Nickodemus est de ceux qui font tourner les vinyles dans ce monde virtuel, avec l'espoir d'offrir un antidote au stress ambiant.

"C'est vraiment bizarre d'entendre les sirènes hurler toutes les cinq minutes près de mon bâtiment, de voir des gens emmenés sur des civières. C'est dur de penser à s'amuser et de mettre de la musique", confie-il.

"Mais on peut aussi se sortir de ça de temps en temps, pour garder l'âme propre et rester positif", ajoute-t-il. "Pour moi, New York a toujours été une fête... Si je suis en ville, je fais le DJ".

La pandémie a porté un coup terrible au monde du divertissement, avec l'annulation des grands festivals, le report des tournées, et beaucoup d'artistes et leurs équipes au chômage.

"House of Yes" continue en ligne, mais avec une équipe "squelettique", explique Kae Burke. Le club a organisé une levée de fonds pour pouvoir verser de quoi tenir à des dizaines d'employés désormais désoeuvrés.

Pour l'instant, ses soirées virtuelles sont gratuites, mais si le confinement dure, le club pourrait les rendre payantes, indique Jacqui Rabkin. Et l'activité virtuelle continuera probablement, même lorsque les règles de distanciation sociale seront assouplies.

L'esprit de fête est essentiel pour traverser cette période déprimante, souligne-telle. Les arts et la culture, "c'est ce qui émeut et unit les gens, ce qui donne à leur vie du sens et de la motivation".

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