Méthodiquement J-D Michel dénonce le confinement et les gouvernants (notamment français)

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« Le confinement est une très mauvaise mesure qui ne s’impose qu’en toute dernière extrémité, ou en l’absence de tous moyens utiles ! », c’est le point de vue que défend l’anthropologue genevois Jean-Dominique Michel qui étudie les dispositifs sanitaires et les politiques de soin. Tout juste remis lui-même de la maladie, après un traitement à l’hydroxichloroquine, il estime dans un interview de L’impertinent que « les décisions des gouvernements n’ont probablement fait que retarder l’agonie »

J-D Michel, d’obédience politique libérale, n’est pas un gauchiste égaré et ans cet entretien il ne présente pas le profil d’un conspirationniste, mais offre plutôt une critique de l’incurie des pouvoirs publics qui dissimulent leur imprévoyance, pour ne pas dire leur incurie, par des mesures « disproportionnées ». Extraits :

 « Il s’agit d’un risque sanitaire majeur qu’on connaît depuis 25 ans, rappelle le chercheur. Tout comme on connaît le risque qu’advienne tôt ou tard un tremblement de terre de grande amplitude dans certaines régions sismiquement instables. On connaît les mesures structurelles et opérationnelles à prendre et on construit donc, par exemple, les immeubles en conséquence ; on forme la population ; on prépare les services d’urgence à réagir ; on anticipe les besoins logistiques particuliers, sanitaires et vitaux (alimentaires) etc… afin d’être sûrs d’être bien préparés quand le problème surviendra. Depuis les années 2000, et plus encore après l’épisode du virus H1N1 (qui n’aura été, Dieu merci, qu’un pétard mouillé) des plans solides et bien pensés ont été mis sur pied pour anticiper cette menace. En France, le professeur Didier Raoult a, par exemple, exhumé un rapport qui date de 2003 dans lequel il avait prévu et décrit comment se passerait une pandémie. Or, nos gouvernements donnent l’impression d’avoir soudain découvert cette menace, comme s’ils n’y avaient jamais réfléchi. Et font, de surcroît, le contraire de ce que tous les meilleurs experts recommandent de faire dans ce genre de cas. Donc, effectivement, cela pose question (…)

L’exemple de Hong Kong et de Singapour

« Le confinement est une très mauvaise mesure qui ne s’impose qu’en toute dernière extrémité, ou en l’absence de tous moyens utiles ! Même s’il n’y a pas eu de confinement à proprement parler, nous sommes quand même allés dans cette direction par étapes. Avec des modalités un peu différentes, mais il s’agit de la même logique. Cependant, ce que nous disent les meilleurs spécialistes en épidémiologie infectieuse, c’est qu’il convient de faire exactement l’inverse pour lutter contre une épidémie de ce type: il faut impérativement confiner les personnes à risques, mettre en quarantaine les personnes infectées, mais surtout pas les gens qui ne sont pas malades, ne présentent aucun profil de risque ou qui sont déjà immunisés; il faut ensuite tester le plus de gens possible pour connaître les caractéristiques de l’épidémie (et non pas travailler à l’aveugle) et permettre aux gens de savoir s’ils sont infectés ou non. Le confinement est donc limité aux indications réellement utiles et les autres personnes continuent à vivre normalement sans flanquer l’économie à terre… Du reste, c’est comme ça qu’ont agi des territoires comme Hong Kong et Singapour, qui sont à la fois extrêmement peuplés et se sont trouvés aux premières loges face à l’épidémie, et qui recensent très peu de morts ! »

Comme des Nations du 19ème siècle

Comment expliquer alors que nos gouvernements n’aient pas su réagir de la même manière ? « Aucune idée. Les plans étaient prêts et ils étaient bons, les stocks (de masque en particulier) étaient faits. Et rendre disponibles, à partir de nos ressources scientifiques et industrielles, des millions de tests aurait été simple comme bonjour si on en avait fait une priorité stratégique urgente. Cela fascine Raoult à Marseille, cela fascine les meilleurs experts et cela me fascine aussi. Nos gouvernements donnent l’impression d’avoir été pris au dépourvu, comme des nations du XIXe siècle, ou sans moyens scientifiques et techniques. Les gros dégâts qu’on voit aujourd’hui ne sont pas dus à la dangerosité du Covid-19. C’est au contraire la mauvaise réponse sanitaire qui génère l’essentiel de la mortalité. En l’occurrence, le coût de cette inexplicable impréparation et de ce réflexe de peur archaïque («tout le monde aux abris!»), qui est exactement l’inverse de ce qu’il faut faire au 21ème siècle pour lutter contre une pandémie, aura été la vraie cause de la mort d’autant de personnes. Confiner ensemble les malades et les non-malades et les personnes à risque est le plus sûr moyen d’avoir le plus grand nombre de victimes, hélas! « 

L’efficacité des masques et la malhonnêteté du gouvernement français

De son point de vue, « les pays asiatiques en ont fait un très bon usage. Le Japon, la Corée, Singapour, Hong Kong se sont beaucoup protégés avec les masques et l’impact est visible: cela ne les a pas empêchés de se mouvoir tout en étant protégés. Quand le porte-parole du gouvernement français (l’OFSP chez nous a dit les mêmes âneries) affirmait que les masques ne servaient à rien, il s’agissait d’un mensonge d’Etat visant à camoufler de manière évidemment malhonnête que les stocks stratégiques qui avaient été faits ont en fait été liquidés et que nous ne disposions plus des réserves nécessaires même pour juste protéger les soignants. Plutôt que de d’admettre ce manque et d’assumer la responsabilité d’avoir mal prévu, les responsables ont préféré prétendre (il faut tout de même oser) que les masques ne servaient à rien. Cela dit, je suis assez sensible à l’argument des épidémiologues qui disent qu’hormis pour les groupes à risque et les professions ayant besoin de protection (comme les soignants, les urgentistes, les caissières et les commerçants), il vaut mieux oublier tout ça et exposer le plus de gens sans profil de risque particulier au virus le plus vite possible, étant donné qu’il n’est pas dangereux pour la quasi-totalité de la population et que c’est le seul moyen de nous mettre réellement à l’abri en construisant une immunité de groupe. »

Manipulation des chiffres

(…) Il faut aussi se rendre compte qu’il y a eu une manipulation des chiffres vraiment problématique sur le plan de l’honnêteté intellectuelle. Je pense notamment à cette étude publiée par le Pr Neil Fergusson à l’Imperial College à Londres, affirmant qu’il pourrait y avoir jusqu’à 500’000 morts en Angleterre. C’était un chiffre absurde, totalement faux, et qui a été en fait avancé dans le but de faire réagir Boris Johnson et le pousser à changer d’option sanitaire. Mais épidémiologiquement, ça ne valait pas tripette! Depuis, ils ont révisé leurs prévisions en disant qu’il y aurait 20’000 morts dans le pire des cas. A savoir des chiffres normaux, correspondant à ce qu’on connaît avec les virus hivernaux en général. C’est cela qui est vraiment extraordinaire : nous sommes, de l’avis unanime des meilleurs spécialistes, dans un événement épidémique normal ! Il n’y a tout simplement pas plus de morts cette année que les autres années à cause des pathologies respiratoires habituelles, dont ce nouveau coronavirus (nous en avons déjà plusieurs en circulation parmi la dizaine de virus respiratoires saisonniers) ne sera qu’un xième virus en plus. « 

« Une épidémie comme on en connait beaucoup »

Cela expliquerait pourquoi on tait les chiffres de mortalité de la grippe saisonnière, par exemple ?  demande alors l’Impertinent : 

« Précisément ! Si vous faites croire aux gens que 100'000 ou même 200'000 morts à l’échelle mondiale représentent une catastrophe, alors que chaque année les viroses respiratoires font 2'600’000 morts sur tous les continents, les mesures d’exception mises en place pour lutter contre une maladie qui fait 100’000 morts ne tiennent plus la route Ce ne sont pas les «viroses respiratoires» mais les «infections respiratoires». On trouve aussi des bactéries comme agent infectieux (...)

« C’est de l’ordre du détournement d’attention, de la désinformation. On voit bien comment les informations qui nous sont données sont manipulées (ou à tout le moins orientées) pour noyer le poisson et enfumer le chaland. Mais il va y avoir, in fine, des comptes à rendre sur la réalité de ce qui a été fait. J’ai souvent partagé ma conviction à ce sujet : les responsabilités, civiles et sans aucun doute aussi pénales, de l’État vont être lourdes. Planter l’économie, précariser des centaines de milliers de personnes (en particulier les plus fragiles économiquement) et mettre les gens en danger avec les mauvaises réponses sanitaires à un virus sans gravité épidémique particulière devra être repris sans complaisance (…). 

Press-bashing et dramaturgie émotionnelle

Sur le comportement des médias, Jean-Dominique Michel estime que « c’est un peu facile de faire du press-bashing. Je trouve qu’on a vu d’une part un vrai travail journalistique de qualité, en particulier d’ailleurs en Suisse. De l’autre, il est vrai qu’on est tombés dans une dramaturgie émotionnelle absolument absurde. Je l’ai dit: si on réservait le même traitement médiatique à n’importe quel problème sanitaire d’envergure, comme les cancers ou même la grippe annuelle, on serait tout aussi terrifiés qu’on l’est aujourd’hui. Et ça, ça ne joue pas sur le plan éthique. On ne peut pas prendre une mini épidémie (fondamentalement pas plus grave qu’une autre) et en faire une catastrophe apocalyptique. Là, il y a quand même une responsabilité collective. Avec la question subsidiaire de la liberté de la presse, à une époque où la quasi-totalité des médias (…) appartiennent soit à des milliardaires soit à des grands groupes industriels ou financiers. »

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