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Mexique et Canada, premières cibles de la guerre commerciale de Trump 2.0, la Chine dans l’expectative
Le président Trump et la première dame Melania Trump dansent lors du bal inaugural Starlight au Walter E. Washington Convention Center à Washington, DC, le 20 janvier 2025. (Photo / AFP)
Le président des États-Unis Donald Trump a ouvert lundi le front des guerres commerciales en confirmant sa volonté d'imposer des droits de douane de 25% aux produits venant des voisins canadien et mexicain, et ce dès le 1er février.
"Nous envisageons [des droits de douane] de l'ordre de 25% sur le Mexique et le Canada, parce qu'ils laissent un grand nombre de personnes (...) entrer (aux Etats-Unis), et beaucoup de fentanyl (un opioïde) aussi", a déclaré depuis la Maison Blanche le président, quelques heures après son investiture.
Il a ajouté qu'il pensait que ces surtaxes pourraient entrer en vigueur le 1er février.
C'était une des promesses phares de Donald Trump pendant sa campagne, alors que les deux voisins des Etats-Unis sont théoriquement protégés par un accord de libre-échange signé durant son premier mandat. M. Trump avait alors présenté cet accord comme le "meilleur possible".
"C'est un moment important pour le Canada", a réagi Mélanie Joly, la ministre des Affaires étrangères canadienne devant la presse, appelant ses concitoyens à être "unis".
"Notre pays est prêt à répondre à tous les scénarios mais nous continuons à penser que ce serait une erreur pour le gouvernement américain d'imposer des droits de douane" a poursuivi Dominic LeBlanc, chargé des Finances au sein du gouvernement canadien.
La valeur du peso mexicain et du dollar canadien par rapport au dollar a reculé dans la foulée des déclarations de Donald Trump, les investisseurs anticipant un recul des exportations depuis ces pays, ce qui affaiblirait leurs devises.
Avant son élection, Donald Trump s'est montré déterminé à imposer de nouveaux droits de douane plus largement, sur tous les produits importés, pour préserver l'appareil productif américain. Il n'écartait pas l'éventualité qu'ils atteignent 60%, voire davantage, pour les produits chinois.
Interrogé par la presse sur ses intentions actuelles, Donald Trump a répondu lundi qu'il n'était pas "encore prêt" à prendre de telles dispositions, et qu'il échangerait avec le président Xi Jinping.
Dans un décret, le nouveau locataire de la Maison Blanche demande à l'administration de chercher les causes des déficits commerciaux auxquels le pays fait face, et de "recommander des mesures appropriées, comme des surtaxes douanières généralisées".
"Je dis toujours que +tariffs+ (droits de douane) est l'un des plus beaux mots du dictionnaire", avait plaisanté Donald Trump un peu plus tôt devant des milliers de partisans rassemblés à Washington.
Si les sociétés étrangères veulent échapper aux barrières douanières américaines, "la seule chose qu'elles puissent faire, c'est de construire des usines aux Etats-Unis et d'embaucher des Américains avec de très bons salaires", a déclaré Howard Lutnick, pressenti comme futur secrétaire d'Etat au Commerce.
Riposte
La zone euro - qui exporte plus de produits vers les Etats-Unis qu'elle n'en importe - est également dans le viseur du nouveau président.
Les Européens "sont durs, très durs. Ils n'achètent pas nos voitures, ni nos produits agricoles, ils n'achètent presque rien", a affirmé Trump lundi soir à la Maison Blanche. "Nous allons donc régler ce problème en imposant des droits de douane ou en obligeant les Européens à acheter notre pétrole (...) et notre gaz".
L'Union européenne est "prête à défendre ses intérêts économiques" si nécessaire, a assuré lundi à Bruxelles le commissaire européen à l'Economie, Valdis Dombrovskis, ajoutant qu'un potentiel conflit commercial aurait un "coût économique substantiel pour tout le monde, y compris les États-Unis".
La Chine pour sa part a dit mardi espérer une coopération avec Washington en matière commerciale, alors que ses exportations ont été menacées de surtaxes douanières pendant la campagne.
La Chine est "prête à renforcer le dialogue et la communication avec les Etats-Unis (et) à gérer correctement les différences" entre eux, a déclaré le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Guo Jiakun.
Dans son discours d'investiture, Donald Trump a toutefois accusé la Chine de trop profiter du canal de Panama.
"La Chine exploite le canal de Panama, et nous ne l'avons pas donné à la Chine, nous l'avons donné au Panama. Et nous allons le reprendre", a lancé le 47e président à propos de cette voie d'eau de 80 km de long, construite par les Etats-Unis et inaugurée en 1914.
Le canal, qui relie l'océan Pacifique à l'océan Atlantique, a été transféré au Panama en 1999, selon l'accord passé en 1977 par le président américain d'alors, Jimmy Carter.
Trump promet de "forer à tout-va", le pétrole en bais
L'état d'"urgence énergétique" national annoncé par Donald Trump lors de son discours d'investiture, qui vise à doper la production d'hydrocarbures des Etats-Unis pour diminuer le coût de l'énergie et lutter contre l'inflation, fait reculer les prix du pétrole mardi.
"Nous allons forer à tout-va", a-t-il répété, une formule devenue un de ses slogans de campagne ("We will drill, baby, drill").
Le président américain entend ainsi accroître la production de pétrole et de gaz, pour "remplir les réserves stratégiques" et "exporter l'énergie américaine dans le monde entier", retiennent du discours les analystes de DNB.
L'idée derrière cette stratégie est d'aider l'industrie américaine à produire à des coûts moins élevés pour contenir les prix et augmenter le pouvoir d'achat des Américains.
L'impact de cette annonce, largement attendue par le marché, n'est cependant que modéré: les cours du brut étaient déjà partis à la baisse avant ce discours, après avoir atteint ces derniers jours des niveaux conduisant les opérateurs à vendre, souligne même Bjarne Schieldrop, analyste chez SEB.
Vers 10H50 GMT (11H50 à Paris), le prix du baril de Brent de la mer du Nord, pour livraison en mars, perd 1,36% à 79,06 dollars.
Son équivalent américain, le baril de West Texas Intermediate, pour livraison en février, dont c’est le dernier jour de cotation, chute de 2,22% à 76,15 dollars.
Quelque "394 millions de barils" sont actuellement stockés aux Etats-Unis, sur "une capacité d'un peu plus de 700 millions", chiffrent les analystes de DNB. Cela signifie que "Trump cherchera à acheter environ 300 millions de barils sur le marché", ajoutent-ils.
Difficile cependant pour l'administration Trump d'accroître une production déjà record en 2024, en hausse depuis des années, et qui dépasse quasiment tous les mois les 13 millions de barils par jour.
Car pour augmenter considérablement la production, l'industrie pétrolière américaine a besoin d'un prix du pétrole plus élevé, ce qui conduit à l'inverse de l'effet recherché, souligne Bjarne Schieldrop.
Pour y parvenir, le président républicain va probablement lever les restrictions, notamment environnementales, sur les terres et les eaux fédérales à des fins d'exploration et de production de pétrole et de gaz, estime-t-il.
"Ce processus risque de prendre du temps" et "prolongera la durée de vie de l'industrie fossile américaine plutôt qu'elle ne stimulera la production à des niveaux plus élevés", avance l'analyste.
Helge André Martinsen et Tobias Ingebrigtsen de DNB, soulignent par ailleurs que selon la Société nationale du pétrole de Chine (CNPC) la demande de pétrole de la Chine, premier importateur mondial, "diminuera immédiatement après avoir atteint un sommet cette année".
Une annonce qui laisse présager que le géant asiatique ne sera plus le moteur de la demande de pétrole à l'avenir.
Les nouveaux décrets profitent au dollar et plombent le peso mexicain
Le dollar accueille favorablement mardi la première salve de décrets présidentiels signés par Donald Trump dès son premier jour au pouvoir, qui pénalisent fortement les devises du Mexique et du Canada, premières cibles du président américain.
Sitôt investi, le dirigeant a décrété l'état d'urgence à la frontière avec le Mexique contre l'immigration, gracié 1.500 assaillants du Capitole, et signé le retrait des Etats-Unis de l'accord de Paris et de l'OMS-- autant de mesures fortes qui ont renforcé la confiance des investisseurs dans le fait qu'il mettrait à exécution ses promesses de campagne, dont celle d'une nouvelle politique commerciale protectionniste.
Le nouveau président a ainsi affirmé lundi son intention d'imposer des droits de douane de 25% sur les produits canadiens et mexicains à compter du 1er février, ce qui pourrait faire grimper l'inflation aux Etats-Unis et laisserait moins de marge à la Réserve fédérale (Fed) pour abaisser ses taux dans les prochains mois.
De quoi soutenir encore la devise américaine, qui, vers 10H30 GMT (11H30 à Paris), monte de 0,57% par rapport à l'euro, à 1,0357 dollar.
Le billet vert écrase par ailleurs le peso mexicaine, qui s'enfonce de 1,23%, à 20,7610 pesos pour un dollar, et la monnaie canadienne, en chute de 0,80%, à 1,4425 dollar canadien pour un "buck", un surnom de la devise américaine.
"Il existe une dichotomie claire dans l'approche de la Maison Blanche concernant les droits de douane": le marché estime que "le Mexique et le Canada seront les premières cibles, tandis que Trump devrait adopter une position plus progressive et modérée à l'égard de la Chine", souligne Kathleen Brooks, analyste chez XTB.
Ceci explique selon elle que le yuan chinois ressorte relativement épargné de l'investiture présidentielle.
La livre baisse elle lourdement face au billet vert, et perd mardi 0,59% à 1,2254 dollar.
Après la publication mardi d'un taux de chômage en légère hausse au Royaume-Uni, à 4,4% lors des trois mois terminés en novembre, "le marché se concentre sur la baisse du nombre d'emplois", qui renforce "les craintes de récession", estime Kathleen Brooks.
A la peine, l'économie britannique pourrait avoir besoin du soutien de la Banque d'Angleterre (BoE) et les investisseurs jugent probable une baisse de ses taux directeurs lors de sa prochaine réunion en février.
Poussé lundi par la perspective d'un second mandat pro-crypto, le bitcoin fait pour sa part une pause. Il évolue encore dans le vert (+0,42%), à 102.933,56 dollars, en-dessous de son record de lundi, à près de 110.000 dollars. (Quid avec AFP)