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Nouveau coup de force au Mali : que sait-on, quelles suites ?
L'ancien président nigérian Goodluck Jonathan, envoyé spécial de la Cédéao au Mali, à Bamako le 25 mai 2021
Le colonel malien Assimi Goïta a créé un fait accompli aux suites imprévisibles en remettant la main sur les commandes du pouvoir après avoir démis ceux qui incarnaient l'engagement à un retour des civils aux affaires.
C'est le deuxième coup de force en neuf mois après le putsch mené par un groupe de colonels le 18 août 2020 et qui a fait d'Assimi Goïta l'homme fort du pays.
Que s'est-il passé ?
Lundi est annoncé un nouveau gouvernement formé par le président et le Premier ministre de transition, Bah Ndaw et Moctar Ouane. La nomination d'un président et d'un Premier ministre civils (bien que Bah Ndaw soit un officier à la retraite) avait été imposée aux colonels par la communauté internationale, ainsi qu'une transition de 18 mois pour rendre le pouvoir aux civils.
Environ deux heures après l'annonce du remaniement, les militaires arrêtent le président et le Premier ministre ainsi que plusieurs hauts dignitaires. Mardi, le colonel Goïta annonce qu'ils sont démis. Mercredi, les militaires annoncent qu'ils ont démissionné, sans qu'on sache si c'est de plein gré. Ils sont libérés dans la nuit de mercredi à jeudi.
Jeudi circule le décret du colonel Goïta abrogeant la nomination des membres du cabinet de Bah Ndaw.
Pourquoi ce coup de force ?
Les militaires parlent de "différends profonds" et de "blocages" imputés à l'ex-président. Ils l'accusent de s'être ingéré personnellement dans la préparation des élections prévues début 2022, et d'avoir bloqué l'arrestation de responsables suspects de "mauvaise gestion financière".
Ils paraissent admettre que MM. Ndaw et Ouane ont suscité leur ire en écartant du gouvernement deux d'entre eux, acteurs du putsch de 2020 nommés ensuite ministres de la Défense et de la Sécurité.
Qui dirige le Mali ?
Le colonel Assimi Goïta (sans masque) à la tête de la junte militaire, à Bamako le 22 août 2020
Les militaires ont promis la nomination d'un nouveau président et d'un nouveau gouvernement. En attendant, Assimi Goïta "assure l'intérim de la présidence de transition", a dit son cabinet jeudi.
Les militaires ont reçu depuis lundi plusieurs acteurs de la vie politico-sociale, dont le Mouvement du 5-Juin, le collectif qui avait mené en 2020 la contestation contre le président Ibrahim Boubacar Keïta, achevée par le putsch d'août.
Le M5-RFP (pour Rassemblement des forces patriotiques) avait pourtant été marginalisé par les colonels dans la transition. S'estimant lésés, plusieurs membres, des barons de la politique depuis l'avènement de la démocratie en 1991, s'étaient placés dans l'opposition.
Au milieu des rumeurs, le nom de Choguel Kokalla Maïga, une des têtes pensantes du M5-RFP, plusieurs fois ministre depuis 2002, revient avec insistance pour le poste de Premier ministre.
Comment les Maliens réagissent-ils ?
En nommant quelqu'un du M5-RFP, les colonels s'assureraient leur soutien pour les neufs mois de transition restants, estime le chercheur Boubacar Haidara.
Les appels à protester contre le coup de force n'ont trouvé quasiment aucun écho. La classe politique est éclatée depuis la chute de l'ex-président Keïta et la mort du principal opposant Soumaïla Cissé fin décembre. De nombreuses formations ont adopté une position attentiste.
A Bamako, la lassitude a gagné beaucoup d'habitants.
"Deux coups d'État en neuf mois et un implacable couperet : rien n'a changé", résumait jeudi le Journal du Mali, hebdomadaire de référence.
Quelles conséquences ?
Une mission de la Cédéao (Communauté des Etats ouest-africains, la même qu'en août) a été dépêchée à Bamako pour tenter une médiation. Elle est repartie sans dire un mot.
Comme les principaux partenaires du Mali qui, à l'inverse d'août, ont réagi rapidement en condamnant le coup de force, elle réclame le retour à une transition conduite par des civils.
Washington a annoncé mettre fin à son aide militaire.
La Cédéao, qui devrait réunir un sommet extraordinaire dans les prochains jours, l'Union européenne, la France et les Etats-Unis engagés au Sahel, menacent de sanctions. Ces partenaires s'inquiètent d'un surcroît d'instabilité dans un pays exsangue où la capacité de l'Etat à faire face à ses multiples défis est plus que jamais en doute et où l'emprise des groupes jihadistes va grandissant.
En nommant un Premier ministre au sein du M5-RFP, les militaires pourraient trouver une "alliance avec des forces politiques maliennes pour convaincre les acteurs internationaux de les laisser poursuivre la transition", estimait jeudi le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG).