ONU: Les interprètes ces ''artisans du verbe'' au service de la diplomatie internationale

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Les interprètes, qu’ils soient à New York, Genève, Vienne ou encore Rome et Nairobi, traitent quotidiennement avec des personnalités parmi les plus importantes et les plus influentes de la planète et s’expriment « en leur nom » lors des réunions

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Par Karim AOUIFIA – MAP, New York

Nations Unies - Au commencement était le verbe. Pour les interprètes en général et ceux des Nations Unies en particulier, le verbe est le fil conducteur qui régit leur vie quotidienne. C’est leur gain pain certes, mais il est surtout l’outil à travers lequel ils rendent un service précieux au monde en véhiculant, en toute objectivité et limpidité, les messages et les positions des différents intervenants dans l’enceinte onusienne.

Lors d’événements d’envergure comme la session annuelle de l’Assemblée générale de l’ONU, l’armada des interprètes déploie toute sa puissance. Les interprètes affûtent leurs voix, aiguisent leurs connaissances cognitives et linguistiques et prennent leurs quartiers dans des cabines dédiées.

Ils se tiennent prêts à accomplir leur devoir de communicateurs, dans les six langues officielles de l’organisation internationale, à savoir l’Arabe, l’Anglais, le Mandarin, le Français, l’Espagnol et le Russe. Dans cette entreprise, l’espoir est toujours de mise : réussir la mission sans anicroche.

Souvent lors de grands événements qui revêtent une portée internationale et géopolitique, les projecteurs sont braqués sur les intervenants et les thèmes au menu des délibérations, alors que le travail de communication et de transmission de l’information fait de stress et d’une myriade de contraintes que ces “soldats de l’ombre” accomplissent, dans des cabines enfouies, est pris pour acquis. C’est bien là que s’applique peut-être le célèbre proverbe “Loin des yeux, loin du cœur”.

"Les interprètes de l’ONU fournissent au monde un travail essentiel. Ils vivent et font l’histoire chaque jour, luttant contre les barrières culturelles et linguistiques à l’échelle internationale", relève le site spécialisé de traduction et de localisation “Bureauworks.com" basé à Miami.

De par la nature de leur travail, ces interprètes, qu’ils soient à New York, Genève, Vienne ou encore Rome et Nairobi, traitent quotidiennement avec des personnalités parmi les plus importantes et les plus influentes de la planète et s’expriment « en leur nom » lors des réunions onusiennes.

Pour certains, il semble que l’interprétariat prend l’allure d’une profession de privilèges qui permet à son pratiquant de rester au fait des dossiers d’actualité, de découvrir de nouveaux horizons et de parcourir le monde à l’occasion des différentes conférences que l’organisation multilatérale tient dans les quatre coins du globe.

Or, le quotidien professionnel de l’interprète n’est pas une balade d’automne. Il est fait de stress et d’une disposition constante à s’adapter à toute situation d’urgence qui peut survenir en raison d’un intervenant qui parle rapidement ou dont l’accent n’est pas aussi déchiffrable.

De l’avis des spécialistes de ce domaine exigeant, cette gymnastique requiert de la résilience, des nerfs d’acier et des années d’expérience pour que l’interprète devienne maître de la situation et de ses aléas.

“Un bon interprète parvient à maîtriser les techniques requises pour gérer les situations difficiles, tout en se gardant de la panique”, explique Diana Liao, qui compte à son actif une trentaine d’années d’expérience au service d’interprétariat au sein de l’ONU à New York.

Conscients de l’ampleur de la tâche et de ses exigences, les interprètes onusiens travaillent en groupe de deux ou trois éléments pour chaque paire de langues. Ils alternent toutes les 20 à 30 minutes pour permettre de conserver le rythme de l’orateur, éviter l’épuisement physique ou intellectuel et se prémunir de toute erreur aux implications politiques.

"L’interprétariat semble être le métier idéal, mais rien n’est simple quand la moindre erreur de traduction peut avoir de graves conséquences sur la politique mondiale", estime Liao.

Pour Imam Lajjam, interprète de conférence et traducteur accrédité auprès des Nations Unies, l’acte de communication lors des réunions onusiennes “doit être précis et clair pour éviter des malentendus qui pourraient avoir de graves implications”.

"C’est là que le travail de l’interprète devient crucial. Il ne s’agit pas seulement de traduire des mots, mais aussi d’interpréter les intentions, les nuances culturelles et le contexte derrière chaque déclaration", a-t-il dit, en reconnaissant le caractère sensible de cette mission.

"La tâche des interprètes dans ce contexte est titanesque, car ils doivent non seulement être rapides et précis dans la traduction simultanée, mais aussi comprendre les subtilités diplomatiques qui peuvent faire qu’un mot mal interprété change le ton d’une négociation", a-t-il expliqué.

Dans un monde où les accords économiques, politiques et commerciaux peuvent dépendre d’un mot ou d’une expression spécifique, un interprète doit, selon M. Lajjam, toujours faire preuve de prudence dans le choix des mots pour parvenir en définitive à honorer les principes de neutralité que défend la citadelle onusienne du multilatéralisme.