chroniques
Poutine Mon amour ! Par Samir Belahsen
Les deux seuls modèles en compétition « Tiède » seraient aujourd’hui un capitalisme impérialiste et un centralisme autoritaire ou la dictature est à peine voilée. Il y a rarement une troisième option
« Poutine me rappelait en fait le genre d'hommes qui avaient autrefois dirigé la Chicago Machine ou le Tammany Hall, des personnages durs, intelligents, non sentimentaux, qui savaient ce qu'ils savaient, qui ne sortaient jamais de leurs expériences étroites et qui considéraient le favoritisme, la corruption, les extorsions, la fraude et la violence occasionnelle comme des outils légitimes. »
Barack Obama / Une terre promise (2020)
« Et puis, autre chose me gêne dans ses droits de l'homme prétendument universels, c'est que, précisément, ils ne le sont pas. Il y a toujours deux poids, deux mesures. Quand il s'agit de négocier des accords commerciaux avec la Chine, le silence est d'or. Quand on cherche à séduire Poutine, on lui décerne volontiers des brevets de civisme, passant sous silence ses manquements aux sacro-saints droits de l'homme. »
Simone Veil /Une vie
Je me suis surpris à admirer un dictateur…
Serait-ce une dépression profonde ? Ou, simplement, notre monde est pitoyable ? Sinon, sommes-nous pitoyables ?
S’il n’y a plus que des dictateurs comme Poutine et Xi pour susciter l’admiration et l’espoir de changement, c’est que nous sommes devenus pitoyables.
Par « Nous », j’entends cette génération qui s’étend sur toute la planète, au cœur bien ancré à gauche, qui a rêvé d’un monde meilleur que les modèles socialistes promettaient mais qui aspirait à plus de démocratie et plus de liberté.
Anti colonialistes, Anti impérialistes…, Utopiques et Rêveurs, nous l’étions, nous le sommes mais nous sommes surtout frustrés.
Les deux seuls modèles en compétition « Tiède » seraient aujourd’hui un capitalisme impérialiste et un centralisme autoritaire ou la dictature est à peine voilée. Il y a rarement une troisième option, si ce n’est Boko Haram comme à Ouagadougou ou Al Qaeda ou l’Etat Islamique en Irak ou en Syrie.
Les échecs répétés et renouvelés des différentes alternatives n’ont abouti qu’au renforcement du capitalisme et ont poussé les uns à renier leurs rêves, d’autres ont été aspirés par le système ou se sont résignés dans des modèles identitaires… Ceux qui ont priorisé la démocratie et la liberté ont adopté l’économie de marché plus ou moins régulée et se sont adapté à ses affres. Parfois aussi aux douceurs de l’embourgeoisement…
Bref, comme on est en manque de modèle qui respecte nos valeurs, toutes nos valeurs on est dans l’ambiguïté, dans le brouillard sinon dans la contradiction.
L’ambiguïté est issue de cet impératif moral au sens de Kant qui disait « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne d’autrui, toujours en même temps comme une fin, jamais simplement comme un moyen. »
Le brouillard a quelque chose de merveilleux, il promet le beau temps.
Pascal disait “Le temps et mon humeur ont peu de liaison ; j’ai mes brouillards et mon beau temps au-dedans de moi.”
La contradiction, quand elle n’est pas le fruit de l’hésitation pathologique, peut aiguiser le désir et ouvrir la porte à l’action salvatrice.
Alors ce modèle qui respecte nos valeurs, toutes nos valeurs de liberté et de justice, s’il n’existe pas il faudra l’inventer pour continuer à rêver…et à agir.
Camus disait “Il faut savoir se prêter au rêve lorsque le rêve se prête à nous.”, je dirais par les temps qui courent : Il faut savoir se prêter au rêve surtout lorsque le rêve ne se prête à nous.