''Rêve américain brisé'': les Chinois du Texas réclament leur droit à la propriété

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Manifestation à Houston, au Texas, contre un projet de loi qui interdirait aux ressortissants chinois d'acheter des propriétés au Texas, le 11 février 2023. Des législateurs au Texas, en Floride, en Arkansas et au Congrès américain ont présenté des lois visant à interdire aux citoyens chinois d'acheter des terrains, des maisons et d'autres bâtiments aux États-Unis. (Photo de Mark FELIX / AFP)

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Chapeau sur la tête, bottes aux pieds et accent de cow-boy. Ly, un vétéran de la marine américaine d'origine chinoise, s'est battu samedi sur un tout autre front: une proposition de loi voulant interdire l'accès à la propriété aux Chinois du Texas.

Au son des tambours, des cymbales et au rythme de danses du dragon, quelque 300 personnes ont marché samedi dans le quartier chinois de Houston, ville la plus peuplée du Texas, dans le sud des Etats-Unis.

"Stop au racisme", "Stop à la haine des Chinois", "Le Texas est notre maison", scandent les protestataires, accompagnés d'élus et d'activistes.

Tous sont vent debout contre une proposition de loi de la sénatrice républicaine locale, Lois Kolkhorst, qui pourrait interdire aux Chinois, mais aussi aux Russes, aux Iraniens et aux Nord-Coréens d'accéder à la propriété dans cet Etat conservateur.

Parmi les manifestants, se trouve Ly. Tout fraîchement titulaire de la nationalité américaine.

"Je suis un vétéran de la marine américaine. Je sens qu'il y a beaucoup de patriotes dans l'armée (...) Certains ont probablement le même nom de famille que moi et ne peuvent pas acquérir de terrain ni de maison au Texas. C'est insensé", déplore le jeune homme de 23 ans, qui n'a pas voulu donner son identité complète.

Pour ses défenseurs, la loi repose sur des motifs de "sécurité nationale" et sa rédactrice affirme qu'elle ne souhaite pas porter préjudice aux "résidents légaux".

Des représentants de la communauté chinoise jugent de leur côté le texte raciste et le voient comme une menace même pour les immigrés de longue date, ou encore les résidents permanents mais non naturalisés.

"J'ai travaillé pendant 18 ans, payé mes impôts. Je travaille dur. Nous venons juste d'avoir un fils en juillet. Donc on pense à acheter une maison", témoigne Frank Win, un scientifique de 31 ans et résident permanent.

"Mais d'un coup, avec ce projet de loi, c'est comme si tous mes rêves américains se retrouvaient brisés", regrette-t-il.

- "Bouc émissaire" -

Dans le Chinatown de Houston, l'anglais et le mandarin cohabitent sur les enseignes, jusqu'aux armureries. Au Texas, la plupart des personnes majeures peuvent porter une arme légalement.

Sur les 28 millions d'habitants que compte cet Etat, 1,4 million s'identifient comme asiatiques et 223.500 d'origine chinoise, selon des données officielles.

A Houston, ville de 2,3 millions d'habitants, soit la quatrième plus peuplée des Etats-Unis, plus de 156.000 se déclarent asiatiques.

La communauté chinoise est certes la plus exposée, de par son nombre, mais des manifestants d'autres nationalités s'étaient joints au mouvement samedi. Comme Nikki Hafizi, représentante de la communauté américano-iranienne.

"Ils font ça pour nous rappeler que nous n'avons pas les mêmes droits que les autres", fustige-t-elle lors d'un discours, se disant elle aussi menacée par cette loi du fait de sa double nationalité.

"Pendant longtemps, notre communauté a été le bouc émissaire du reste du monde. Durant la pandémie de Covid-19, les gens ont tenu les Américains d'origine asiatique pour responsables de problèmes qui venaient d'autres régions du monde", rappelle Gene Wu, membre de la Chambre des représentants pour le Texas.

"Nous vivons dans ce pays et voulons en faire partie. Et notre communauté n'acceptera pas la discrimination, la haine et la violence", ajoute-t-il.

En plus de la proposition de loi numéro 147 de Lois Kolkhorst, la numéro 552, portée par les sénateurs républicains Donna Campbell et Tan Parker, voudrait aussi interdire aux Chinois, Russes, Iraniens et Nord-Coréens, d'acheter ou louer des terres agricoles.

Cela s'ajouterait à la liste prévue par une loi de 2021 qui interdit déjà aux citoyens et aux entreprises chinoises, russes, iraniennes et nord-coréennes d'avoir des liens avec des infrastructures d'importance critique, comme le réseau électrique.

L'élue afroaméricaine à la Chambre des représentants, Sheila Jackson Lee, était aussi présente pour soutenir la marche. Elle a pris la parole sur scène, accompagnée de plusieurs enfants asiatiques.

"Non au projet 147, parce que la Statue de la Liberté est toujours debout et parce que le drapeau américain flotte encore", a-t-elle clamé, disant également "Non" à la haine envers les Asiatiques. (AFP)