Royaume-Uni: le déboulonnage d'une statue de marchand d'esclaves fait des émules

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Statue de d'Edward Colston, marchand d'esclaves de la fin du 17e siècle déboulonnée et jeté au fleuve

Après le spectaculaire déboulonnage d'une statue de marchand d'esclaves à Bristol, d'autres têtes vont-elles tomber ? Des militants antiracistes sont déterminés à supprimer de l'espace public les symboles du passé colonialiste du Royaume-Uni.

La vague d'indignation suscitée par la mort de George Floyd, un homme noir mort asphyxié alors qu’il était plaqué face contre terre par un policier blanc fin mai aux Etats-Unis, a relancé ce combat.

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La statue de l'ancien Premier ministre britannique Winston Churchill porte un graffiti assurant qu'il "était un raciste", près du Parlement à Londres le 7 juin 2020

Dimanche, c'est la statue d'Edward Colston, marchand d'esclaves de la fin du 17e siècle qui a financé de nombreuses institutions de Bristol, dans le sud-ouest de l'Angleterre, qui est tombée de son piédestal, jetée à l'eau par des manifestants.

Mardi soir, au moment des funérailles de George Floyd, des militants prévoient de manifester à Oxford contre une statue de Cecil Rhodes, magnat minier et homme politique colonisateur, actif notamment en Afrique du Sud au 19e siècle. 

En 2016, des rassemblements similaires avaient déjà été organisés à l'appel du collectif "Rhodes must fall" ("Rhodes doit tomber"), sans succès : l'Oriel College avait décidé de conserver la statue qui orne la façade d'un bâtiment de la faculté.

"Débat national" 

Dans un message vidéo, le Premier ministre Boris Johnson a dit "comprendre" les manifestants, la mort de George Floyd ayant "réveillé une colère et un sentiment indéniable d'injustice". Mais il a condamné ceux qui "enfreignent la loi, attaquent la police et vandalisent des monuments publics".

Le débat sur le passé colonial du Royaume-Uni n'est pas nouveau et le pays fait l'objet de pressions de longue date pour restituer des œuvres célèbres, comme les frises du Parthénon d'Athènes, exposées au British Museum de Londres. 

"Il est temps pour un franc débat national sur l'héritage du colonialisme en Grande-Bretagne", a tweeté la députée travailliste d'Oxford, Layla Moran, favorable au déboulonnage de la statue de Cecil Rhodes, un "suprémaciste blanc qui ne représente pas les valeurs d'Oxford en 2020".

Ce combat fait des émules ailleurs au Royaume-Uni, comme au Pays de Galles, où des campagnes ont été lancées contre les monuments rendant hommage à un général de l'armée britannique qui avait combattu lors des guerres napoléoniennes, Thomas Picton, tristement célèbre pour son traitement des esclaves dans les Caraïbes.

A Edimbourg, en Ecosse, la statue de l'homme politique Henry Dundas, qui a oeuvré pour retarder l'abolition de l'esclavage, pose question. 

Des élus locaux appuient les militants antiracistes, comme le chef du conseil de Cardiff, qui a jugé que la statue de Picton était un "affront aux personnes noires de la ville", tandis que celui du conseil municipal d'Edimbourg, Adam McVey, a confié que la statue de Dundas, si elle était ôtée, ne lui manquerait pas. 

A Londres, près du Parlement, c'est la statue de l'ancien Premier ministre conservateur et héros de la Seconde Guerre mondiale Winston Churchill, dont divers propos sur les questions raciales avaient suscité la controverse, qui a été prise pour cible ce weekend. 

L'inscription "Etait un raciste" a été apposée sous son nom sur le socle. 

A quelques pas de là, c'est au pied d'une autre statue, celle du héros de la lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud, Nelson Mandela, que des manifestants sont appelés à se rassembler mardi soir en hommage à George Floyd.

Pour le maire travailliste de Londres, Sadiq Khan, les manifestants ont mis en lumière "à juste titre" le manque de diversité dans l'espace public. "Nos statues, les noms de nos routes et de nos espaces publics reflètent une époque révolue (...), ça ne peut plus continuer", a-t-il déclaré dans un communiqué, annonçant la création d'une commission pour y remédier.

Quant à la statue de Colston, l'artiste Banksy, originaire de Bristol, a proposé une solution pour mettre d'accord ses défenseurs et détracteurs : "Nous la sortons de l'eau, nous la remettons sur le socle, attachons un câble autour de son cou et commandons des statues en bronze grandeur nature de manifestants en train de la tirer vers le bas", pour rejouer la scène de son déboulonnage. Ainsi, a-t-il expliqué sur Instagram, "Tout le monde est content".