Rupture consommée avec la CEDEAO : Les pays de l’AES en quête de nouveaux horizons

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L’AES a annoncé récemment la mise en circulation du passeport commun des citoyens du Niger, du Burkina Faso et du Mali à partir du 29 janvier courant, le jour de leur retrait définitif de la Cedeao.

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Par Youness Akrim – Bureau de MAP au Nigéria

Abuja - Près d’un an après l’annonce de leur départ de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le Niger, le Burkina Faso et le Mali, trois pays qui forment l’Alliance des Etats du Sahel (AES) sont sur le point d’acter définitivement leur séparation avec l’organisation régionale, après l’épuisement ce mercredi du délai réglementaire d’un an pour que leur retrait soit effectif.

Malgré plusieurs initiatives de médiation et l‘instauration d’un délai de rétractation pour faire revenir les pays de l’AES sur leur décision, la CEDEAO verra le nombre de ses membres se réduire à 12 pays ce 29 janvier, après un an de procédure conformément aux textes de l’organisation ouest-africaine, durant lequel les dirigeants des trois Etats de l’AES ont multiplié les partenariats et les réunions de concertation pour consolider leur nouveau groupement.

Dénonçant l’"influence des forces étrangères" au sein de la CEDEAO et les sanctions "inhumaines, illégales et illégitimes" imposées à leur encontre par l’organisation régionale, les autorités au pouvoir au Mali, au Niger et au Burkina Faso, ont rejeté en décembre dernier le délai de rétractation de six mois accordé par la Cedeao avant leur retrait définitif.

En dépit des efforts de médiation de la part des présidents du Sénégal et du Togo pour tenter de dissuader les trois pays de quitter l’organisation, les ministres des affaires étrangères des pays de l’AES avaient produit une déclaration conjointe, portée par le chef de la diplomatie malienne Abdoulaye Diop, dans laquelle ils qualifiaient d’« irréversible » leur décision de sortir de la Cedeao, à la veille du dernier Sommet de l’organisation tenue dans la capitale nigériane Abuja.

Bien que le départ des trois pays doit devenir effectif un an après son annonce, la CEDEAO a déjà tranché la question du retrait du Mali et a proposé une réunion de séparation entre l’organisation et la République du Mali, selon une lettre envoyée par le Président de la Commission de la CEDEAO, Omar Alieu Touray, datée du 13 janvier courant.

A quelques jours de la date de leur retrait définitif, les chefs de la diplomatie des pays membres de la Confédération de l’AES, se sont réunis à Ouagadougou dans le cadre d’une réunion de travail destinée à dégager une approche commune dans la définition des formalités de séparation de la CEDEAO.

A cette occasion, les ministres des affaires étrangères des pays membres de l’AES se sont penchés sur l’examen d’un document commun de stratégie en vue des négociations se rapportant à la sortie des trois pays de l’AES de la CEDEAO.

Entre accords de libre circulation et de coopération économique et militaire, les trois pays de l’AES ont intensifié leurs actions de coordination et de concertation sur plusieurs niveaux en parallèle avec l’aboutissement de la procédure du retrait pour dessiner les contours de leur nouveau bloc et jeter les bases d’un partenariat propre à leurs orientations stratégiques.

Dans ce sens, l’AES a annoncé récemment la mise en circulation du passeport commun des citoyens du Niger, du Burkina Faso et du Mali à partir du 29 janvier courant, le jour de leur retrait définitif de la Cedeao.

"Toutefois, les anciens passeports demeurent valables jusqu’à leur date d’expiration", a assuré le président en exercice de l’alliance, le général Assimi Goïta en faisant référence aux passeports de la Cedeao.

Malgré l’instauration d’un document de voyage unique, les autorités au pouvoir du Mali, du Burkina Faso et du Niger avaient déclaré leurs trois pays "un espace sans visa pour tout ressortissant" de la Cedeao, une mesure qui devrait garantir la fluidité de circulation des personnes et des biens entre les deux blocs dont les liens économiques et commerciaux ne peuvent être réduits à néant.

Sur le plan sécuritaire, les pays de l’AES, confrontés à des menaces croissantes des groupes terroristes et criminels actifs dans la région, ont commencé à définir les modalités de leur coopération pour sécuriser leur espace commun. Ainsi, les trois pays envisagent de lancer “une force unifiée” de 5.000 hommes pour lutter contre les menaces terroristes.

Cette force unifiée sera dotée également des moyens aériens et terrestres et de renseignement, ainsi que d’un système de coordination, a précisé le ministre nigérien de la défense, le général Salifou Mody lors d’une interview à la télévision publique nigérienne, expliquant qu’il s’agit d’une "question de semaines" avant qu’elle ne soit opérationnelle.

Avec le départ des trois pays du Sahel de la CEDEAO, l’Afrique de l’Ouest, confrontée à de nombreux défis multidimensionnels, assiste à une reconfiguration certaine de son paysage géopolitique.

Cette rupture entre la CEDEAO et l’AES ouvre la voie à de nouvelles configurations, d’autant plus que le Togo, membre de l’organisation ouest-africaine n’a pas exclu, par la voix d’une source officielle, la possibilité d’emboîter le pas aux Niger, au Burkina Faso et au Mali, en intégrant l’Alliance des Etats du Sahel.