Sahel : L'armée française plie bagage, la diplomatie russe s’active - Par Azedine Lqadey

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Six mois après le départ des derniers militaires français au Mali, après neuf ans d’opération, le Burkina Faso voisin a demandé à son tour, le 18 janvier dernier, le retrait des troupes françaises

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Par Azedine Lqadey (MAP)

Abidjan - La coopération militaire entre la France et des pays du Sahel se sont brutalement dégradées ces derniers mois sur fond de manifestations anti-françaises croissantes et de quête de nouveaux partenaires, en particulier la Russie qui a promis mardi d'apporter son aide aux pays du Sahel et du Golfe de Guinée face aux groupes terroristes qui sévissent dans la région.

Six mois après le départ des derniers militaires français au Mali, après neuf ans d’opération, le Burkina Faso voisin a demandé à son tour, le 18 janvier dernier, le retrait des troupes françaises de son sol, dans un délai d'un mois.

La France, ancienne puissance coloniale, est contestée au Burkina Faso depuis plusieurs mois. En décembre dernier, les autorités burkinabè avaient demandé à Paris le remplacement de l’ambassadeur du France à Ouagadougou, Luc Hallade, dont les propos sur '’l’absence de résultats’’ de Ouagadougou dans la lutte contre les groupes terroristes qui ne cessent de s’étendre sont jugés “trop intrusifs", par les autorités burkinabé.

Depuis son arrivée au pouvoir en septembre dernier, le président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, et son gouvernement, ont manifesté leur volonté de diversifier leurs partenariats notamment en matière de lutte contre le terrorisme qui mine ce pays de l'Afrique de l'Ouest depuis l'année 2015, comme le Niger, le Mali et le Nigeria.

Parmi les nouveaux partenaires envisagés par Ouagadougou, la question d’un éventuel rapprochement avec la Russie est régulièrement évoquée.

«La Russie est un choix de raison dans cette dynamique», et «nous pensons que notre partenariat doit se renforcer», avait souligné le Premier ministre burkinabé Apollinaire Kyélem de Tembela, à l’issue d’une entrevue avec l’ambassadeur de Russie, Alexey Saltykov.

Mais, contrairement au Mali qui a tourné la page de sa relation avec Paris, le président du Faso a affirmé qu'il n'y avait "pas de rupture des relations diplomatiques" avec la France et a démenti la présence du groupe russe Wagner dans son pays.

"La fin des accords diplomatiques, non", a-t-il déclaré lors d’un entretien avec la télévision nationale du Burkina, ajoutant qu’"il n'y a pas de rupture des relations diplomatiques ou de haine contre un Etat particulier".

«Cela ne veut pas dire une haine particulière contre un pays, cela ne veut pas dire également quitter un pays pour un autre, j’insiste sur le fait de notre souveraineté, l’équilibre de nos relations. Peu importe l’Etat, si c’est pour venir nous coloniser encore, nous dominer, nous ne serons pas d’accord», a-t-dit.

Dans ce contexte, l’Agence d’information du Burkina (AIB) avait indiqué, le 12 janvier dernier, que la Russie envisage d’élaborer avec le Burkina Faso, une feuille de route de leur coopération bilatérale devant prendre en compte, la sécurité, la lutte contre le terrorisme et d’autres domaines.

«Nous allons élaborer une feuille de route de la coopération bilatérale. Et à partir de cela, on va voir ce que la Russie pourrait apporter au Burkina Faso dans le cadre de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme», a déclaré l’ambassadeur de la Russie au Burkina Faso Alexey Saltykov, a rapporté la même source, précisant que le diplomate s’exprimait à l’issue d’un entretien à Ouagadougou avec le Premier ministre burkinabè.

Pour ce qui est du Mali, ses relations avec la Russie se sont renforcées depuis l’arrivée au pouvoir du colonel Assimi Goïta, malgré les mises en garde des occidentaux qui ne voient pas d’un bon œil ce rapprochement accusant Bamako de faire appel à Wagner, un groupe paramilitaire russe.

«Nous n’allons pas continuer à nous justifier pour le choix de nos partenaires», a déclaré mardi le chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, affirmant que la Russie répond de façon efficace aux besoins du Mali, dans un contexte de tensions entre la Russie et les pays occidentaux.

«La Russie répond de façon efficace aux besoins du Mali en termes de renforcement des capacités de nos Forces de défense et de sécurité. En faisant le choix de renforcer la coopération avec la Russie, le Mali veut montrer et démontrer que nous n’allons pas continuer à nous justifier pour le choix de nos partenaires », a-t-il dit.

Le chef de la diplomatie malienne s'exprimait lors d'une conférence de presse à Bamako avec son homologue russe Sergueï Lavrov qui a effectué une visite de deux jours au Mali, qualifiée d’historique par les deux parties.

Pour M. Diop, la présence de son homologue russe au Mali "est un choix assumé par son pays qui l’accueille à bras ouverts".

De son côté, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a fait remarquer que son pays va étendre sa coopération militaire aux autres pays touchés par le terrorisme au Sahel.

«La lutte contre le terrorisme reste bien sûr d’actualité pour les autres pays de la région. Nous allons leur apporter notre soutien pour qu’ils puissent surmonter ces difficultés. Il s’agit de la Guinée, du Burkina Faso et du Tchad, et en général la région sahélo-sahélienne et même les pays riverains du Golfe de Guinée», a-t-il poursuivi.

Pour M. Lavrov, les projets d’avenir de son pays doivent être conformes aux volontés des présidents.

«Nous voyons la réaction des Etats occidentaux aux processus d’évolution de nos relations. Et nous constatons avec regret que c’est encore une fois une attitude négative des occidentaux au principe de la parité et du respect mutuel. Cela reflète les approches néocoloniales et la politique de deux poids deux mesures de la part des Etats occidentaux», a-t-il commenté.

Dans les pays sahéliens touchés par le terrorisme, de nombreux citoyens appellent souvent leurs dirigeants à accentuer la coopération militaire avec la Russie tout en estimant que la diplomatie française n’a pas su s’adapter au changement de mentalité des jeunes générations, avides de souveraineté.