Sur fond de crise sociale, les candidats soupçonnés de corruption ne peuvent pas prêter serment (Kaïs Saïed)

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Les forces de sécurité face aux manifestants près du siège du Parlement à Tunis, le 26 janvier 2021

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Des centaines de personnes ont manifesté mardi contre la classe politique et la répression policière près du siège barricadé du Parlement à Tunis, où les députés débattent d'un large remaniement du gouvernement dans un contexte de tensions politiques.

A l'appel d'une trentaine d'associations, les manifestants, dont certains sont venus à pieds du quartier populaire d'Ettadhamen, ont été empêchés d'arriver devant l'Assemblée, relégués à une rue adjacente par un très important dispositif policier.

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La police bloque les manifestants près du siège du Parlement à Tunis, le 26 janvier 2021

Certains députés ont protesté contre ce déploiement massif, appelant à davantage de dialogue dans un pays touché de plein fouet par la pandémie du nouveau coronavirus et ses retombées sociales.

"Liberté, dignité pour les quartiers populaires", "A bas le régime policier", ont lancé les manifestants, scandant également des slogans contre le gouvernement ou contre le principal parti au Parlement, le mouvement d'inspiration islamiste Ennahdha.

Les manifestants ont protesté surtout contre la stratégie de répression adoptée face au mouvement de contestation sociale qui a éclaté à la mi-janvier dans des zones marginalisées du pays, au lendemain du 10e anniversaire de la révolution qui a fait chuter le 14 janvier 2011 le dictateur Zine El Abidine Ben Ali, après 23 ans de pouvoir. 

Plusieurs nuits durant, des jeunes ont jeté des pierres sur la police déployée pour faire respecter un couvre-feu imposé pour des raisons sanitaires. La police a tiré des gaz lacrymogènes et arrêté plus d'un millier de jeunes, dont de nombreux mineurs selon des défenseurs des droits humains qui ont déploré des abus.

Des manifestations pour réclamer la libération des personnes arrêtées et une meilleure politique sociale ont également eu lieu, alors que les restrictions sanitaires ont affecté les plus précaires et coûté des dizaines de milliers d'emplois. Le chômage touche plus d'un jeune sur trois.

C’est dans cette ambiance de crise que certains candidats proposés dans le cadre du dernier remaniement ministériel en Tunisie et sur lesquels pèsent des soupçons de corruption, ne peuvent pas prêter serment, a souligné lundi le président tunisien Kaïs Saïed.

"Certains noms proposés sont impliqués dans des affaires de conflit d'intérêts ou dans des affaires de corruption (...) ces candidats ne pourraient pas prêter serment", a insisté le président Saïed, cité dans un communiqué de la présidence tunisienne.

"Comment peut-on se permettre d'écarter l'ancien chef du gouvernement (Elyès Fakhfakh) pour conflit d'intérêts et de proposer ensuite des noms suspectés de corruption et de conflit d'intérêts", s'est il interrogé lors d'une réunion du Conseil de sécurité nationale, dédiée à la situation sanitaire ainsi qu'à la crise politique que traverse le pays.

Il a expliqué que "le serment n'est guère une procédure formelle, mais plutôt une formalité fondamentale".

M. Saïed a fait savoir que ce remaniement ministériel, annoncé le 16 janvier dernier par le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, a enfreint la Constitution, notamment l'article 92, qui stipule que l'amendement de la structure gouvernementale intervient après délibération du Conseil des ministres.

Le projet de remaniement, qui constitue une procédure fondamentale n'a pas été débattu en Conseil des ministres, a-t-il fait observer en s'adressant au chef du gouvernement lors de cette réunion du Conseil de sécurité.

Saïed, qui apparaît dans une séquence vidéo publiée sur la page facebook de la présidence tunisienne, a rappelé avoir reçu une correspondance du chef du gouvernement et du président du parlement sur le remaniement ministériel. Or, a-t-il tenu à préciser, pareille correspondance doit d'abord être adressée au président de la République qui la soumettra, après examen, au parlement.

Le président tunisien, qui a évoqué "plusieurs défaillances de procédure", a critiqué aussi le choix du chef du gouvernement, de se confier l'intérim du ministère de l'Intérieur après le limogeage du ministre.

"Le rôle de la présidence de la République ne se réduit pas à la réception de documents, la signature de décrets et l'organisation de cérémonie de prestation de serment. La présidence de la République assure la protection de l'Etat et la continuité de ses institutions", a-t-il soutenu.

Il a rappelé qu'aucun article de la Constitution ne stipule que le remaniement doit être soumis au vote du parlement, expliquant que cette mesure est seulement énoncée dans le règlement intérieur du parlement.

Dans le même contexte, le président Saïed a exprimé son mécontentement quant à l'absence de femmes sur la liste des ministres proposés au remaniement.

"La femme est capable d'assumer pleinement sa responsabilité, de donner et de prononcer la parole de la vérité", a-t-il insisté.

A noter que le remaniement proposé par le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, implique le changement de douze membres de son cabinet, lequel devra être soumis mardi au vote de confiance du Parlement.