Ukraine: Washington assure qu'il n'y a aucune ''trahison'', les Européens entre angoisse et irritation 

5437685854_d630fceaff_b-

Donald Trump et Vladimir Poutine, le 16 juillet 2018 à Helsinki (Photo AFP)

1
Partager :

L'initiative prise par Donald Trump directement avec Vladimir Poutine sur l'Ukraine n'est pas une "trahison" de ce pays, a assuré jeudi le chef du Pentagone lors d'une réunion avec les alliés européens qui se disent faussement surpris, et qui aimerait une place à la table des négociations

Donald Trump a fait savoir mercredi qu'il rencontrerait son homologue russe Vladimir Poutine en Arabie Saoudite, peu après un échange téléphonique entre les deux dirigeants qui ont convenu d'engager "immédiatement" des négociations pour mettre fin à la guerre en Ukraine.

"Il n'y a pas de trahison", a déclaré Pete Hegseth depuis le siège de l'Alliance à Bruxelles. "Il y a la reconnaissance que le monde entier et les Etats-Unis sont investis dans la paix, une paix négociée", a-t-il ajouté, avant le début d'une réunion des ministres de la Défense de l'Otan.

Mais l'Allemagne, deuxième plus important contributeur d'aide militaire à l'Ukraine après Washington, est loin d'être rassurée. Son chancelier Olaf Scholz a dit jeudi refuser une "paix imposée" à l'Ukraine, et son ministre de la Défense Boris Pistorius s'est montré critique de la méthode Trump.

Il est "regrettable" que le président américain Donald Trump ait fait des "concessions" à Vladimir Poutine sur l'Ukraine "avant même le début des négociations", a-t-il affirmé devant la presse.

"A mon avis, il aurait été préférable de parler de la question de l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan ou de possibles pertes de territoire à la table des négociations", a affirmé M. Pistorius devant la presse. Les Etats-Unis ont indiqué mercredi qu'une adhésion de l'Ukraine n'était pas réaliste, tout comme un retour de l'Ukraine dans ses frontières d'avant 2014, c'est-à-dire avec la Crimée, annexée par Moscou.

"Se ressaisir illico!" 

Les Européens sont d'autant plus inquiets que les dirigeants russes n'ont pas caché leur satisfaction, tout comme les responsables chinois.

"Je suis sûr qu'à Kiev, Bruxelles, Paris et Londres, on lit avec horreur le long commentaire de Trump sur sa conversation avec Poutine et qu'on n'en croit pas ses yeux", s'est ainsi réjoui le sénateur russe Alexeï Pouchkov.

La Chine, partenaire et soutien objectif de la Russie, s'est dite de son côté "contente de voir" Washington et Moscou "renforcer leur communication".

Balayant doutes et critiques, le secrétaire américain à la Défense Pete Hegseth a assuré jeudi que Donald Trump était le "meilleur négociateur de la planète", et le seul capable d'assurer une paix "durable" en Ukraine.

Cela n'a toutefois pas empêché plusieurs pays européens d'insister sur la nécessité que rien ne se fasse sans l'Ukraine et surtout que l'Europe, qui se sent larguée, soit bien présente à la table des futures discussions.

L'Ukraine doit être "étroitement engagée" dans toute négociation de paix et tout accord doit être "durable", a averti le secrétaire général de l'Otan Mark Rutte.

"Il ne peut pas y avoir de négociation sur l'Ukraine sans l'Ukraine", a affirmé de son côté le ministre britannique de la Défense John Healey, faisant écho à des déclarations similaires de ses collègues des Affaires étrangères mercredi à Paris.

"Pour nous, il est tout à fait naturel que nous, en tant qu'Alliés européens, soyons engagés dans ces discussions", a affirmé le ministre suédois de la Défense Pal Jonson. L'an dernier, nous avons fourni environ 60% du soutien militaire" à l'Ukraine, a-t-il rappelé.

Mais pour les Etats-Unis, il appartient désormais aux Européens d'assurer l'essentiel de ce soutien en Ukraine. Et c'est à eux que reviendra la nécessité de mettre en œuvre des garanties de sécurité "robustes" pour l'Ukraine, sans compter sur des troupes américaines sur le sol ukrainien.

L'annonce de l'ouverture "immédiate" de négociations de paix sur l'Ukraine, et le discours de vérité du nouveau secrétaire américain à la Défense exigeant des Européens qu'ils se prennent en mains, a eu l'effet d'un coup de tonnerre au siège de l'Alliance.

"C'est un grand moment de vérité" pour l'avenir de l'Otan, a ainsi jugé le ministre français de la Défense Sébastien Lecornu.

"On dit que c'est l'alliance militaire la plus importante, la plus robuste de l'histoire. C'est historiquement vrai, la vraie question c'est: est-ce que dans 10 ou 15 ans c'est toujours le cas ? ", a-t-il ajouté.

Pour Sébastien Maillard, de l'Institut Jacques Delors, l'Europe doit réagir vit et fort.

"Conclure avec Poutine un accord sur l'Ukraine sans être à la table de négociation.  Acheter de l'armement, tout en subissant des hausses tarifaires. Assurer seuls la sécurité de l'Ukraine et sa reconstruction. Inacceptable pour les Européens qui doivent se ressaisir illico!", a-t-il écrit sur X. Le pourront-ils ? (Quid avec AFP)

lire aussi