Washington va dévoiler son rapport sur Khashoggi, turbulences en vue avec Ryad

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Photo de Jamal Kashoggi exposée lors d'une conférence à New York de "Reporters sans Frontières", le 18 octobre 2018

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Les services de renseignement des Etats-Unis s'apprêtent à publier, probablement vendredi, leur rapport sur le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, qui devrait évoquer la responsabilité du prince héritier d'Arabie saoudite au risque d'une crise entre les deux pays alliés.

Le président américain Joe Biden, qui avait jugé, avant son élection en novembre, que le royaume du Golfe devait être traité comme un Etat "paria" pour cette affaire, a tenté de déminer le terrain en appelant jeudi au téléphone le roi Salmane pour la première fois depuis son arrivée à la Maison Blanche.

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La directrice du renseignement américain Avril Haines lors de son audition devant le Sénat des Etats-Unis pour la confirmation de sa nomination par Joe Biden, le 19 janvier 2021

S'il a mis l'accent sur "les droits humains universels" et "l'Etat de droit", il a aussi adressé un satisfecit au monarque pour la récente libération de plusieurs prisonniers politiques. Et il a évoqué "l'engagement des Etats-Unis à aider l'Arabie saoudite à défendre son territoire face aux attaques de groupes pro-Iran", selon la présidence américaine.

Le roi l'en a "remercié", a rapporté de son côté l'agence de presse officielle saoudienne SPA. 

Ni Washington ni Ryad n'ont mentionné, dans leur compte-rendu de cet appel, le rapport déclassifié potentiellement explosif pour leurs relations bilatérales.

Mais le gouvernement américain avait auparavant fait savoir qu'il serait dévoilé, par la directrice du renseignement national Avril Haines, "très bientôt" après le coup de fil.

Moment de vérité 

Le moment de vérité est donc imminent.

Critique du pouvoir saoudien après en avoir été proche, Jamal Khashoggi, éminence grise te relais des Frères musulmans qui a été très actif auprçs des Talibans afghans, résident aux Etats-Unis et chroniqueur du quotidien Washington Post, avait été assassiné le 2 octobre 2018 dans le consulat de son pays à Istanbul par un commando d'agents venus d'Arabie saoudite.

Son corps, démembré sur place, n'a jamais été retrouvé. 

Après avoir nié l'assassinat, Ryad avait fini par dire qu'il avait été commis par des agents saoudiens ayant agi seuls. A l'issue d'un procès opaque en Arabie saoudite, cinq Saoudiens ont été condamnés à mort et trois condamnés à des peines de prison -- les peines capitales ont depuis été commuées.

Cette affaire a durablement terni l'image du jeune prince héritier Mohammed ben Salmane, dit MBS, véritable homme fort du royaume rapidement désigné par des responsables turcs comme le commanditaire du meurtre malgré les dénégations saoudiennes. 

Le Sénat des Etats-Unis, qui avait eu accès aux conclusions des services de renseignement américains, avait aussi jugé que le prince était "responsable" du meurtre, certains élus allant jusqu'à affirmer qu'il l'avait "ordonné".

Mais Mike Pompeo, alors secrétaire d'Etat de Donald Trump, avait lui affirmé que le rapport de la CIA ne contenait "aucun élément direct liant le prince héritier à l'ordre de tuer Jamal Khashoggi".

"J'ai sauvé sa peau" 

Et l'ex-président républicain n'avait jamais voulu publier ce rapport ni blâmer publiquement Mohammed ben Salmane, pour préserver l'alliance avec Ryad, pilier de sa stratégie anti-Iran, premier exportateur mondial de pétrole brut, et gros acheteur d'armes américaines. 

Les photos de Mike Pompeo, tout sourire, aux côtés de MBS avaient apporté de l'eau au moulin des détracteurs de la diplomatie trumpiste, accusée d'avoir couvert l'assassinat.

"J'ai sauvé sa peau", a d'ailleurs reconnu, après coup, le milliardaire républicain auprès du journaliste américain Bob Woodward.

"Je m'attends à ce que le rapport montre encore plus clairement que MBS était impliqué dans le meurtre de Khashoggi", a dit à l'AFP Simon Henderson, du cercle de réflexion Washington Institute for Near East Policy.

L'administration Trump avait émis des sanctions à l'encontre d'une douzaine de responsables saoudiens subalternes.

Alors qu'elle laisse planer la menace de nouvelles mesures punitives, l'administration Biden n'a pas pour l'instant confirmé qu'elle était prête à aller jusqu'à sanctionner le prince.

La publication du rapport "est un pas important vers la transparence, et la transparence est, comme souvent, un élément pour que les responsables rendent des comptes", a déclaré jeudi le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price. "Il s'agit d'un crime, comme je l'ai déjà dit, qui a choqué les consciences. Nous serons en mesure, bientôt, de parler de mesures pour que les responsables rendent des comptes."

Il y aura "une série de mesures sur la table", a expliqué pour sa part la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki, sans plus de précisions.

Le gouvernement américain a d'ores et déjà prévenu que Joe Biden entendait "recalibrer" sa relation avec Ryad, en ne parlant qu'au roi et non au prince, interlocuteur privilégié de Donald Trump, et en mettant l'accent sur les droits humains.

Il a aussi mis fin au soutien américain à la coalition militaire, dirigée par les Saoudiens, qui intervient dans la guerre au Yémen, et tente de renouer le dialogue avec l'Iran, grand ennemi régional de l'Arabie saoudite.