Pendant ce temps, le Maroc?
Nicolas a pris le parti du Maroc contre l'Alg?rie
?ou comment l?Alg?rie est en train de devenir le cancre du Maghreb.
En critiquant l?Alg?rie et en encensant le roi Mohamed VI, Nicolas Sarkozy ne commettait pas de lapsus. C?est la troisi?me fois en deux mois qu?il dresse un r?quisitoire r?fl?chi contre les autorit?s alg?riennes qui "ont jou? contre une n?cessaire int?gration maghr?bine", qui se sont r?fugi?s dans une "arrogante obstination" ? laisser les fronti?res ferm?es, et qui ont bloqu? "les n?cessaires ?volutions dans le pourtour m?diterran?en." Pourquoi cette charge de la part d?un homme qui fut chef d'Etat d?une puissance mondiale et dont on peut deviner qu?il conna?t les sujets dont il parle pour avoir eu toutes les donn?es en mains, m?me les plus confidentielles. Mieux, cet ex-pr?sident qui postule ? la magistrature supr?me lors des ?lections de 2017, n?ignore pas les risques d?un casus belli avec Alger s?il venait ? diriger de nouveau la France.
Aussi, plut?t que des propos incontr?l?s, nous avons bien affaire ? un verdict sans nuances : apr?s 17 ans d?immobilisme, notre pays n?est plus dans le "tempo" des nations qui avancent. Il est largu?. M?pris?. Sa voix ne porte plus, son aura s?est ?teinte, son influence est nulle, ses strat?gies absentes, bref, l?Alg?rie ? la 17? ann?e de Bouteflika, est un cancre ? l?avenir sombre, un Etat d?un autre ?ge, qui vivait sur sa rente et son arrogance jusqu?? cette ann?e 2015 o? il se d?couvre sans le sou. Et nous y voil? ! L?Alg?rie sans l?argent du p?trole, ce n?est pas le Maroc ; c?est un pays bien au-dessous du Maroc, qui doit tout r?apprendre, r?apprendre ? produire, r?apprendre ? manager, r?apprendre ? pr?voir?. Pendant qu?on comptait les milliards de dollars rapport?s par la p?trole, le Maroc, qui ne compte que sur les bras et l?intelligence de ses fils, poursuivait une strat?gie bas?e essentiellement sur l?expansion de la demande int?rieure, soutenue par une forte augmentation des investissements publics. Le ratio d?investissement total par rapport au PIB, avec une progression moyenne passant de 2,9% ? 8,3% entre 1990-1999 et 2000-2009, a augment? de cinq points de pourcentage entre ces deux p?riodes pour s??lever en moyenne ? 30% du PIB durant la d?cennie 2000 et ? pr?s de 36% en 2009, niveau autour duquel il s?est stabilis? jusqu?en 2013. L?Alg?rie est loin de ces chiffres (sauf si l?on inclut les investissements dans les hydrocarbures). Les recettes p?troli?res servaient ? gonfler les importations. Le Maroc, lui, ?difiait un patient dispositif industriel. L? o? l?Alg?rie cr?e cinq entreprises, le Maroc en cr?e trente !
L?augmentation de la demande int?rieure a ?t? ?galement soutenue par des hausses de salaires li?es ? l?ajustement du salaire minimum. Cette strat?gie a permis au pays de cro?tre ? un taux proche de son taux potentiel. Entre 1990 et 2013, le PIB r?el par habitant a cr? d?environ 12 500 dirhams ? pr?s de 21 300 dirhams. Selon la classification de la Banque mondiale, le Maroc fait donc maintenant partie des pays ? revenu interm?diaire de la tranche inf?rieure. Les investissements de ces quinze derni?res ann?es ont am?lior? l?acc?s aux services d?infrastructure de base, baiss? la pauvret?, augment? l?esp?rance de vie ? la naissance ? qui est pass?e en moyenne de 65 ans en 1987 ? 74,8 ans en 2010.
Les Alg?riens auraient pu contribuer ? ce processus et en profiter, dans le cadre d?une int?gration maghr?bine. Ils ne l?ont pas fait. Aujourd?hui, qu?ils parlent de relancer la production nationale pour compenser, sur le pouce, l??rosion des recettes p?troli?res, c'est-?-dire de faire ce qu?il y avait lieu de faire dans les ann?es 90, il est trop tard. Les Marocains sont pass?s ? autre chose : acc?l?rer la transition vers le haut de la fronti?re technologique mondiale ? selon les normes des pays les plus avanc?s ?, trouver une place dans la comp?tition mondiale, s?aguerrir ? la concurrence sur les march?s internationaux, repenser la politique de croissance en fonction des nouvelles tendances de l??conomie mondiale, des bouleversements de la division internationale du travail marqu?s par l?irruption de la Chine comme deuxi?me ?conomie du monde et dont les investissements massifs en Afrique subsaharienne au cours de ces derni?res ann?es ont provoqu? des pertes de march?s potentiels pour le Maroc. Par ailleurs, le royaume, dans l?optique 2025, r?fl?chit ? se lib?rer de la pr?dominance de l?Europe, quasi seule importatrice, et qui n?est plus l?Europe rassurante d?autrefois.
Pendant que l?Alg?rie, r?veill?e ? la n?cessit? des temps, se demande comment faire pour relancer la production, le Maroc, lui, r?fl?chit ? mieux tirer parti du nouvel environnement international, ? ?lever la qualit? de la main d??uvre, ? p?n?trer le monde des nouvelles technologies, ? favoriser l?innovation, ? d?localiser graduellement vers les pays francophones d?Afrique subsaharienne, les activit?s manufacturi?res l?g?res qui ?taient celles du Maroc d?autrefois. Le pays, aujourd?hui, st plus comp?titif et plus ambitieux. L?Alg?rie est d?pass?e. En 2009, selon le magazine Jeune Afrique, dans le ?top 500? des entreprises du continent 75 ?taient marocaines, 26 tunisiennes et 22 alg?riennes ; la m?me ann?e le Maroc pla?ait 19 nouvelles entreprises dans le classement.
Rivaliser avec la Chine au sein des pays francophones d?Afrique subsaharienne ? Le Maroc y songe. Il peut compter, pour cela, sur une pr?sence bien ?tablie dans nombre de secteurs ? dont celui financier. Pendant que les dirigeants alg?riens tournaient le dos ? l?Afrique, se contentant des "p?lerinages", ? l?Elys?e, on s?occupait de les y remplacer. Les investissements priv?s marocains en Afrique subsaharienne sont nombreux et vari?s depuis quelques ann?es : banques et organismes financiers, t?l?communications, cimenteries, mines, transport et habitat, moyennant des prises de participation au capital des entreprises locales et/ou le montage de filiales (Direction des ?tudes et des pr?visions financi?res, 2010 et 2012).
Du c?t? des investissements bancaires et financiers, Attijariwafa bank et BMCE Bank sont les premiers groupes ? avoir conquis le march? international, en particulier africain. La premi?re est pr?sente au S?n?gal (rachat de 66,67% du capital de la banque s?n?galo-tunisienne BST) et au Mali (acquisition de 51% des actions de la Banque internationale du Mali pour pr?s de 60 millions d?euros). En 2009, l?op?rateur a renforc? sa pr?sence en Afrique subsaharienne avec l?acquisition de cinq filiales du Cr?dit agricole en C?te d?Ivoire, au S?n?gal, au Gabon et au Congo.
A cela s?ajoute le fait que l?aide publique du Maroc au d?veloppement de l?Afrique subsaharienne est d?j? non n?gligeable, puisqu?elle repr?sente environ 10% du montant des ?changes commerciaux entre les deux entit?s.
A l?oppos?, l?Alg?rie a perdu pied dans le continent.
On comprend mieux Sarkozy.
Vingt-deux ans apr?s la fermeture des fronti?res, il faut peut-?tre commencer ? se demander qui a perdu dans l?affaire.