Dossier : pourquoi le Fonds de Solidarité contre les Événements Catastrophiques n’a pas (encore) été actionné

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Un ouvrier construit des toilettes pour les survivants dans le village d'Ineghede, touché par le tremblement de terre, le 17 septembre 2023. Plus d'une semaine après le tremblement de terre de magnitude 6,8 qui a dévasté une partie du Maroc central. La catastrophe a fait près de 3 000 morts et des milliers de blessés dans la province d'Al-Haouz. (Photo de FETHI BELAID / AFP)

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Par Hassan Zakariaa

Le Maroc dispose actuellement de deux outils financiers pour faire face au séisme : le Compte 126 et un Fonds de Solidarité contre les Evènements Catastrophiques. Les fonds ainsi mobilisable (estimation de ce jour) devraient excéder le milliard de dollars (un peu plus de 10 milliards de dhs) en dehors de toute aide étrangère.

Tout contrat d’assurance comporte une indiction chiffré sur la cotisation au Fonds de Solidarité contre les Evènements Catastrophiques

Depuis janvier 2020, en plein catastrophe du Covid, chaque Marocain assuré (automobile, multirisque, habitat, etc.) paye un pourcentage des primes versées pour la couverture des risques catastrophiques. C’est à cette fin qu’un Fonds de Solidarité contre les Evènements Catastrophiques (FSEC) a été créé pour éviter à l’Etat d’actionner le Trésor et les citoyens, sauf nécessité absolue comme face au tremblement de terre d’Al Haouz.

En créant ce Fonds, dont la gestion a été déléguée depuis juillet 2022 à la Caisse Nationale de Retraites et d'Assurances (CNRA) relevant de la CDG, c’est pour que le Maroc dispose d’un instrument digne des pays développés, qui dispenserait « l’Etat, selon l’un de nos interlocuteurs, de recourir à, ou de se laisser submerger par la générosité des Marocains ». 

Lire aussi : Dossier : Le Fonds spécial (compte 126) fait-il double emploi avec la couverture assurantielle ? 

En théorie et selon une acception ‘’communément admise’’, ce Fonds devrait servir à couvrir les frais de recherche des victimes, de déblaiement, d’achats de nourriture, de couvertures, de réparation des logements sinon leur reconstruction ou encore d’indemnisation des pertes humaines et des blessés. Dès lors se pose la question : pourquoi ce Fonds n’a pas été actionné et pourquoi l’état de catastrophe naturelle, qui conditionne son utilisation, n’a pas été décrété par le Chef du gouvernement qui en détient la prérogative ? 

La double interpellation est, sans doute aucun, pertinente et légitime. Mais qu’en est-il dans les faits ? 

Dans les faits, le Fonds de Solidarité contre les Événements Catastrophiques est en train d’évaluer les dommages avec le réassureur principal de la couverture. Le FSEC souscrit un contrat de réassurance du risque à partir des primes encaissées (1% des primes dommages soit près de 300 MDhs par an avec une mise initiale de l’Etat de 300 MDhs). En tout et sur quatre ans, le fond disposerait d'environ 1200 MDhs. Le FSEC concerne les personnes n’ayant pas souscrit de garantie EVCAT dans un contrat privé ; c’est ainsi une garantie universelle contre les évènements catastrophiques.

Pour pouvoir couvrir un événement catastrophique, un arrêté du Chef de gouvernement précis (zones sinistrées avec coordonnées GPS, date de l’événement, durée de l’événement), est nécessaire. La loi fixe un délai n’excédant pas 3 mois après la survenance de la catastrophe pour la sortie et la publication de l’arrêté. En raison de risques éventuels suite aux répliques, de nouveaux dommages ou de nouveaux décès, l’arrêté n’est pas encore finalisé, mais la mouture principale, selon nos sources, devrait être prête.

Le Fonds indemnise les dommages corporels (incapacité permanente ou décès) et matériels (perte de résidence principale). L’indemnisation corporelle est conforme à l’indemnisation corporelle des accidents de la circulation (dahir 1-84-177 du 02, 10,1984). L’indemnisation matérielle est basée sur une valeur minimum fixée par L’ACAPS de 250 mille dhs ; l’indemnisation est fixée à minimum (70 % du cout de la reconstruction à neuf).

Un acte de recensement est fait dans un délai de 90 jours de la date de déclaration de la catastrophe au Bulletin officiel, avec toutes les pièces requises (rapport IPP pour les blessés, rapport décès, rapport d'expertise pour les biens matériels fait par le comité d’expertise dédié à cet effet). Une proposition d’indemnisation est ensuite faite par le FSEC avec la quittance correspondante.

Le fonctionnement du FSEC est donc indemnitaire sur une base scientifique et juridique. Le traitement n’est pas immédiat. La réassurance du FSEC est confiée à AXA pour traiter l’effet de levier de l’assurance ; le FSEC couvre une partie et une grande partie est rassurée ce qui permet de couvrir plusieurs fois la capacité du fond (s’il a une capacité de 1,5 MMDH, il peut monter à 2 ou 3 fois ses capacités en fonction de l’ingénierie de réassurance contractée).

En revanche, le FSEC ne couvre ni l’infrastructure génie civile publique (routes, ponts, pistes) ni les locaux publics endommagés. Et il faut souligner que le Fonds ne délivre pas de lignes de financement d’urgence d’aide aux populations touchées pour leur permettre de vivre normalement (hôpitaux, approvisionnement, biens de première nécessité, écoles…).

C’est à ce niveau que devrait intervenir le compte 126. Il devrait servir à combler la partie non couverte par FSEC, et il est doté de plus de 5,4 MMDHS aujourd’hui pour couvrir les besoins selon un process bien établi par les autorités et ce dans la durée. 

L’étape qui a commencé avec le compte 126 va permettre d’enchaîner sur le FSEC en facilitant le recensement, l’expertise ainsi que les rapports IPP et décès (à travers les hôpitaux militaires déployés). Les avances d’indemnisation faites par 126 (pour aller vite) devraient être ensuite réglées par le FSEC au compte 126 de telle sorte à focaliser ce compte uniquement sur ce qui n’est pas couvert.

Normalement avec le compte 126 et le FSEC, les fonds mis à disposition devraient excéder, valeur d’aujourd’hui, le milliard de dollars (un peu plus de 10 milliards de dhs) en dehors de toute aide étrangère.

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