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Etats-Unis / Sahara marocain : L’ ''executive order '' de Trump
Le prince héritier Moulay Hassan dans un échange de poignée de main avec le Président américain Donald Trump, sous le regard de son père le Roi Mohammed VI à Paris le 11 nov. 2018.
Un acte historique ! Un impact politique et diplomatique de grande ampleur : tel est le décret présidentiel (executive order) du chef de l’exécutif américain du 10 décembre annoncé et publié portant sur « la décision des Etats-Unis d’Amérique de reconnaître pour la première fois de leur histoire, la pleine souveraineté du Royaume du Maroc sur l’ensemble de la région du Sahara marocain ». Une information reprise, le même jour, dans un communiqué du cabinet royal. Une décision d’effet immédiat avec l’ouverture d’un consulat à Dakhla.
Des interrogations diverses ont porté sur la nature juridique de cet « executive ordre » mais aussi sur son irréversibilité, le locataire actuel de la Maison Blanche achevant son mandat le 20 janvier 2021 au profit du nouveau président élu, démocrate, Joe Biden.
Il faut observer que l’utilisation en chaîne de cette catégorie d’ordres exécutifs par le 45ème Président des Etats-Unis nourrit bien des commentaires. Mais c’est une pratique bien installée dans la pratique institutionnelle américaine. Trump, après tout, en a signé seulement 202 au cours de son mandat actuel. Ses prédécesseurs en ont fait un plus grand usage : Obama en a signé 276, George W.Bush 291, Bill Clinton 245. Cela dit, quels sont les fondements juridiques de ces actes ? La Constitution américaine n’en fait pas mention. Mais dans leurs visas, ils sont souvent fondés sur l’Article 2- Section 3 ; clause 5. Mais aucun texte législatif du Congrès n’en définit le régime juridique. Une situation quelque peu problématique : pas de limites pour cet objet normatif, sauf à préciser qu’ils peuvent engager de nouvelles dépenses non approuvées par le Congrès ; pas de procédure formelle d’adoption.
Ce qui a fait débat dans la doctrine américaine, c’est l’étendue du pouvoir du Président d’énoncer unilatéralement des prescriptions générales et impersonnelles se rapprochant matériellement de la loi, applicables sur l’ensemble du territoire des Etats-Unis en dehors de tout processus législatif. Un auteur, Richard Neustadt, dans un ouvrage (Présidentiel Power), a ainsi soutenu que le pouvoir du Président des Etats-Unis ne résiderait pas tant dans les pouvoirs formels qui lui sont conférés par la Constitution que dans ses qualités personnelles- une question donc de leadership et de stratégie politique face aux autres pouvoirs. Au fond, par –delà les textes, le pouvoir du Président « est le pouvoir de persuader »…
Pareille approche peut sans doute aider à éclairer les fluctuations à court terme de l’influence présidentielle ; elle ne peut pas expliquer l’expansion généralisée du pouvoir présidentiel. Structurellement, depuis des décennies, il s’est en effet renforcé, les exécutives orders prenant de plus en plus une place comme support de l’expression de la volonté présidentielle. Cette tendance tient à un double phénomène. Le premier a trait à l’ordre juridique fédéral américain – on a signalé leurs centaines par mandat présidentiel. Le second regarde comment cet outil s’est imposé aux yeux des présidents américains comme un véritable instrument alternatif de législation autonome – il permet de contourner le Congrès. La catégorie des exécutive orders ; stricto sensu, couvre les mesures qualifiées comme telles par le Président et qui lui permettent d’agir unilatéralement. C’est l’une des composantes d’une typologie traditionnelle où l’on trouve aussi des présidentiels proclamations, des présidentiel memoranda et des national security directives. Or, il n’existe pas de définition constitutionnelle ou légale des notions de « proclamation », « executive order » ou des autres formes de directives présidentielles. Si bien que par essence, pourrait-on dire, un executive order est ce que le président décide de qualifier ainsi. Mais généralement, les executives orders sont dirigés vers les politiques publiques et gouvernent ainsi que l’action des agents de l’exécutif et les agences.
Pour ce qui est du Sahara marocain, le président Trump a agi et décidé en chef d’Etat. En cette qualité, il a l’exclusivité des pouvoirs de direction de la politique étrangère des Etats-Unis et de négociation des traités, sans préjudice des attributions législatives financières et budgétaires de la Chambre des représentants et du Sénat. Le Président n’a pas un pouvoir tout-puissant mais il a en main un procédé efficace pour agir rapidement.
Une autre interrogation intéresse le sort de ce décret présidentiel avec le nouveau président démocrate, Joe Biden. Sur le papier, un président peut signer l’abrogation d’un tel texte. Le Président Trump a ainsi annulé plusieurs décrets de son prédécesseur, Obama (financement d’ONG favorables à l’avortement, projet d’oléoducs Keystone,…). De même, le Congrès américain peut annuler ce décret par le vote d’une loi ou encore y apporter des amendements. Dans la pratique institutionnelle, les cas relevés sont rarissimes…. Formellement, en termes juridiques, le président Biden peut abroger ce texte mais par un autre executive ordre. Mais c’est au plan politique qu’il faut restituer le problème. Comment pourrait-il justifier un tel acte ? Au Sénat, une majorité ne lui est pas acquise ; il faudra attendre le 5 janvier 2021 pour voir quelle sera l’appartenance politique des deux sénateurs de Géorgie - pour l’heure, les candidats républicains sont donnés favoris….
Tel sénateur démocrate, Patrick Leahy, hostile au Maroc, persévéra certainement dans ce registre. Tel autre, républicain, lui, James Inhofe, favorable au mouvement séparatiste, l’on ne sait pas trop pourquoi, continuera à faire entendre sa voix. Tout cela fera du « bruitage » à l’occasion. Mais la reconnaissance de la marocanité du Sahara, consacrée par le décret présidentiel de Trump, marque une avancée historique dans l’appréhension de la cause nationale par les Etats-Unis. Une capitalisation consolidée. Une perspective. Et une réarticulation géopolitique régionale englobant non seulement le Maghreb mais aussi le Moyen-Orient avec de nouvelles alliances à l’ordre du jour.