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L’enseignant Saïd Nachid : Saad Dine El Otmani m’a révoquer !
Le chef du gouvernement, Saad Dine El Otmani, et Saïd Amzazi, ministre de l’Education Nationale au Parlement.
Saïd Nachid, un enseignant doublé d’un intellectuel productif. Il a été radié de son poste pour « absence répétée », « manquement au devoir professionnel », « abus de certificats médicaux » et « déplacement en dehors du territoire national sans autorisation ». Pour lui, le professeur de philosophie, il y a un loup dans l’histoire, et le loup a les apparences des islamistes du PJD qui « veulent [le] réduire à la mendicité ». Voici son histoire telle qu’il la raconte et telle qu’on a essayé de la comprendre. Et aussi le point de vue de Salah El Ouadie.
Saïd Nachid, qui a longtemps été enseignant de français au primaire, puis prof de philosophie à Fès et à Settat, raconte dans un post sur Facebook avoir réussi « sous le gouvernement d’Alternance, avec le soutien de la regrettée Assia El Ouadie et de trois ONG, à décrocher le poste de directeur pédagogique dans un centre pénitentiaire, dans le cadre d’un partenariat entre le ministère de l’Education nationale et le ministère de la Justice »
Un projet mort-né. Il n’a pas, dit-il, reçu la décision de son affectation, et a « poursuivi sereinement [sa] profession d’enseignant et [sa] passion d’écrivain. » Il est ainsi l’auteur de «Le choix laïc et le mythe du modèle», «Croyance anxieuse», «La modernité et le Coran» et par la suite, affirme-t-il, cinq ouvrages sur la foi, la religion, et la philosophie. Il n’en faut pas plus pour deviner qu’il n’a pas le profil à plaire aux islamistes, notamment du PJD, auxquels il impute tous ses malheurs actuels.
LA SERIE NOIRE
Ses coups durs il ne les compte plus. D’abord c’est une histoire de loyer impayé qu’il jure avoir réglé, mais qui se termine bien grâce à un bienfaiteur. C’est ensuite la direction de l’Education nationale de Settat qui lui a « ordonné [de] retourner à l’enseignement primaire dans une campagne sous prétexte de pénurie d’enseignants. » Et pour finir, il est « surpris par l’interdiction de quitter le territoire national pour prendre part à des congrès à l’étranger, sous prétexte que [son] retour à l’enseignement primaire [le] prive de ce droit. »
Pour finir, c’est la maladie qui le frappe : « trois hernies discales lombaires [l’ont] privé de la faculté de marcher pendant une année et demi » ; ce qui l’incite à présenter « un dossier complet pour bénéficier de [sa] retraite pour des raisons de santé (hernies discales, allergie, insuffisance rénale). » Rien donc qu’une contre-expertise médicale ne puisse infirmer ou confirmer. Mais c’est une fin de non-recevoir qu’il obtient. « Des centaines d’autres ont bénéficié de ce droit, sauf moi et sans justification aucune, bien sûr ! J’étais obligé de continuer à travailler dans des conditions sanitaires délicates. J’ai cravaché pour ma retraite, pour mon droit à quitter le territoire national en vue de participer à des conférences auxquelles j’étais invité,... Peine perdue ! », hurle-t-il.
Mais le pire, à ses yeux, est à venir. « Le coup le plus dur est survenu lorsque [il fut] convoqué par le directeur provincial dans son bureau où, en présence d’une des grosses pointures du PJD dans la région, il m’informa de mon passage devant un conseil de discipline. Pour cause, expliqua-t-il, un malade n’a pas le droit d’écrire ou de publier quoi que ce soit, il doit prendre ses médicaments et dormir ! Il a précisé que c’était lui qui allait désigner les membres administratifs dudit conseil qui se tiendra dans son administration et que la sanction était inéluctable. »
PARANOIA ?
Pour cette assertion de Saïd Nachid, une « source informée » assure que s’il s’agit bel et bien d’un PJD, « c’est en sa qualité de syndicaliste qu’il se trouvait là pour plaider la cause de l’enseignant ». Toujours est-il qu’après « trois audiences consécutives, le conseil de discipline a décidé [sa] radiation définitive de la fonction publique et a envoyé la décision au Chef du gouvernement qui, se trouvant être le Secrétaire général du PJD, l’a immédiatement validée. »
Pour la « source informée » qui affirme que tout ce qui est reproché à Saïd Nachid est authentique et documenté, on serait là en présence d’une manipulation. La décision de révocation a été validée par le département de tutelle, l’Education Nationale en l’occurrence, et soumise à l’approbation du chef du gouvernement, comme l’exige le règlement de la Fonction publique, Saad Dine El Otmani ne pouvant dès lors que l’approuver. » De là à croire que le chef du gouvernement auquel fait référence la décision de radiation est quelque part victime d’une machination tendant à l’impliquer dans une décision qu’il ne lui appartenait pas d’instruire, il n’y qu’un pas, qu’on se garderait, par prudence, de franchir.
Mais pour Saïd Nachid, l’affaire est entendue. Il n’en démord pas, Saad Dine El Otmani m’a révoquer ! : « En près de vingt ans de service, mon parcours administratif et professionnel a été irréprochable, tous les rapports de mes supérieurs hiérarchiques ont été bons. Toutes mes absences ont été justifiées, mes certificats médicaux ont tous été validés par la commission médicale compétente. Je n’ai commis aucun délit ou crime, je n’ai pas subtilisé le moindre centime. Tous les collègues et les directeurs aux côtés desquels j’ai travaillé témoignent de ma compétence et de mon éthique. Dès lors, la décision de ma révocation définitive ne s’explique que par l’acharnement d’influentes sphères obscurantistes qui veulent me pousser à mendier, en représailles de mes écrits et par volonté d’humilier le projet que je représente.»
L’enseignant, au chômage désormais, peut toujours recourir à Diwan Al Madhalim ou ester en justice devant le tribunal administratif. Assurément qu’il trouvera à ses cotés nombre d’avocats bénévoles pour le soutenir. Et quelle qu’en soit l’issue, une chose est certaine. Salah El Ouadie, président du Mouvement Damir, qui a de l’estime pour Saïd Nachid et sa production intellectuelle, la résume bien : « Quand une nation a une tête bien faite comme celle-là, et Dieu sait que des comme lui il y en a, on ne la révoque pas, on la rétribue pour continuer à réfléchir et à produire ».