LE CONSEIL SUPERIEUR DE L’EAU ET DU CLIMAT DANS LA CONSTITUTION DE 2011 : UN OUBLI INEXPLICABLE – Par Mohamed Mohattane

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Des élèves des écoles coraniques tenant alalouah (tables) sur lesquelles ils apprennent le Coran, ici à la tête d’une marche de prière rogatoire pour la pluie suite à une longue sècheresse.

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Le livre récent de M. Driss Dahak sur «L’eau et le droit ; ressources-régime juridique-conflits » n’est pas à l’évidence une sommes et juxtapositions de textes législatifs et réglementaires, mais une approche globale qui invite à la réflexion notamment sur le plan constitutionnel et qui ouvre la voie à de nouveaux champs pour  l’action stratégique et prospective, dans un domaine aussi vitale et problématique que la question de l’eau au Maroc, à un époque cruciale où le pays fait face aux menaces du changement  climatique global et au défi du stress hydrique qui pointe à l’horizon.

Un ouvrage précis, avec une analyse pertinente et une maitrise académique de la problématique de l’eau au Maroc, qui appellent l’admiration. Une publication qui est le fruit du travail académique d’un éminent professeur, expert,  juriste, magistrat, personnalité politique, diplomate marocain et haut commis de l’Etat.

Dans cet ouvrage, l’auteur met le doigt sur un oubli majeur au niveau constitutionnel, compte tenu de l’absence du CSEC dans la Constitution de 2011 en tant que conseil constitutionnel. Ainsi, conformément à la loi 36-15, l’exécutif arrête les grandes orientations et prépare la stratégie nationale de l’eau, qu’il soumet à l’avis consultatif du CSEC, qui n’est pas considérée comme une instance constitutionnelle à l’instar du Conseil national des droits de l'Homme, du Conseil consultatif de la famille et de l'enfance, le Conseil Supérieur de l’Éducation, de la Formation et de la Recherche Scientifique, le Conseil consultatif de la jeunesse et de l’action associative. Alors qu’en premier chef, il s’agit de choix stratégiques dont dépend l’avenir du pays à l’heure actuelle et à des horizons pas très lointains.    

Créé par décision royale en 1981 et nommé au départ le Haut Conseil de l'Eau, le CSEC est chargé, conformément à la loi 10-95 sur l'eau, «  de formuler les orientations générales de la politique nationale en matière d’eau et de climat", d’étudier et de donner  son avis sur "la stratégie nationale d’amélioration de la connaissance du climat et la maîtrise de ses impacts sur le développement des ressources en eau ». Le Roi est président d'honneur du CSEC et la présidence effective du Conseil incombe au chef du gouvernement (loi 10-95, abrogée et remplacée par la loi 36-15 en 2016).

Un anachronisme constitutionnel inexplicable compte tenu, d’une part,  des grandes options stratégiques du Maroc au lendemain de l’indépendance, qui a fait  de la politique des barrages et de l’irrigation d’un millions d’hectares à l’horizon 2000 la mère des priorités stratégiques nationales, d’autre part, compte tenu ces dernières décennies du changement climatique global et de l’impact de ses effets qui affectent directement et en premier lieu les ressources en eau superficielles et souterraines. Ce qui pourrait impacter à moyen et long termes l’indépendance alimentaire et la sécurité hydrique du Royaume.  

Pour remédier à cet oubli, en attendant l’adoption d’une nouvelle Constitution ou l’amendement de la Constitution de 2011, le professeur Dahak juge nécessaire de soumettre les décisions du CSEC au Conseil des Ministres, qui est présidé par le Roi, pour délibération conformément à l’article 49 de la Constitution, qui stipule que le « Conseil des Ministres délibère des orientations stratégiques de la politique de l’État ». 

Les aléas du climat ne font plus de mystère ni de doute. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat-GIEC, l'Organisation météorologique mondiale (OMM) et des climatologues de renom international sont de plus en plus unanimes sur la « redoutable menace» du changement climatique global, qui de nos jours affecte aussi des régions humides voire même glaciaires, jusque-là à l’abri du réchauffement climatique global. 

Par le temps mondial actuel du changement climatique global et ses conséquences sur la raréfaction de l’eau, il est permis, en se basant sur  l’approche contrefactuelle,  de se poser la question de savoir ce que le Maroc serait devenu  sans la politique des barrages et sans la vision prospective de Feu SM Hassan II, qui a fait du développement du secteur de l’eau et les grands aménagements hydroagricoles une priorité nationale au milieu des années 1960. Ce qui a valu au Maroc, au vu des résultats réalisés, la reconnaissance de la Communauté internationale et l’admiration d’Institutions internationales, à l’instar du Conseil Mondial de l’Eau, qui a décidé d’attribuer le nom de Hassan II au prix le plus prestigieux de cette Organisation mondiale. Une distinction décernée chaque année à la meilleure action menée, à l’échelle internationale, dans le domaine des politiques de l’eau et des ouvrages hydrauliques. 

Tout en restant sur les orientations stratégiques de son Auguste père dans le secteur de l’eau, S.M. le Roi Mohammed VI a veillé sur la consolidation des acquis, tout en donnant Ses hautes directives pour la construction encore plus de barrages, la réalisation de stations de dessalement d’eau de mer et une utilisation rationnelle et économe de l’eau, en particulier dans le secteur agricole.  

Des choix  stratégiques dans le domaine de l’eau qui ont permis au Maroc de disposer d’une élite nationale en matière de génie rural et agronomique et d’une ingénierie nationale pour la mobilisation et la gestion des ressources en eau, qui sont de nos jours mondialement reconnues. Une expertise nationale dans le secteur de l’eau et de l’agriculture que le Maroc met généreusement à la disposition de l’Afrique en particulier, qui est toujours exposée aux aléas du climat et aux menaces du fléau de la famine. Une « diplomatie de l’eau » qui s’inscrit dans la nouvelle politique africaine du Maroc.