Le geste salutaire - Par Tarik EL MEDLAOUI

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Il a fallu 10 ans de travail à différents niveaux – politiques, institutionnels, juridiques – pour que le projet voie de la légalisation du cannabis à des fins médicamenteuses voit le jour. La dernière grâce royale vient ancrer dans la pratique cette décision prise au plus haut niveau.  

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Par Tarik El Medlaoui – militant pamiste et l’un des activistes qui ont travaillé sur le terrain à la légalisation du cannabis

La récente grâce royale accordée par le souverain à l’occasion de l’anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple, en faveur de 4 831 personnes condamnées, poursuivies ou recherchées dans des affaires liées à la culture du cannabis, a surpris plusieurs observateurs et analystes.

Cette grâce dépasse toutes les précédentes, car elle s’inscrit dans une nouvelle politique publique que l’État a récemment mise en place à travers l’ANRAC (Agence Nationale de Réglementation des Activités Relatives au Cannabis). Elle envoie un signal fort de changement à l’ensemble des citoyens vivant dans les régions concernées par cette culture, les invitant à adhérer à ce grand projet.

Personnellement, je me souviens très bien qu’en 2014, j’avais participé, avec certains camarades du PAM, aux journées de travail des 12 et 13 avril 2014 à Bab Berred et Chefchaouen, en compagnie de Mehdi Bensaid, jeune parlementaire à l’époque, et de Hakim Benchamach, chef de groupe parlementaire.

Ces deux journées m’ont beaucoup marqué. J’avais pris contact avec un ami de la région, car j’avais voulu me rendre sur place la veille de l’événement pour comprendre comment vivaient ces gens au-delà des fantasmes médiatiques. J’étais hébergé chez une personne très connue dans un village éloigné de Souk Sebt, dans la province de Bab Berred, après avoir parcouru des kilomètres de pistes montagneuses.

Le lendemain, j’ai participé à une rencontre à Bab Berred. Hakim Benchamach, en orateur qu’il était, a prononcé un discours marquant, suivi d’un échange avec la communauté locale. Ce qui m’avait frappé à l’époque, c’était la méfiance des citoyens envers le projet, les autorités, et même la société civile. Ils ne comprenaient pas comment une production qui leur coûtait la privation de liberté, voire la vie, pouvait devenir, par la force du droit, une culture légale.

Nous avons écouté des récits dramatiques, relatant comment ces gens vivaient sous la menace, avec des pratiques imposées par les circonstances locales.

Le lendemain, une rencontre a eu lieu avec les élus du parti de la région et la société civile militante pour la légalisation de cette culture. D’autres rencontres ont suivi entre 2015 et 2016, avec des journées d’étude organisées par les groupes parlementaires du PAM à l’époque.

D’ailleurs, les adversaires politiques de l’époque ont utilisé cet argument pour nous accuser de promouvoir la légalisation de la consommation du cannabis. L’ex-SG et l’actuel SG du PJD accusaient le PAM de vouloir détruire la jeunesse et la société marocaines.

Il a fallu 10 ans de travail à différents niveaux – politiques, institutionnels, juridiques – pour que ce projet voie le jour. Mais pour instaurer cette confiance dans la communauté, il fallait un geste fort, porté par la plus haute personnalité de l’État, pour tourner la page du passé et entrer dans une nouvelle ère.

Pour les moins avertis, 10 ans peuvent sembler une longue période pour un projet. Mais pour un projet aussi important et structurant, qui marque un changement radical dans divers aspects de l’État, c’est une période relativement courte.

D’autre part, la temporalité de l’État marocain ainsi que celle de la monarchie marocaine s’inscrivent dans le temps long et ne suivent pas les échéanciers politiques.

Je garde un sentiment de fierté d’avoir participé, avec un certain nombre de personnes, à ce changement majeur au profit des citoyens des régions qui ont vécu des années de souffrance. Désormais, ils peuvent vivre dignement de cette culture, tout en étant des citoyens libres, avec des droits et des obligations.

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