Le gouvernement ne communique pas – Par Naïm Kamal

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Parce qu’il a été décidé de ne pas l’écouter pour mieux ne pas l’entendre, on a décrété qu’il ne communique pas

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En allumant Abdallah Bouanou sur la marge des distributeurs des carburants, Aziz Akhannouch a laissé remonter à la surface son coté ‘’Ali Zaoua’’ qui n’est pas sans rappeler le Gavroche de Victor Hugo dans les Misérables. A la fois ‘’débrouillard, malicieux, intrépide et néanmoins généreux’’. 

On lui attribue tellement de comptes en banques, que l’on oublie que le gamin et l’adolescent Aziz a tapé dans le ballon dans les terrains vagues, quand il y en avait encore, de Aïn Sbaa entre son école et l’entreprise de son père où il a grandi dans l’austère rigueur financière et économique que l’on attribue souvent aux Soussis de ces années-là. Et que tout comme Ali Zaoua, il sait mordre.

Un Aziz peut en cacher un autre

Sa courtoisie, son sourire volontaire, ses rondeurs en font oublier à plus d’un que c’est un décideur et à l’occasion un ‘’tueur’’. Conditions sine qua non à la compréhension de sa longue traversée du Maroc, depuis sa naissance en 1961 à son arrivée à la tête du gouvernement en 2021. 60 ans pile-poil, sautant tous les obstacles, évitant tous les écueils, surmontant toutes les attaques, survivant à tous les changements. 

L’islamiste Abdellah Bouanou, plus professionnel de la politique que médecin de profession, dont l’apport se résume à sa seule carrière, sans valeur ajoutée, qui a fait de sa croissonnade contre Aziz Akhannouch son fonds de commerce et sa raison d’être, une fois taclé, n’avait plus que sa gesticulation pour arme et le ridicule secours de Abdalilah Benkirane et associés sur Facebook pour le soutenir. 

Des chiffres qui parlent

La conjoncture actuelle aurait voulu qu’on fasse de ce premier Grand oral du chef du gouvernement devant la Chambre des représentants un moment de réflexion collective sereine et apaisée. Pour sortir le Maroc et les Marocains sans trop de dégâts, parce que dégâts il y en aura, du bourbier où toute les forces de régression (pandémie, sécheresse, guerre d’Ukraine) se sont liguées contre les maillons faibles, les pays de la périphérie, « victimes collatérales », selon la bonne formule du président sénégalais Macky Sall, d’une guerre mondiale qui ne dit pas son nom. 

Peut-être avons-nous tendance à ne pas le comprendre, mais nous sommes bel et bien dans une confluence où le futur ancien ordre mondial issue de la fin de la guerre froide, résiste, au risque d’un embrasement général, à l’avènement d’un nouvel ordre post unilatéralisme.

Le parler vrai

Mardi dernier au Forum de la MAP, Rachid Talbi Alami, président de la Chambre des représentants, et l’une des chevilles ouvrières du RNI, déclarait que ‘’ce gouvernement n’avait pas de chance’’. Arrivé en pleine pandémie, devant gérer le legs d’une gestion islamiste cahoteuse, le voici qui doit aussi affronter une grave sècheresse et faire face aux effets d’une guerre si lointaine mais aux conséquences si proches. 

14 milliards de dhs de soutien gouvernemental à L’ONEE pour que le citoyen n’ait pas à subir une augmentation de 40% du prix de l’électricité. 116 dhs pour chaque butane à gaz pour qu’elle reste à 40 dhs. Le taux d’inflation qui renseigne sur la hausse des prix, ne dépasse pas les 3,6% quand un peu partout ailleurs il est à deux chiffres. L’approvisionnement des marchés est assuré et tous les produits y sont disponibles à des prix plus chers qu’auparavant mais globalement stables. Et les Marocains qui n’ont pas à faire la queue pour un litre d’huile.

Ni troubadour ni trouvère ni hlayki de jamaâ El Fna, il n’a pas dit que les temps ne sont pas dures ou, comme l’aurait fait Benkirane, premier responsable de la libéralisation des prix des carburants, « serrez-vous encore plus la ceinture, c’est dans l’intérêt supérieur de la patrie ». Il a plutôt réitéré, sans omettre de parler vrai, l’engagement de l'Exécutif de mobiliser ‘’tous les moyens financiers nécessaires pour couvrir la charge de la subvention supplémentaire des prix de certains produits alimentaires’’

La sourde oreille

Lucide, Aziz Akhannouch a invité « opposition et majorité au réalisme et à la reconnaissance de ces efforts face aux secousses successives, loin des tentations réductrices tendant à induire en erreur l’opinion publique en minorant les actions du gouvernement en contrepartie de gains politiques éphémères.» 

Dans des cercles si itératifs qu’ils en deviennent bien identifiables, on ne perçoit pas les choses ainsi. Parce qu’avant même que ce gouvernement n’advienne, il a été décidé de ne pas l’écouter pour mieux ne pas l’entendre, répétant à satiété l’imbécile idée d’un mélange des genres qui veut que les affaires et la politique sont inconciliables, alors même que depuis la nuit des temps elles constituent l’indissociable paire qui fait tourner le monde. Le reste étant une histoire de droit et de loi, de rigueur et de rectitude qui ne sont antinomiques qu’avec le profit indu. Encore faudrait-il qu’il soit pénalement avéré. 

Le passe-passe

Ayant résolu de faire la sourde oreille, on a décrété que ce gouvernement ne communique pas, jetant l’anathème sur quiconque ose affirmer le contraire. Pourtant, à ne retenir que l’indicateur MAP, l’activité gouvernementale compte près de six cents dépêches en cinq mois, sans porter à cette statistique les sorties hebdomadaires du porte-parole du gouvernement. Ce qui donne plus d’une centaine d’activités et de prises de parole mensuellement.

Reste à déterminer ce que l’on entend par communiquer dans un metavers où l’on parle plus que l’on n’écoute et moins encore entendre. Transformer le parlement en arène de cirque ? Parler de crocodiles et des afarites là où des chiffres seront plus éloquents ? Esquiver le bilan en faisant campagne sur attahakoum ? Faire le show et amuser la galerie ?  Galvaniser ses troupes et fanatiser les foules ? Jouer aux acrobates et jongler avec les mots ? C’est possible, comme il est loisible de réduire la politique à un art de prestidigitation. Mais s’il est vrai qu’une certaine communication peut nourrir l’illusion, l’illusion laisse toujours l’homme sur sa faim. 

 

 

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