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Les trois raisons de la démission de Mustapha Ramid
Mustapha Ramid, ministre d’Etat, en charge de Droits de l’Homme et des relations avec le Parlement
La démission de Mustapha Ramid du PJD pose nombre de questions. Certaines se rapportent à son timing, d’autres à l’organisation interne du parti. Dans les deux cas, cette démission révélatrice, à la fois, du conflit interne du parti et de l’ordonnancement du futur du PJD.
Il faut préciser d’emblée que la réaction du Secrétariat général du parti à cette démission n’apporte pas de réponses satisfaisantes à ces d’interrogations. Le texte de la démission ne révèle pas non plus grand-chose, se contentant de ressasser les mêmes considérations qui avaient amené il y a quelques mois M. Ramid à démissionner du gouvernement, avant de revenir sur sa décision.
En revanche, le Secrétariat général évoque, dans un communiqué, son attachement à ce que le démissionnaire continue à assurer ses charges et atteste de son apport politique et militant, sans livrer quoi que ce soit permettant de mieux comprendre l’évènement. Il semble ainsi que les deux parties aient convenu de gérer cette crise et ses réelles implications loin des médias, bien que certains éléments de la démission ont été fuitées.
Le moment choisi par Ramid pour sa démission est inopportun du fait que ce désengagement intervient dans le contexte pré-électoral marqué par l’enclenchement au sein du PJD de la procédure des candidatures aux élections communales et législatives, et le déclenchement de campagnes hostiles systématiques de l’opposition et de certaines parties de la majorité tendant à mettre un terme au mandat du parti à la tête du gouvernement.
En interne, la démission intervient à la fin d’une mandature et le lancement des préparatifs du prochain Congrès qui devrait évaluer et interpeler la direction politique sortante sur sa gestion finissante. Ce qui revient aux yeux de composantes du PJD à une anticipation de l’interpellation inéluctable et consacre une intention de se défausser de toute responsabilité dans cette gestion.
Parallèlement à ces facteurs, politique et organisationnel, intervient une autre donne tout aussi importante pour la compréhension des dessous de cette démission. Il s’agit de l’adoption de la loi sur l’utilisation du cannabis à des fins médicales et industrielles. Défendue par Mustapha Ramid qui a défié les députés islamistes pour une confrontation sur la question, elle a été rejetée par le groupe du PJD à la Chambre des conseillers le 4 juin, provoquant sa colère et son dépit.
Beaucoup n’ont pas prêté une grande attention à la symbolique de la présence de Mustapha Ramid lors de la nomination du gouvernement Benkirane II, et peu ont saisi à sa juste valeur la position, ministre d’Etat, qu’il détient dans le gouvernement de Saad Eddine El Otmani. Peut-être le Secrétaire général du PJD lui-même n’avait pas capté le signal consistant à dire dans un sens que cette position sous-entend que la confiance dans le PJD passe désormais par Mustapha Ramid, interlocuteur privilégié de l’Etat. Probablement est-ce pour cette raison que M. Ramid est apparu si décidé dans sa défense de la loi-cadre sur l’enseignement- même s’il ne comprend pas grand-chose à la question n’étant pas lui-même spécialiste en la matière-, ou encore de la loi sur le cannabis, n’ayant d’autre option que d’épouser entièrement la vision de l’Etat et sa politique.
Des membres du Secrétariat général soutiennent que la loi-cadre relative au système d’éducation, de formation et de recherche scientifique et la loi sur le cannabis ont mis le parti sur deux lignes contradictoires, tant au niveau politique qu’au plan méthodologique. La première ligne défend une vision attribuée à l’Etat, et la seconde considère que ces deux lois sont en contradiction avec la littérature et les référentiels du parti.
Selon les tenants de « l’orthodoxie », il est absolument inconcevable de revenir sur la place de la langue arabe ou de faire du parti un entonnoir pour faire passer une loi de nature à étendre le cercle de l’usage de la drogue.
Dans cette polarisation politique aussi tranchée, s’affrontent deux comportements opposés, tous les deux en rupture avec les règles fondamentales du parti. Le premier consiste à agiter la carte de la démission ou du gel de l’adhésion au parti au cas où l’on voterait pour un tel sujet (cas de Benkirane), tandis que le second consiste à brandir la démission au cas où la direction du parti se révèle incapable d’interagir positivement avec une « influence extérieure » aux ses instances (cas de Ramid).
Une troisième voie semble s’esquisser avec Saad Eddine El Otmani, surtout avec l’adoption de la loi sur le cannabis. Elle préconise que les instituions du parti sont assez matures pour écouter et interagir avec différents points de vue, qu’ils émanent du parti ou de son extérieur, la décision appartenant en définitive à ces mêmes instances, sachant par ailleurs que tous les dirigeants du parti se valent et qu’aucun ne serait laissé en rade.
Manifestement, Mustapha Ramid a remporté le premier round avec le vote du groupe parlementaire en faveur de la loi-cadre, un vote perçu comme un indicateur du déclin de l’influence de Benkirane sur le parti voire du crépuscule de son rôle. Sauf que ce moment a fait long feu, Ramid ayant perdu le second round avec le vote contre la loi sur le cannabis. Fait que son intuition politique aiguisée peut percevoir comme un indicateur éloquent de l’influence de Benkirane sur le parti et le précurseur de son retour imminent à la tête de la direction du PJD.
Sans doute, M. Ramid a-t-il présenté sa démission pour trois raisons. La première se rapporte à sa défaite dans le duel avec Benkirane, ce qui le mettrait de facto sur la sellette lors du prochain Congrès. La deuxième concerne son incapacité à assumer son rôle d’associé à la décision auprès du Chef du gouvernement. La troisième raison est qu’il est ainsi devenu, effet induit de ses divergences profondes avec la direction du parti en matière de gestion politique, inapte au rôle d’interlocuteur immédiat de l’Etat.