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PJD : Gagnera ou ne gagnera pas, telle est la question
PJD : Gagnera ou ne gagnera pas, telle est la question - Par Bilal Talidi
Arrivés par deux fois de suite en tête des législatives, les péjidistes s’interrogent sur la possibilité pour leur parti de remporter une troisième échéance d’affilé. Ce qui serait un exploit. Traversé par une crise multiforme, miné par le doute et travaillé par la déception d’une bonne frange de « ses » électeurs, la direction du parti, ne pouvant plus jouer la carte victimaire, table sur un hypothétique bilan gouvernemental. Dans cet article, Bilal Talidi analyse pourquoi ces législatives seront tout sauf une sinécure pour le PJD.
Une lancinante question existentielle parcourt les rangs du PJD ces jours-ci, au moment-même où la direction du parti s’efforce de créer une ambiance d’espoir et d’enthousiasme quant à la possibilité de voir le parti réaliser son troisième sacre d’affilée, malgré la modification des lois électorales et l’adoption du quotient électoral sur la base du nombre d’inscrits.
Trois paramètres articulent le discours de la direction du parti. Le premier consiste à considérer que le nouveau quotient électoral n’implique pas forcément l’impossibilité d’une éventuelle victoire, dès lors qu’un succès est toujours possible au vu de données statistiques. Le second veut que tout dépend du degré de préparation des bases du parti et leur disposition à mener une campagne électorale forte. Le troisième, enfin, est fonction de leur aptitude à défendre la gestion et le bilan gouvernementaux, en faisant valoir les réalisations du gouvernement 1 et 2 du PJD.
Une tendance forte du PJD n’écarte pas une victoire, mais estime que le changement de la thématique de la prochaine bataille électorale est plutôt hasardeux. Même en défendant un bilan gouvernemental honorable, le parti a pris l’habitude de faire campagne avec une thématique politique précise, déployant essentiellement les attaques et les manipulations qui le ciblent. Abandonner cette thématique, notamment après le vote des autres parties de la majorité gouvernementale pour le quotient électoral au détriment du parti du chef du gouvernement, priverait le PJD de l’un de ses leviers de prédilection, le discours victimaire, qui lui a permis à chaque fois d’étendre la base des affiliés et des sympathisants.
A côté de ces deux avis convergeant sur une possible victoire, émerge une troisième tendance selon laquelle les conditions électorales, politiques et organisationnelles ne jouent pas en sa faveur. Selon cette thèse, le PJD ne doit pas en ce moment précis tout tabler sur ces échéances électorales, l’essentiel étant de penser la réforme de la machine partisane et de réfléchir à une réponse politique collective à la hauteur des exigences du moment, de telle sorte à renforcer la cohésion du parti et la cohérence de ses composantes pour le rendre apte à interagir avec les mutations politiques à l’œuvre au Maroc.
Une série d’indicateurs conforte cette tendance dans ses convictions. En premier lieu le nouveau quotient électoral qui, érodant la force du parti dans les villes, ne permettra pas au PJD de remporter plus d’un siège en milieu urbain, lui qui pouvait rafler dans certaines circonscriptions jusqu’à trois sièges. Le retour du scrutin individuel et l’élargissement de son champ d’application ensuite. Ils impliquent une perte considérable de sièges en milieu rural, sachant que la percée réalisée lors des précédentes élections ne pourra pas être rééditée en raison des modifications de la loi électorale. Enfin, le phénomène de la transhumance politique s’est amplifié de manière inédite et a touché probablement pour la première fois avec une telle intensité le PJD. Les nouvelles lois électorales (quotient électoral) ont en effet poussé nombre de députés et de conseillers à quitter le navire, estimant très faibles leurs chances, vues les procédures du parti, de voir leurs candidatures retenues. Cette nouvelle donne est doublement préjudiciable au PJD. D’une part elle le prive d’une base importante de sympathisants qui se sont attachés d’une manière ou d’une autre aux transhumants, de l’autre elle est de nature à affaiblir les prédispositions du parti à la campagne électorale.
Un autre facteur et pas des moindres concerne les tensions intestines. Un courant interne guette les échéances électorales l’œil rivé sur le jour d’après. Il ne se considère nullement concerné par la gestion de cette étape, le dernier mot revenant de son point de vue aux résultats du scrutin déterminants pour ce qui s’en suivra. Ce courant n’éprouve ni l’appétence intellectuelle et politique pour cette campagne, ni la disposition organisationnelle à défendre la gestion du parti à la tête du gouvernement, notamment dans son aspect politique. Il estime probablement qu’il tirerait mieux ainsi ses marrons du feu au cas où le parti venait à perdre les élections, avec en perspective les implications de cet échec en termes de réorganisation et de redistribution des cartes.
Dans cette situation troublée, un autre facteur tout aussi majeur complique la donne : La base du parti. Celle, naturelle, qui s’est associée au PJD par conviction liées aux référentiels, à l’identité et aux valeurs, violemment ébranlée par, entre autres, le vote du PJD en faveur de la francisation de l’enseignement (loi-cadre). Et celle qui s’est attachée plus tard au PJD parce qu’elle y voyait un apport au processus de démocratisation et des droits humains qu’elle ne perçoit plus aujourd’hui que dans leurs aspects régressifs, à ses yeux suffisants pour rompre les amarres avec le parti.
Dans cette dynamique peu vertueuse, les appartenances de classe ne seront pas décisives dans les résultats du scrutin pour le PJD comme pour les autres. L’absence d’un rival en mesure de séduire les classes moyennes, qui avaient précédemment jeté leur dévolu sur le PJD, ne lui profitera pas non plus. Déçue, la classe moyenne opterait au mieux pour l’abstention.
Le contexte étant ce qu’il est, une éventuelle victoire du PJD aux prochaines échéances sera tout sauf une sinécure. Surtout si le parti, en plus de ne pas accorder l’importance nécessaire à la réunification de ses rangs, se défait de sa thématique victimaire privilégiée qu’il a longtemps cultivée au profit de la défense de son bilan gouvernemental.