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Tiercé ou quarté gouvernemental, mon pari et la leçon de M’Hammed Douiri – Par Naïm Kamal
Montage : M’hamed Douiri, grande figure de l’Istiqlal, plusieurs fois ministre – Aziz Akhannouch, président du RNI, Chef de gouvernement désigné
La carte politique qui a émergé du scrutin du 8 septembre a donné au RNI de Aziz Akhannouch une victoire sans appel (Législatives, Régionales et Communales) et une défaite sans recours au PJD de Saad Dine El Otmani (Législatives, Régionales et Communales). Elle a aussi la paticularité d’offrir une multitude de combinaisons gagnantes pour former le prochain gouvernement et surtout de le faire sans recours à une pléthore de formations.
C’est à la fois une bonne chose et une difficulté supplémentaire puisque les composantes pouvant prétendre à une place au soleil, qui se retrouveront à l’ombre, sont susceptibles d’en concevoir du dépit. Elles s’en remettront.
Un ami ambassadeur à Rabat d’une grande capitale, qui s’est pris au jeu m’a suggéré les combinaisons suivantes : (1 – 2 – 3), (1 -3 – 4), (1 – 2 - 4) suivies de la conjonction disjonctive ‘’Ou’’ et de trois points de suspension.
On remarquera de prime abord que si le 1 revient à chaque fois, les autres chiffres ne reviennent que deux fois, ce qui nous donne une constante et deux variables interchangeables à volonté.
L’apparence trompeuse
Avant d’examiner les probabilités gouvernementales, je dois rappeler que dès le lendemain du scrutin, j’ai écrit que les résultats donnent une palette d’échafaudages pour la formation d’une majorité, mais l’embarras du choix se réduit d’autant dès que l’on pose la question qui fâche : qui pour tenir l’opposition parlementaire impérative à la vie normale d’un Parlement, le PJD n’étant plus en mesure de jouer ce rôle ? Le PAM ou l’Istiqlal ? L’Istiqlal et le PAM ? Ou l’Istiqlal et l’USFP (plus le PPS) histoire de faire revivre la Koutla, en perspective d’une future alternance ?
Le premier tiercé (1-2-3) donne un gouvernement RNI - PAM – Istiqlal. Une majorité de 269 sièges bien plus qu’absolue, qui a apparemment les faveurs du secrétaire général de l’Istiqlal Nizar Baraka, craignant vraisemblablement que toute autre formule le mettrait hors course.
La composition 1-2- 3, tout gouvernement, pour peu qu’il émanerait d’un ensemble cohérent et homogène, en rêverait. Mais les apparences peuvent être trompeuses, car rien n’est moins certain dans l’alchimie RNI –PAM-Istiqlal. Tant il est de notoriété publique qu’entre le chef de la majorité en gestation, Aziz Akhannouch, et le secrétaire général du PAM, Abdellatif Ouahbi, le courant ne passe pas. Trop d’attaques du deuxième contre le premier ont émaillé le parcours de Ouahbi pour que ça ne laisse pas de traces. Et quand bien même il serait vrai qu’on ne gouverne pas avec des états d’âme ou selon ses affinités, le secrétaire général du PAM, tactiquement si maladroit et politiquement si imprévoyant qu’il a été chercher la caution morale du PJD à quelques semaines des élections, reste un personnage bouillonnant et imprévisible qui, pour reprendre l’expression d’une de ses connaissances, attend rarement la passage du feu rouge au vert pour traverser qui plus est en dehors des clous.
Deux tiercés et un quarté
Cette combinaison qui offre – il faut le dire – la possibilité d’un gouvernement ramassé autour de grands pôles sans énormes difficultés, a en revanche l’inconvénient de ne pas laisser grand monde dans les rangs de l’opposition. Le MP et l’UC, génétiquement très peu faits pour tenir la dragée haute à la majorité, le contrepoids au gouvernement sera livré principalement à trois groupes (USFP, PPS, PJD) qui totalisent 69 députés. Trop peu pour faire résonner l’hémicycle et surtout peu conforme au rôle que la constitution a dévolu à l’opposition.
L’autre option (1 – 3 – 4) est sur le papier jouable. La conjugaison RNI – Istiqlal – USFP, 218 sièges, donne une majorité absolue à visage humain. Driss Lachgar et ses socialistes la désirent de tout leur cœur et a l’heur de pouvoir ne pas déplaire ni à Aziz Akhanouch ni à Nizar Baraka. Seul inconvénient, l’image froissée de l’USFP. Mais elle autoriserait aussi un gouvernement ramassé et laisserait au PAM de Abdellatif Ouahbi la latitude de re-goûter aux délices de l’opposition cette fois-ci aux cotés du PJD avec lequel il a contracté une entente cordiale préélectorale.
Sauf que le PAM, qui a été créé avec la vocation innée de prendre les rênes du gouvernement, n’eut été les mauvais tours et détours de l’histoire, n’a pas pour fatalité de ne faire toute sa vie que de l’opposition (si l’on exclut la phase où Ahmed Akhchichen a été ministre de l’Education Nationale). Et rien ne justifie que ce parti, arrivé deuxième, paye dans son ensemble le péché originel de son secrétaire général et son flirt zoophile avec les islamistes.
La troisième combinaison (1-2-4) met dans une même équipe gouvernementale RNI – PAM et USFP. Elle offre la même majorité absolue que la deuxième combinaison bonifiée de cinq députés, mais reconduit le grief d’image froissée à l’encontre de l’USFP et l’ensemble des pour et des contre retenus plus haut dans le cas complexe et compliqué du PAM, sans libérer pour autant Aziz Akhannouch du grand dilemme posé par les deuxième et troisième scénarios : Qui laisser en rade du gouvernement, le PAM ou l’Istiqlal ?
La leçon de Douiri
Il va de soi que cette carte politique idéale offre bien d’autres combinaisons possibles, dont le quarté 1 – 2 – 3 - 4 (RNI, PAM, Istiqlal, USFP). Je n’ose même pas y penser. Mais c’est là qu’intervient la leçon de Mhammed Douiri, grande figure de l’Istiqlal, à lui seul une école de sciences-po. J’ai eu la chance de travailler à ses cotés de 1981 à 1985, lui ministre du Plan, de la Formation des cadres et de la Formation professionnelle, et moi jeune cabinard. Un matin, comme tous les matins que faisait Dieu, je suis rentré dans son bureau pour affronter la question rituelle : « Quoi de neuf ? ». Je lui ai répondu qu’on parlait d’un probable remaniement ministériel, et à son interrogation, je poursuivis que tel va devenir ministre de ceci, un autre va passer à tel poste, un troisième va être débarqué parce qu’il n’a pas donné satisfaction, bref toutes les ouï-dire que l’on colportait dans les cafés de commerce et principalement dans la mythique et célèbre terrasse du café Balima juste en face du Parlement à Rabat.
Quand j’eus fini, il me demanda : « Qui t’a dit ça, le Roi ? »
J’ai accusé la réplique et à mon air brimé il poursuivit : « Tu sais, même si tu dines avec le Roi et qu’il te dit voilà ce que je vais faire du gouvernement, n’en crois rien jusqu’à ce que ce soit annoncé officiellement à la télévision ». Il se tut un moment qui me sembla une éternité, puis leva de nouveau les yeux vers moi et reprend : « non parce que le Roi t’aurait menti. Certainement qu’au moment où il te l’a dit c’est ce qu’il avait l’intention de faire. Mais entre ton départ et l’annonce officielle, beaucoup de choses se seront passées, de nouvelles considérations seraient entrées en jeu, des interférents auront agi… » Une petite leçon des choses, et M’hammed Douiri, pour lequel j’ai une tendre pensée, qui m’apprenait sans avoir l’air d’y toucher qu’en politique comme en religion, les voies du seigneur sont impénétrables. Jusqu’à ce qu’il décide de les révéler. Un aphorisme que je me suis, depuis, rigoureusement appliqué. Ma contribution au Pari mutuel d’aujourd’hui n’est que l’exception qui confirme la règle.